Azrayen'

Publié le 22 janvier 2015 par 7bd @7BD
Série : Azrayen Volume : Tome 1 Dessin : Lax Scénario : Frank Giroud Editions : Dupuis Collection : Aire Libre Année : 1998 Série : Azrayen Volume : Tome 2 Dessin : Lax Scénario : Frank Giroud Editions : Dupuis Collection : Aire Libre Année : 1999 Série : Azrayen Volume : Intégrale Dessin : Lax Scénario : Frank Giroud Editions : Dupuis Collection : Aire Libre Année : 2004
Résumé
1957, Guerre d’Algérie
Une section complète de 22 hommes de l’armée française manque à l’appel. Cette section, commandée par le lieutenant Messonier, est composée essentiellement de harkis dont, parmi eux, un ancien membre du Front de Libération National Algérien (FLN) : Mohan Djeddar. Le capitaine Valéra sera chargé d’enquêter sur cette disparition. Tour à tour, il enquêtera sur l’étrange lieutenant Messonnier (surnommé « Azrayen’ : L’ange de la mort » selon une croyance Kabyle) via la maîtresse de celui-ci, Takhlit Allilat, jeune institutrice Berbère. Ceci nous amènera à en connaitre ainsi un peu plus sur ce « Azrayen’ » et ses cas de conscience face aux atrocités commises dans le cadre de cette guerre. Puis Valéra se tournera vers le passé de Mohan Djeddar, allant jusqu’à le soupçonner de trahison de l’armée française au profit du FLN, et en intervenant dans le village Kabyle de son enfance. Enfin il retracera le dernier parcours réalisé par cette section pour finalement comprendre le fin mot de l’histoire.
Mon Avis
Frank Giroud tombe un jour sur des photos et des notes prises par son père lors de son épopée, en tant qu’appelé de l’armée française, de la guerre d’Algérie. Ces photos vont être le point de départ de ces fabuleux ouvrages. Bien que l’histoire dans ces livres soit une fiction scénaristique, elle n’en est pas moins fortement inspirée par de véritables personnages et de véritables lieux. Frank Giroud a donc effectué d’énormes recherches sur le sujet, avec tout son talent « d’historien », et allant jusqu’au point de physiquement se rendre en Algérie, avec son père, pour retracer, cadrer et faire remonter les souvenirs de celui-ci. Le travail est stupéfiant de réussite.

Le scénario :

Frank Giroud, l’un de mes scénaristes actuels préférés, réalise un sans-faute sur le sujet. Outre le travail de recherche décrit plus haut, la fiction qu’il propose reste plausible et tellement réaliste que l’on pourrait croire à une histoire vrai. Son talent va jusqu’à nous raconter un extrait de cette guerre sans parti pris, sans politique, sans apologie du bien et/ou du mal… Il laisse au lecteur la possibilité de se faire sa propre opinion sur le sujet. Les références au FLN et son armée (ALN), ou Mouvement National Algérien (MNA) etc... sont nombreuses mais peu ou pas orientées politiquement. L’histoire en elle-même est surprenante (et encore plus surprenante lorsque l’on connait le travail de minutie effectué) et la fin de l’histoire est tellement inattendue qu’elle inspire un sentiment d’injustice, de frustration, de non-aboutissement, et amène surtout à se poser des questions existentielles sur les bienfaits ou non de ce genre de conflits… Rien à dire quand au découpage sauf peut-être une mise en situation longue mais nécessaire. La lecture de ces livres ne laisse donc pas indifférent. Le pari de scénariste est donc réussi de par la tenue en haleine du lecteur jusqu’au bout du livre, et de par le magnifique travail de mémoire de ces épisodes de l’histoire malgré la fiction du scénario.

Le dessin :

Lax, ayant changé son style de dessin par rapport à ses précédents ouvrages, réussi parfaitement dans cet exercice de la ligne claire. Il créé des dessins réalistes avec un trait fin, précis, souple et détaillé. On y remarquera encore le travail de recherche et de minutie au travers des véhicules, des uniformes, du matériel militaire, des tenues des algériens et des différences de type des origines des personnages (type maghrébin ou européen). Les couleurs choisies mettent bien en évidence l’environnement dur, difficile, désertique, hostile de la Kabylie, et rappellent fortement les couleurs du maître du genre des BDs sur l’Algérie : Jacques Ferrandez avec ses « Carnets d’orient ». Les paysages sont donc magnifiques et très bien retranscrits.
Dans cette BD, j’ai apprécié particulièrement, aussi, le supplément écrit par Frank Giroud expliquant le comment du pourquoi de ce livre. On lit ce supplément comme au travers des yeux d’un petit garçon qui voit son père en héros. Un héros traumatisé par la guerre et ses méfaits, au point de ne pas en parler à son fils. Un héros hésitant à revenir sur les lieux de son passé craignant à tout moment que celui-ci ne revienne.  Le plus émouvant est de lire les rencontres et les témoignages que Frank Giroud et son père ont fait lors de leur séjour en Algérie. Ils s’y sont confrontés à des gens simples et humains, fiers de leur patrie, mais tolérants et accueillants. (Pour l’anecdote, ces pages racontent, entre autre, la rencontre d’un ancien membre du FLN agissant en même temps le père de Frank Giroud qui était alors dans l’armée française opposée… 2 « ennemis » sympathisant finalement autour d’un thé… )
Sous mon sapin, j’y ai donc trouvé cet ouvrage sur la guerre. « La guerre ? », me suis-je dis, « beau message de paix pour un Noël… », mais à la lecture de celui-ci mon opinion a changé. Ce livre n’est effectivement pas un livre sur la guerre, mais un travail de mémoire splendide et un message de paix somptueux.
Chapeau messieurs Lax et Giroud ! yann