La gentillesse des inconnus

Publié le 28 janvier 2015 par Desfraises

J'avais déjà écrit sur le sujet dont le traitement est un océan de chroniques. La gentillesse des inconnus. Ou des étrangers, c'est selon. Selon qu'on décide de traduire "the kindness of strangers" par la gentillesse des inconnus ou des étrangers ; la gentillesse des étrangers, qualité à laquelle s'accroche éperdument Blanche, personnage de la pièce phare de Tennessee Williams, Un Tramway Nommé Désir.
Je ne vais pas écrire une dissertation sur le sujet. Il faudrait, pour cela, que j'entre dans le détail du personnage et sa folie et du pourquoi je m'identifie à elle, étrangement.
Je me contente de livrer ici quelques exemples :
Ma gardienne qui pose un mot sur ma porte parce que j'ai eu l'étourderie de laisser mes clés sur ma boîte aux lettres.
L'inconnue dans le métro qui tend un sourire à mon humeur mélancolique.
Le clochard qui me donne un proverbe arabe : "L'optimiste regarde la rose et ne voit pas les épines ; le pessimiste regarde les épines et ne voit pas la rose."
L'inconnu qui me donne quelques milliers de Rands à l'heure où je suis sans le sou, perdu dans un village portuaire à 3 heures de route du Cap en Afrique du Sud. Sans contrepartie. 
Et plus récemment, à l'hôtel, un client qui m'offre un cadeau. 
Quand Richard arrive et me reconnaît, il ignore les raisons pour lesquelles je le reconnais. Il exprime sa joie de me voir au même poste. Je me souviens de la dernière fois que je l'ai vu. Il y a un an, je l'aidais à récupérer sa valise, lourde comme un âne mort. Un rictus de douleur me traverse de part en part. Je fais mine de rien. Il ne saura jamais que sa valise, ou plutôt mon imprudence, a causé six mois de tracas, une entorse grave du poignet droit, fracture du scaphoïde et rupture de ligaments, nécessitant pléthore de consultations, hospitalisation, opération, rééducation et tout le tremblement. 
Je l'accueille avec la chaleur que je m'efforce d'offrir à chaque client. Il gagne sa chambre. Je le revois le lendemain. Designer et commercial de sa propre marque, il m'offre un cadeau. Je me perds en interprétations et considère l'incroyable ironie de la situation. 
Son cadeau est en quelque sorte une très jolie et inconsciente réparation des dommages.