Et si on rendait la sécurité aux citoyens ?

Publié le 23 janvier 2015 par H16

En France, on n’a pas de pétrole, on n’a pas d’idées, mais on ne manque jamais de moyens lorsqu’il s’agit de protéger la veuve, l’orphelin et le citoyen tremblant de terreur de ferveur pour sa liberté d’expression. C’est pourquoi, d’un seul coup d’un seul, paf, l’Exécutif a décidé de prendre le taureau par les cornes et de mobiliser des milliers d’individus dans une bataille qu’il sait déjà âpre.

Du côté de l’Élysée, il s’agira de réduire la réduction des effectifs de l’armée. Cette diminution, établie au départ à 34.000 postes dans la dernière loi de programmation militaire, devra s’ajuster à la courageuse décision du Président de sauvegarder 7.500 postes avec l’argent des autres. Ces postes seront bien sûr employés pour « assurer la sécurité des Français ». Ceci fait tout de même un nouvel « élément de sécurité » supplémentaire pour 8600 habitants, autrement dit, une vraie révolution palpable sur le terrain.

Du côté de Matignon, ne pouvant certainement pas laisser refroidir le sujet, il aura été décidé de créer 2680 postes pour lutter contre le terrorisme (aussi bien celui des méchants qui tirent sur des journalistes que des méchants qui disent des méchantes choses ou celui des méchants qui écument les interwebs). Sur ce nombre, 1100 seront ainsi assignés aux renseignements ce qui veut dire — joie, bonheur et CCTV pour tous — que le Français va enfin pouvoir se faire espionner avec des moyens sérieux. Le reste sera réparti dans les différents services, bureaux et organisations multiples que l’État emploie déjà à déjouer des centaines d’attentats à coup de Cerfa, de stylos Bic, d’attaches-trombones et de tampons en caoutchouc.

Il va de soi que tout ceci va coûter très cher. C’est comme ça, et c’est bien fait puisqu’après tout, tout le monde le réclame. Tout juste pourra-t-on noter qu’en période de disette budgétaire, l’augmentation des dépenses n’est peut-être pas très maligne, d’autant que d’autres dépenses, somptuaires et régulièrement décriées (les Contribuables Associés fournissent suffisamment de matière à ce sujet) ne diminuent pas, elles. Mais baste : il faut ce qu’il faut, et les réceptions petits-fours dans les Conseils Généraux, Régionaux, dans les ambassades et ailleurs, pour rassurer du citoyen, ça ne compte pas, même si tout ceci va accroître la pression sur le peuple français. Pression financière, bien sûr, mais aussi pression sur les libertés de paroles et d’expression, dont on mesure déjà les effets.

En face de cette pression accrue, à côté de l’étiquette de prix comme d’habitude écrite au crayon pour effaçage pratique (et remplacement par un autre montant, plus gros), on est cependant en droit de se demander si cela aboutira à améliorer le service dispensé. Ces nouveaux moyens permettront-ils un meilleur repérage des terroristes en puissance ? Plus important encore : ces nouvelles dépenses garantiront-elles une meilleure sécurité des Français ?

Très franchement, on peut en douter. Et puis on peut en profiter pour se rappeler qu’il existe d’autres solutions, nettement moins coûteuses que la création de postes, l’abandon d’économies pourtant indispensables, et surtout, la mise en coupe réglée de la liberté d’expression ou d’Internet.

On pourrait commencer par rappeler que la sécurité des citoyens dépend avant tout et d’abord d’eux-mêmes. Si, bien sûr, la police permet de faire régner l’ordre, il faut surtout constater qu’en matière d’actes criminels, elle arrive régulièrement après la bataille, après les appels au secours de victimes incapables d’assurer leur propre protection, et parfois pour marquer à la craie blanche l’emplacement des cadavres de ceux qui n’auront pas pu se défendre.

En outre, et même si la France est loin d’être la moins dotée en matière de services d’ordre, on peut continuer à augmenter les effectifs de police et de gendarmerie (ce qui coûtera progressivement de plus en plus cher), on ne pourra jamais espérer protéger qu’une faible partie de la population. Non, décidément, il n’y a pas à tortiller : c’est bien le citoyen lui-même qui constitue sa meilleure sécurité, et ce, même si une petite partie de la population s’y oppose farouchement sur le plan idéologique.

