La Rançon - David Malouf

Par Ivredelivres

                                 © « L’Iliade et l’Odyssée Editions Cocorico, 1957.

Il faut un certain culot ET un talent certain pour réécrire la fin l’Iliade ! 

L’Iliade c’est le mythe par excellence, l’épopée indépassable et pourtant David Malouf a décidé d’y apporter sa contribution.

En 1943 son institutrice fait une lecture à voix haute de l’Iliade, pour David ce récit se télescope avec ce que les australiens alors vivent au quotidien c’est à dire la campagne du Pacifique où beaucoup des leurs périront. Pour l’enfant de huit ans cette lecture est un choc total. Les traces vont subsister et l’écrivain va un jour s'en emparer.

Achille a vengé Patrocle et vaincu Hector.

Paradoxalement la violence d’Achille connait son paroxysme dans ce moment, il refuse de rendre le corps à Priam et Andromaque, il est encore envahi par une colère terrible, la mort d’Hector ne lui suffit pas il lui faut plus,

 il « chassa les gouttes de sueur brûlante de ses yeux, toucha légèrement les chevaux avec les guides et s’élança dans la plaine, se retournant de temps en temps à demi pour voir le corps , dont la tête et les épaules rebondissaient sur le sol aride et caillouteux ».

11 jours durant la folie se poursuit mais les dieux veillent et le corps d’Hector chaque matin est comme au premier jour.

Priam ne veut plus qu’une chose c’est procéder aux funérailles de son fils. Lui rendre les honneurs dues aux braves.

Alors le vieux roi va faire quelque chose d’inédit, d’insensé, loin des manigances des dieux de l’Olympe.

Il veux forcer le destin et avoir « La chance de pouvoir agir par nous-même. De tenter quelque chose qui pourrait forcer les événements à emprunter un cours différents. »

Il va imaginer un échange, une rançon pour racheter le corps de son fils. S’il faut supplier il suppliera, s’il faut s’humilier il le fera.

Priam suppliant  Achille - Alexandre Ivanov

Le voyage de Troie jusqu’au camp d’Achille va se faire sur une simple charrette avec un modeste serviteur comme guide. 

C’est tout le talent de David Malouf de rendre ce voyage, si éprouvant pour le vieux roi, ce voyage est proche d’une renaissance.

La nature, la simplicité, l’écoulement du temps, toutes choses qu’un roi a oublié et qui le ramènent à sa condition d’humain épris de liberté.

Il y a dans ce récit la grandeur de l’épopée et la sobriété d’un récit à hauteur d’homme. Non seulement Homère n’est pas trahi mais le lecteur n’a qu’une envie c’est retrouver « l’aurore aux doigts de rose » et « Achille au pied léger » 

Une sensation de tranquille sagesse irrigue tout le roman et l’on ressort envoûté et ébloui.

                        Les restes de Troie

Il est des moments dans le face à face des hommes qui peuvent être des instants de paix, de grâce, d’empathie.

En lisant la Rançon je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la rencontre entre Patrick Leigh Fermor et ce général allemand qui est son prisonnier et avec qui il partage un instant hors du temps de la guerre autour de la poésie récitant les vers d’une Ode d’Horace que l’allemand a commencée.

Ou encore ces moments volés pendant la Première guerre où allemands et français entonnent un chant de noël. Des moments où la vie l’emporte sur la haine, sur la violence.  

Lisez l’avis d’Anne qui a aimé aussi 

  

Le livre : La rançon - David Malouf - Traduit par Nadine Gassie - Editions Albin Michel