Les préjugés qui vous rassurent nous tuent

Publié le 23 janvier 2015 par Lana

Si tu te coupes, si tu te brûles ou te blesses de manière volontaire de quelque façon que ce soit, on dira que c’est pour attirer l’attention. Peut-être que tu le fais pour ne pas te tuer, pour te sentir vivant, pour t’apaiser, pour te soigner parce que ça tu sais soigner, peut-être que tu caches tes blessures. Sans doute que tu as beaucoup de bonnes raisons. Et attirer l’attention n’en serait pas une mauvaise, de toute façon. Mais on pensera que le mieux est d’ignorer tes blessures.

Si tu parles de tes pensées suicidaires, on dira que ceux qui veulent vraiment mourir n’en parlent pas. Peut-être que tu espérais juste une parole, juste un peu de réconfort, un peu d’amour, une main tendue qui te ferait changer d’avis, qui te rendrait goût, même un tout petit peu, à la vie. Ce n’est pas indigne d’espérer encore qu’on nous sauve, ce n’est pas vil de demander de l’aide à ceux qu’on aime. Pourquoi ton désir de mort ne serait-il audible que s’il était absolu?

Si tu rates ton suicide, on dira que c’était juste un appel au secours. Ou encore une fois que tu voulais attirer l’attention. Voire que c’était du chantage. Peut-être que tu voulais vraiment mourir, peut-être que tu voulais juste dormir, peut-être que c’était la seule façon de dire ta douleur, de demander de l’aide. Risquer sa vie parce qu’on ne sait pas dire sa souffrance autrement, c’est tout sauf anodin. Vouloir mourir parce qu’on n’a pas d’autre solution, c’est tout sauf à balayer d’un revers de la main parce que le suicide est raté. Ce n’est pas « juste » un appel au secours. Mais de toute façon, depuis quand faut-il ne pas répondre à quelqu’un qui crie au secours?

Si tu réussis ton suicide, on dira que tu étais égoïste. On dira que tu ne pensais pas aux autres, on dira que tu aurais pu en parler avant, qu’on aurait pu t’aider et aussi que de toute façon si tu avais décidé de mourir, on ne pouvait rien faire pour toi. On oubliera tout ce qu’on a dit de et à ceux qui en ont parlé, à ceux qui ont demandé de l’attention pour ne pas en arriver à réussir leur suicide.

Moi je dis que les préjugés blessent, enferment et tuent. Je dis que si quelqu’un veut attirer notre attention, que si quelqu’un a besoin d’aide, et bien il faut l’aider et lui donner de l’attention. Quand quelqu’un a mal quelque part, quand il tombe, quand il fait un arrêt cardiaque, il attire notre attention et nous lui en donnons, pour l’aider, pour le sauver. Alors je ne vois pas pourquoi on devrait se détourner de ceux dont la douleur est psychique, je ne vois pas pourquoi ils n’auraient pas droit comme les autres de parler de leur souffrance, d’autant plus que c’est une des seules façons de la faire connaître, et je ne vois pas pourquoi il faudrait les laisser mourir à coups de préjugés qui ne rassurent que ceux qui ne veulent rien voir ni rien faire.


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