Les amères bougies de Nicolas Sarkozy

Publié le 28 janvier 2015 par Sylvainrakotoarison

Les marges de manœuvre du nouveau sexagénaire demeurent très restreintes, peut-être trop pour imaginer retrouver un jour …le Graal de la politique française.

Après François Fillon, après Angela Merkel, après François Hollande et après Jean-Claude Juncker en 2014, l’ancien Président de la République et actuel président de l’UMP Nicolas Sarkozy fête son soixantième anniversaire ce mercredi 28 janvier 2015. L’occasion, pour moi, de revenir sur son retour dans la jeu politique intérieur.

Jusqu’aux attentats contre "Charlie Hebdo", Nicolas Sarkozy avait réussi un début de parcours sans faute à la tête de l’UMP. Élu président de l’UMP le 29 novembre 2014, reprenant la fonction formellement le 2 décembre 2014, Nicolas Sarkozy avait tout fait pour remettre en marche un parti très divisé depuis deux ans, traumatisé par la rivalité entre Jean-François Copé et François Fillon. Son action a d’ailleurs été clairement de rétablir l’unité au sein d’une famille qui s’était émiettée au fil des ambitions personnelles.

Son acte le plus symbolique est d’avoir donné à Bruno Le Maire, le seul qui a osé le défier au sein d’un scrutin, la reconnaissance politique qu’il méritait désormais, notamment en le faisant représenter l’UMP au congrès du PPE et au congrès de la CDU.

La configuration de la direction de l’UMP est elle-même un savant équilibre entre une aile que j’appellerais humaniste avec Nathalie Kosciusko-Morizet en numéro deux, vice-présidente déléguée, et une aile plus "dure", sécuritaire et souverainiste, avec Laurent Wauquiez, en numéro trois, secrétaire général, qui continue toujours à se revendiquer d’une "droite sociale" dont le "social" n’est qu’une vitrine pour fustiger ce qu’il appelle régulièrement l’assistanat.


Nicolas Sarkozy a peut-être compris ce que certains barons de l’UMP ne voudraient pas comprendre : qu’à partir de 2017, c’est forcément une autre génération qui prendra le relais politique. Certes, les présidentiables restent encore des poids lourds, politiquement, et la grande popularité du maire de Bordeaux Alain Juppé ou même la sympathie parlementaire dont bénéficie François Fillon vont probablement déterminer l’issue de la compétition à droite.

Mais la réalité est que Nicolas Sarkozy semble avoir pris conscience que la génération des quadras et des quinquas doit être prête à l’affrontement face à une gauche qui, forcément, parce qu’elle n’a personne d’autre (pas même Arnaud Montebourg qui a déserté le terrain en découvrant, un peu tardivement pour un ancien Ministre de l’Économie, les joies de l’entreprenariat), personne d’autre que l’actuel et redoutable Premier Ministre Manuel Valls à proposer pour les dix à vingt prochaines années.

La dignité de Nicolas Sarkozy à la suite des attentats du 7 au 9 janvier 2015 est également à mettre à son crédit. Chef du plus grand parti de l’opposition, c’était la première personnalité à permettre l’unité nationale. Dommage d’ailleurs que François Hollande n’ait pas voulu le mettre à ses côtés lors de la marche républicaine du 11 janvier, la photographie aurait eu un impact important et l’image de rassembleur de François Hollande aurait même été plus grande. Qu’importe la photo, qu’importe même les mesquineries pour gagner ou pas un rang ou deux, l’essentiel est ailleurs.


D’un point de vue intérieur, c’est-à-dire, au sein de l’UMP, Nicolas Sarkozy a donc su regagner une légitimité et aussi une autorité (pas seulement auprès des militants mais aussi auprès des élus). Cette unité, il la doit essentiellement à son acceptation d’organiser une primaire ouverte pour désigner, comme les socialistes en octobre 2011, le candidat de l’UMP à la prochaine élection présidentielle. À part le calendrier qui n’est pas encore fixé (normalement, prévu avant l’été 2016), il y a peu de sujets de division interne au sein de l’UMP. Mais cela ne reste qu’à l’intérieur. À l’extérieur, sa situation est nettement moins facile.

Ainsi, son projet de fonder un grand rassemblement allant de l’UMP aux centristes semble assez utopique : quel serait l’intérêt de l’UDI, qui vient à peine de s’émanciper et qui aura l’occasion, après des performances remarquables en 2014 (municipales, européennes et sénatoriales, meilleure progression au Sénat), de se compter aux élections départementales de mars 2015 et aux élections régionales de décembre 2015, de reperdre sa liberté d’action ?

L’une des décisions-clefs que le nouveau président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, devra d’ailleurs prendre (soumise au vote des militants, a-t-il promis), c’est la participation ou pas des centristes à la primaire de l’UMP. Pour l’UMP, ce serait un moyen formidable d’éviter une candidature centriste à l’élection de 2017. Pour l’UDI, ce serait un moyen non négligeable d’influer sur le choix du candidat de l’UMP dans le sens voulu, mais au risque de ne plus exister politiquement par la suite.

Dans tous les cas, il paraîtrait insensé que l’UDI ne prenne pas la même décision que le MoDem vis-à-vis de cette primaire de l’UMP. À quoi servirait une UDI qui s’annihilerait à la primaire UMP sans empêcher la candidature d’un candidat du MoDem ? La chance de l’UMP, c’est que François Bayrou serait susceptible de soutenir dès maintenant la candidature d’Alain Juppé. Mais est-ce le souhait de Nicolas Sarkozy ?


Plus ouvertement, Nicolas Sarkozy se retrouve en difficulté après le sursaut (historique) de popularité dont bénéficie actuellement l’exécutif pour sa très bonne "gestion" de l’après-attentats. Les mesures de lutte contre le terrorisme présentées par Manuel Valls le 21 janvier 2015 ne donnent pas beaucoup de champ de différenciation à un Nicolas Sarkozy qui fait plus figure d’ancien combattant que d’homme d’avenir.

Évidemment, la question qui reste, c’est son éventuelle candidature à la primaire ou pas. Et si ce n’était pas son intention ? Après tout, Valéry Giscard d’Estaing, qui a repris la présidence de l’UDF du 30 juin 1988 au 31 mars 1996, n’est jamais redevenu candidat à une élection présidentielle. Et il était encore plus jeune que Nicolas Sarkozy à la fin de son mandat...

En plus de son image qu’il n’a pas réussi à renouveler depuis son retour du 19 septembre 2014, Nicolas Sarkozy a également une épée de Damoclès (multiple) avec les affaires judiciaires en cours. Et la seule vraiment sérieuse, c’est l’affaire Bygmalion qui pourrait cependant le placer plus dans le rôle de la victime que du fauteur.


Au moment de souffler ses bougies, l’ancien Président devra de toute façon repenser complètement sa stratégie : les attentats contre "Charlie Hebdo" ont profondément bouleversé le paysage politique au même titre que l’affaire DSK le 15 mai 2011, et François Hollande pourrait bien, contre toute prévision, tirer son épingle du jeu. C’est pour cela qu’il sera intéressant de l’écouter lors de sa cinquième conférence de presse solennelle fixée le jeudi 5 février 2015 à 11 heures. Rien n’est jamais écrit… et comme le candidat de 2007 le répétait, tout devient possible…

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2015)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Je suis Charlie.
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Le retour.
Bilan du quinquennat.
Sarkozy bashing.
Ligne Buisson ?
Stigmatisation.
Transgression.
Sarcologie et salpicon socialistes.

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-ameres-bougies-de-nicolas-162834