Restinclieres

Par Elisabeth Leroy

A 15 kms de MONTPELLIER, le domaine de Restinclières offre aux visiteurs une étonnante palette de paysages où chacun peut se détendre et s'instruire des choses de la nature. Terre agricole, sanctuaire pour la faune et la flore, l'ancienne seigneurerie de Restinclières est ajourd'hui un lieu d'initiation et de sensibilisation à l'environnement.

Au sud de Prades-le-Lez, le domaine départemental de Restinclières s'étend sur 250 hectares de collines calcaires encadrées par les bras ombragés du Lirou et du Lez. Restinclières est un lieu priviligié qu'il est délicieux de découvrir au lever du soleil, à ces heures encore fraîches où la nature se hâte de respirer avant de faire le dos rond à la canicule des heures prochaines.

Les toits du château de Restinclières, couverts de tuiles noires vernissées brillent dans la lumière matinale comme les écailles d'une couleuvre. On pénètre dans le domaine en franchissant le pont métallique jeté sur les eaux basses du Lirou et en traversant le rideau forestier qui orne ses berges.

Le chemin est jalonné par les troncs éléphantins de vieux micocouliers. Une fois franchie la grille en fer forgé, apparaît la belle demeure toute nimbée de vert bleuté des cèdres de l'Atlas qui bordent son esplanade. Depuis le XIIè siècle, ce château fut la propriété de puissantes familles seigneuriales languedociennes qui au gré des modes modifièrent son apparence. Construite durant la 1ère moitié du XVIIè siècle dans un style Louis XIII un peu archaïque, cette demeure de campagne a des allures de duègne sévère avec son corps central de plan allongé cantonné par deux tours carrées.

Des rénovations récentes lui ont rendu son ordonnance d'origine. Côté cour, le regard survole garrigues et vignobles jusqu'au Pic Saint Loup. Au sud, les jardins à la française dévalent par degrés jusqu'au sillon alluvial du Lez et, dans cette percée, le village de Montferrier, perché sur le piton basaltique de son ancien volcan, ponctue l'horizon.

Pour valoriser leur prestige, les anciens propriétaires voulurent donner au château un écrin de verdure sous forme de jardin d'agrément où la nature est soumise. En 1722, lors d'une vente du château, un contrat détaillait les jardins.

Au XIXè siècle, George Betham, un botaniste anglais de renommée mondiale, s'enticha du domaine de Restinclières et y planta la plupart des beaux arbres du parc : cyprès, tilleuls, marronniers mais aussi des essences exotiques telles que des magnolias, des cyprès chauves et des catalpas.

Ces vieux arbres tout tordus et pleins de creux sont devenus des niches écologiques pour de nombreuses espèces d'oiseaux, et la nuit, chouette hulotte et chouette effraie se répondent en un concert hululant.

Dans la partie ouest de Restinclières, un sentier pédagogique, dont le thème est la découverte des sols, initie à la lecture des paysages traversés. Ainsi, sur les calcaires marneux, croissent les pinèdes, de jeunes forêts habitées par les pies bavardes. Plus loin, la trouée d'une clairière témoigne de la présence ancienne d'une vigne dont la friche profite aux graminées, aux aphylanthes de Montpellier et aux quinze espèces d'orchidées que compte le domaine.

Ailleurs, landes, garrigues à romarins et taillis de chênes verts se souviennent des 1 200 "bêtes à laine" qui, il y a un siècle environ, pâturaient ces terres.

Au XIXè siècle, la famille Betham produisit du maraîchage selon des techniques alors révolutionnaires (utilisation de machines agricoles importées d'Angletere), puis vint l'impérialisme du vignoble et enfin, vers 1960, ce fut le tour d'une arboriculture fruitière. Riche de son passé, l'histoire agricole de Restinclières est toujours en marche car le domaine fait aujourd'hui l'objet d'expérimentations agro-forestières uniques en Europe. L'association de céréales, intercalées avec des noyers et des sorbiers, a pour objectif la recherche de solutions alternatives aux méthodes culturales actuelles.

Au-delà des ruines de l'ancienne maison de pompage, de vieux magnolias bordent le miroir trouble d'un canal et dans leurs branches, un essaim sauvage squatte le nid d'un rollier d'Europe. Ces eaux dormantent grouillent d'une vie mystérieuse mais facile à observer : le plouf d'une grenouille de Perez crève soudain la nappe pointillée des lentilles d'eau et une sorte d'araignée s'enfuit en bonds minuscules devant le vol en rase motte d'une libellule aux ailes moirées. Partout la végétation exulte la présence de l'eau et la source du Lez signe la véritable richesse du domaine de Restinclières.

Dans ce coin de paradis, les enfants barbotent avec bonheur sur les galets d'un gué : munis d'épuisettes de fortune, ils ambitionnent une pêche miraculeuse alors que l'ombre sereine des grands arbres accueille les parents. Alors que la journée se termine, chacun fait l'inventaire de ses trouvailles et on se fait la promesse de revenir bientôt.