La Mécanique du coeur [Mathias Malzieu]

Publié le 23 janvier 2015 par Charlotte @ulostcontrol_
Hello,
Une de mes plus fortes envies pour l'année 2015 est de découvrir les romans de Mathias Malzieu. L'engouement autour de ceux-ci et les avis dithyrambiques à leur sujet m'ont convaincue de me lancer à la découverte de cet auteur en commençant par La Mécanique du coeur.

Edimbourg, 1874 : le jour le plus froid du monde. Lorsque Jack naît, son cœur gelé se brise immédiatement. La sage-femme le remplace par une horloge et le sauve. Depuis lors, il doit prendre soin d'en remonter chaque matin le mécanisme. Mais gare aux passions ! Le regard de braise d'une petite chanteuse andalouse va mettre le cœur de Jack à rude épreuve...

Je ne saurai vous résumer l'histoire de ce livre sans paraphraser la quatrième de couverture : tout y est dit. Jack naît le jour le plus froid du monde. Abandonné par sa mère, il sera élevé par Madeleine, celle-là qui lui a « réparé » son coeur le jour de sa naissance en lui greffant une horloge pour l'aider à fonctionner. Malgré la consigne formelle qu'il a de ne pas tomber amoureux pour ne pas dérégler le mécanisme de son coeur et malgré toutes les précautions de Madeleine, il ne résistera pas à la voix de « la petite chanteuse » qu'il rencontrera à l'âge de ses dix ans...
Féérique, onirique, poétique, ... autant d'adjectifs souvent évoqués lorsque j'entendais parler des romans du chanteur de Dyonisos et qui suscitaient immédiatement ma curiosité et l'envie de découvrir ces histoires merveilleuses. Verdict ? Oui, l'écriture de Mathias Malzieu a quelque chose d'enivrant et de charmant. C'est comme une comptine que l'on nous murmure à l'oreille et qui a le pouvoir de nous faire rêver quelques instants.
« Je me sens butiné, quelque chose de mécanique se met en marche, je ne suis pas sûr qu'il s'agisse seulement de mon coeur... CLIC CLOC DONG ! CLIC CLOC DONG ! Putain de coucou ! Je me réveille brusquement. » p.32
Quelques instants seulement. La mayonnaise est retombée pour moi au premier « putain » que j'ai croisé. Dans la bouche d'un enfant de 7 ans, tout de suite, ça casse le mythe. Sincèrement, je ne suis pas contre un peti juron de ponctuation une fois de temps en temps, quand le style s'y prête bien, mais là j'ai halluciné ! Ponctuer son récit d'une expression comme « putain de X » (le mot est répété 8 fois dans le roman) ne le rend pas plus intense et ne transmet pas plus d'émotion.Enfin, je suis dure mais je reconnais que j'exagère. Je comprends le sens de cet expression et ne m'enflamme pas dès que je l'aperçois mais je l'ai trouvée inappropriée et improbable dans la bouche d'un enfant, et j'ai trouvé que ça dénotait un peu avec le style global : c'était inutile et superflu.