Pour ces derniers, l’idée même que le citoyen soit autonome au plan de sa sécurité leur est insupportable. Que ce soit dans des moyens passifs que sont le développement de communautés plus ou moins fermées avec le risque d’un repli sur soi, ou par des moyens plus actifs comme l’usage de l’auto-défense voire, pire que tout, la revendication du port d’arme, une partie de la société s’oppose obstinément à cette évidence que, malgré tout, on n’est jamais si bien servi que par soi-même, notamment en matière de sécurité. Étonnamment, ce sont les mêmes personnes qui trouveront des vertus insoupçonnées au petit geste individuel « pour sauver Gaïa » (et ce, même si la foutitude de l’argument laisse pantois n’importe qui sachant manipuler quelques ordres de grandeur), mais seront insupportées à l’idée qu’un petit geste individuel (apprendre à se servir d’une arme à feu, par exemple) pourrait sauver celui qui le fait.

Partant, on ne sera pas étonné de toujours trouver de multiples campagnes médiatiques visant à bien rappeler la bestialité presque pornographique qu’il peut y avoir à disposer d’une arme, savoir s’en servir, et pire que tout, la porter avec soi. Chaque fait divers sordide où une arme à feu aura été utilisée n’importe comment (qui par un enfant irresponsable, qui par un propriétaire sagouin) sera largement exhibé pour former une populace à l’idée que la sécurité, c’est pour les grands, les élus et les officiellement désignés, mais en tout cas, par pour vous, les petits, les sans-grades. Pour vous, il faut demander à votre Maman (l’État, ici), comme pour les bonbons sur le buffet, hors d’atteinte.

Et c’est aussi pour cela qu’on ne vous parlera pas du soutien pourtant croissant du public pour le port d’arme. Cela casserait la belle dynamique collectiviste qui marche tant en France et pour laquelle le seul fait d’ouvrir ce débat est la marque crasse d’un ultra-libéralisme, ou, pire encore, d’un droitisme-extrême à base de nature, de pêche, de tradition, et de chasse sauvage à la galinette cendrée. C’est aussi pour cela qu’on n’entendra que rarement parler de ces éléments troublants qui montrent pourtant que non, le fait d’autoriser le citoyen à porter une arme n’entraîne pas de boucherie, et même plutôt le contraire.

Et mieux, même : puisque le citoyen, mieux armé, peut se défendre lui-même, la police se retrouve moins souvent dans la situation où elle doit intervenir, seule et trop tard. On pourra envisager de réfléchir sur les économies induites par les moindres blessures des policiers.

On pourra aussi se poser la question du coût pour la communauté de patrouilles de police pour sécuriser un quartier, avec une efficacité discutable, alors que les gens qui y vivent tous les jours, et y sont donc bien plus souvent et longtemps que les patrouilles, pourraient obtenir un résultat au moins similaire à un coût à peu près nul. Une telle utilisation du public pour assurer sa propre sécurité entraîne aussi des économies évidentes (en matière de primes d’assurances, de réparations en cas de dommages, psychologiques, de réputation…).

En réalité, l’idée même que le citoyen pourrait être maître de sa sécurité hérisse le poil de cette frange de la population qui clame son humanisme et son ouverture d’esprit mais partira toujours du principe que des adultes, pourtant responsables, basculeront toujours par douzaine dans le camp des psychopathes maniaques de la gâchette si jamais on leur donnait le droit inouï d’assurer leur propre sécurité. Ces mêmes humanistes clameront haut et fort que l’interdiction de posséder des armes protège le citoyen, comme ceux qui se sont retrouvés très démunis dans l’Hyper Cacher ; comme ceux qui, même avec un policier directement destiné à leur protection, n’ont rien pu faire face à des criminels qui, eux, n’ont guère été gênés par les solides interdictions frappant la vente d’armes en France (mais, que fait la police ?) ; comme Charb, citoyen qui, se sachant menacé, pratiquait le tir sportif et avait demandé le permis de port d’arme… en vain…

Et surtout, ces beaux-parleurs n’ont que faire des factures associées à ces services de sécurité de plus en plus coûteux que l’État nous fournit, de mauvaise grâce, entre deux sauteries festives et citoyennes. Parce que ces factures seront payées, justement, par ces citoyens désarmés qui n’auront donc aucun autre choix. Ce n’est pas un hasard.

En ces périodes où chaque euro devrait compter, où chacun peut, maintenant, se retrouver confronté à un problème pour sa propre sécurité et où, à l’évidence, l’État ne pourra pas lui garantir, même de loin, la moindre protection, il existe effectivement une solution efficace et peu coûteuse.

Rassurez-vous : elle n’est absolument pas à l’ordre du jour.

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