Le legs d'Adam

Publié le 09 janvier 2015 par Lecteur34000

« Le legs d’Adam »

ROSENFELD Astrid

(Gallimard)

Un émouvant exercice sur la mémoire, la mémoire de celles et ceux qui furent les victimes de la Shoah. Edward Cohen, un jeune berlinois, découvre quelques notes rédigées par son grand-oncle et qui remontent aux années durant lesquelles quelques juifs allemands caressaient encore l’espoir d’échapper à la fureur meurtrière des nazis. Ces notes le conduisent sur les traces de ses ancêtres. Adam, le grand-oncle, alors adolescent. Edda, l’aïeule, femme de caractère, qui se refuse à céder face à ceux qui ont déjà engagé leur entreprise d’extermination. C’est en ces années-là qu’Adam rencontre Anna et qu’il s’éprend de la jeune fille. Mais, au terme d’une nuit de rafles, Anna disparaît. Adam ne se résigne pas. Il se lance à sa recherche. Un dignitaire nazi qui fut son professeur de violon et que Edda tient sous sa coupe lui fournit peu à peu d’utiles indications. Cracovie, d’abord où, déguisé lui-même en nazi, Adam devient le rosiériste officiel d’un autre dignitaire. Puis le ghetto de Varsovie qu’il rejoint sous sa véritable identité, mais sans que jamais il ne soit en mesure de retrouver la trace d’Anna. C’est au cœur de ce ghetto, dans des conditions effroyables, qu’il rédigera ses mémoires, ce legs destiné à Anna, puisqu’il espère qu’elle aura échappé à la mort.

Les pires moments, les plus abominables moments de l’histoire allemande sont donc revisités dans ce roman qui avec pudeur, avec retenue raconte le martyr enduré par des enfants, des femmes, des hommes qui avaient eu le malheur de naître juifs. Mais un roman qui ne se borne pas qu’à cela. Astrid Rosenfeld donne d’abord chair et consistance à la famille juive qui fut celle d’Adam : personnages hauts en couleurs, cultivés, généreux, combatifs plus que résignés. Elle s’essaie également à éviter les pièges du manichéisme en introduisant par exemple dans son récit cet ancien professeur de violon d’Adam, mutilé durant la première guerre mondiale, devenu dignitaire nazi mais gardant à l’égard de l’aïeule juive des sentiments allant au-delà de la banale considération. Elle a réussi un roman plus que respectable, un roman tout empreint d’humanité, au cœur duquel la violence nazie ne parvient jamais à annihiler les plus belles parts d’humanité chez les victimes.