Yémen: le président Abd Rabbo Mansour Hadi démissionne

Publié le 22 janvier 2015 par Plusnet
Le président du Yémen Abd Rabbo Mansour Hadi a démissionné, a annoncé jeudi soir l'un de ses conseillers Sultan al-Atwani, alors que le pays traverse une profonde crise politique. Le Parlement a de son côté refusé d'accepter sa démission. Cette démission, confirmée par d'autres conseillers présidentiels, intervient juste après celle du gouvernement de Khaled Bahah et alors que les miliciens chiites ont renforcé leur contrôle de la capitale Sanaa ces derniers jours.

Le gouvernement yéménite, nommé il y a moins de trois mois, a présenté sa démission au président Abd Rabbo Mansour Hadi jeudi, après la prise du palais présidentiel de Sanaa par les miliciens chiites d'Ansaruallah.
Le porte-parole du gouvernement, annonçant cette décision, l'a qualifiée d'«irrévocable».
Dans sa lettre de démission, dont l'AFP a obtenu une copie, le premier ministre Haled Bahah a justifié sa décision par le fait qu'«il veut éviter ainsi que les membres de son cabinet puissent être considérés comme responsables de ce qui se passe et de ce qui se passera au Yémen».
Il a estimé avoir tenté de servir le pays depuis sa nomination le 7 novembre dernier et le vote de confiance du Parlement le 18 décembre.
«Mais la situation a évolué dans une autre direction et nous avons décidé de nous tenir à l'écart des aventures politiques qui ne respectent aucune loi», a-t-il ajouté.
Mercredi, le premier ministre yéménite avait négocié sa sortie et quitté sa résidence dans le centre de Sanaa où il était bloqué depuis deux jours par des miliciens chiites.
Des miliciens chiites lourdement armés avaient encerclé lundi soir la résidence de M. Bahah, quelques heures après des tirs ayant visé son convoi après sa participation à une réunion avec le président Abd Rabbo Mansour Hadi. M. Bahah en était sorti indemne, selon la ministre de l'Information Nadia al-Sakkaf.
Pas de retrait de la milice chiite malgré l'accord
La puissante milice chiite restait omniprésente jeudi à Sanaa en dépit de son engagement à se retirer de secteurs-clés en contrepartie d'importantes concessions politiques de la part du président.
Bien que l'accord de sortie de crise conclu mercredi soir prévoyait une application immédiate, la milice chiite d'Ansaruallah quadrillait toujours la capitale jeudi.
La tension demeurait palpable dans plusieurs quartiers, mais les magasins ont rouvert après les combats du début de la semaine, a rapporté un correspondant de l'AFP.
Dans le nord de la ville, des centaines de personnes ont manifesté devant l'Université de Sanaa avec le slogan «Non aux coups d'État». D'autres se sont rassemblés près de la résidence du président Abd Rabbo Mansour Hadi pour lui exprimer leur soutien.
La milice chiite, qui était entrée à Sanaa le 21 septembre, s'est emparée cette semaine de secteurs-clés de la capitale en resserrant l'étau autour du président Hadi après des combats avec des soldats gouvernementaux qui ont fait 35 morts et 94 blessés.
Selon l'accord en neuf points annoncé mercredi soir, ces miliciens se sont engagés à se retirer du palais présidentiel pris d'assaut mardi, ainsi que de «toutes les positions surplombant la résidence du président».
Les miliciens chiites, appelés houthis, ont également promis de se retirer du secteur de la résidence du premier ministre Khaled Bahah, dans le centre-ville, et surtout à libérer le directeur de cabinet du président, Ahmed Awad ben Moubarak, enlevé samedi.
Cependant, M. ben Moubarak n'a «pas encore été libéré», a indiqué à l'AFP un responsable de la présidence.
En contrepartie de ces engagements, M. Hadi a fait d'importantes concessions, certains experts parlant d'un président qui a cédé «avec un pistolet sur la tempe».
Il sera désormais «possible d'amender» un projet de Constitution qui prévoyait jusqu'ici une structure fédérale avec six régions, rejetée par les houthis.
Par ailleurs, ces derniers, ainsi que le mouvement sudiste et les autres factions politiques «privées de représentation équitable dans les institutions de l'État auront le droit d'être nommés dans ces institutions».

Allié de Washington

Les États-Unis, alliés de Sanaa, ont estimé dès mercredi soir que M. Hadi avait été contraint d'accepter «la plupart des revendications» des miliciens chiites. Le secrétaire d'État américain John Kerry a toutefois souligné que ces miliciens considéraient toujours M. Hadi comme le président du Yémen.
Le gouvernement de Sanaa est considéré par Washington comme un allié stratégique dans la lutte contre Al-Qaïda. Les États-Unis lui fournissent une assistance militaire et utilisent des drones pour des frappes contre des responsables d'Al-Qaïda.
Un représentant des Nations unies a indiqué que l'ONU n'avait pas été impliquée dans les négociations de l'accord entre le président Hadi et les houthis.
Cependant, l'émissaire de l'ONU Jamal Benomar devait présider jeudi en fin d'après-midi une réunion des principales factions politiques yéménites, selon son bureau à Sanaa.
Le président Hadi a fait des concessions au moment même où ses six voisins arabes du Golfe, réunis mercredi à Riyad, lui apportaient un soutien sans faille et dénonçaient le «coup de force» des houthis.
Ces monarchies avaient parrainé, avec l'ONU et des pays occidentaux, l'accord politique ayant permis en 2012 le départ de l'ex-président Ali Abdallah Saleh et son remplacement par M. Hadi et qui prévoit une transition politique au Yémen.
Nouveau foyer de tension
Dans le climat de crise générale, un autre foyer de tension pourrait provoquer une nouvelle flambée de violences.
Jeudi, deux hommes armés appartenant à des tribus sunnites de la province de Marib, à l'est de Sanaa, ont été tués dans une embuscade tendue par des miliciens chiites, a affirmé une source tribale, en évoquant un nombre indéterminé de morts parmi les houthis.
Le chef de la milice chiite, Abdel Malek al-Houthi, avait menacé le 4 janvier de prendre cette province riche en pétrole et en gaz naturel, que ses miliciens convoitent depuis leur conquête de la capitale en septembre.
Mais les tribus sunnites de cette région, où Al-Qaïda est également implantée, n'ont cessé depuis d'affirmer qu'elles s'y opposeraient par la force.
D'autres tribus sunnites du reste du Yémen ont envoyé des renforts à Marib, où la situation sécuritaire est évoquée dans l'accord conclu mercredi soir, qui préconise des mesures pour y faire baisser la tension.
Jamal AL-JABIRI
Agence France-Presse
SANAA
Source : Lapresse.ca