A part ça, je ne peux que rejoindre les lecteurs de Malzieu lorsqu'ils font remarquer son style poétique et rythmé. Ses phrases sont assez musicales et  semblent faites pour être lues à haute voix, la ponctuation de ses paragraphes est assez singulière et donne beaucoup de cachet à l'écriture. En revanche, je regrette le fait qu'elles soient souvent construites de la même manière, cela peut donner un rythme assez monotone être assez lassant :
« Un oiseau s'approche de nous, planant comme le ferait un charognard. Le cirque de roches qui nous entoure le rend inquiétant. Mais ce n'est que le vieux pigeon voyageur de Luna, qui m'apporte des nouvelles de Madeleine. C'est un soulagement de le voir revenir enfin. Car malgré le bouillonnement de mes rêves, je n'oublie jamais Madeleine. » p.67
Prenons par exemple le paragraphe ci-dessus. Le rythme est binaire selon moi, c'est-à-dire que les phrases peuvent être découpées en deux parties (c'est d'autant plus flagrant lorsqu'il y a une virgule) ; et j'ai l'impression que les phrases sont toutes prononcées de la même manière. Du coup, il n'y a plus de contraste entre les éléments descriptifs et les émotions qu'on veut nous faire passer, c'est comme s'il n'y avait plus de sensibilité. Lorsque je lis ce paragraphe à voix haute ça donne quelque chose d'uniforme, de lisse, d'ennuyant presque, et ça ne rend vraiment pas justice à l'atmosphère générale du roman.
La particularité de l'écriture de Mathias Malzieu est selon moi qu'elle fait appel à la capacité d'imagination et de représentation du lecteur. L'univers qu'il crée dans ce roman est assez classique dans la mesure où il fait appel à des images qui évoquent tout de suite une atmosphère particulière au lecteur : Edimbourg, le XIXe siècle, l'Espagne, le flamenco, l'horloge, le cirque,... Ce sont des éléments assez prévisibles et « faciles » mais qui ont le mérite d'être terriblement efficaces ! Le passage dans lequelle Jack rencontre pour la première fois la petite chanteuse (de même que celui où il nous la décrit page 26) donne ainsi lieu à une scène de coup de foudre assez « traditionnelle » :
« Tout à coup, le coucou dans mon cœur se met à sonner, très fort, bien plus fort que lorsque je fais mes crises. Je sens mes engrenages tourner à toute vitesse, comme si j'avais avalé un hélicoptère. Le carillon me brise les tympans, je me bouche les oreilles et, bien sûr c'est encore pire. Les aiguilles vont me trancher la gorge. Docteur Madeleine essaie de me calmer avec des gestes lents, à la façon d'un oiseleur qui tente d'attraper un canari paniqué dans sa cage. J'ai atrocement chaud. » p.28

Parmi les thèmes abordés dans ce roman, il y a évidemment l'enfance et l'amour.  La part belle est faite à la difficulté de grandir : Jack est un héros qui semble figé à l'âge de dix ans et pour qui le temps a arrêté de s'écouler. On sent tout de suite son âme d'enfant, son côté naïf et innocent dont il ne se dépêtrera pas de tout le roman. L'enfance est abordée de façon très subtile et astucieuse, Malzieu fait appel à l'imagination du lecteur et à son âme d'enfant pour évoquer la difficulté de grandir et d'acquérir de la maturité.
Mais la naïveté du personnage principal n'est pas poussée à son paroxysme : Mathias Malzieu ne tombe jamais dans le piège manichéen, tout n'est pas soit noir soit blanc et chacun peut être soit la meilleure soit la pire version de lui-même. Jack lui-même n'est pas le héros noble et respectable à toute épreuve auquel on peut s'attendre !
L'amour est ensuite le deuxième thème principal de cette histoire. Malgré l'époque à laquelle a lieu l'histoire (fin du XIXe siècle) et son caractère légendaire, j'ai trouvé l'approche de l'amour de Mathias Malzieu très moderne. La jalousie, la quête d'un amour parfait et la passion y sont représentés de manière très actuelle et très candide.
En fin de compte, il s'agit d'un roman très surprenant autant sur la forme que sur le fond. Le style de Mathias Malzieu est original et singulier, il mêle des références classiques à un ton plus contemporain et fait appel à notre imagination pour nous transporter dans un univers non seulement féérique et merveilleux, mais aussi laid et amer par moments. Si quelques éléments du livre m'ont un peu déçue, je reconnais que l'univers de Mathias Malzieu est travaillé et attise vraiment ma curiosité. Si La Mécanique du coeur n'a pas été le coup de coeur auquel je m'attendais, je vais continuer à découvrir l'auteur avec beaucoup de plaisir !
A vous de me faire vos petites confidences : qu'est-ce qui vous fait l'effet d'un « tue-l'amour » pendant une lecture ?
Par quel autre roman de Mathias Malzieu me conseilleriez-vous de continuer pour le découvrir ? Que ressentez-vous lorsque vous lisez ses romans et pourquoi les aimez-vous ? Est-ce un auteur qui vous attire ?