2015 : année zéro de l’École Française

Publié le 29 janvier 2015 par Soseducation

SOS Éducation s’associe complètement à cette tribune du « Collectif pour la modernisation de l’école », parue sur le site du Figarovox, et qui propose plusieurs mesures portées par notre Pacte pour l’école qui a déjà été signé par des milliers et des milliers de parents, grands-parents, professeurs et citoyens soucieux de relever notre système scolaire !


2015 : année zéro de l’École Française

Sur FIGAROVOX/TRIBUNE


Il aura fallu 17 morts tués dans une sauvage barbarie.

Il aura fallu des dizaines de témoignages d’enseignants dépassés par la situation et probablement des centaines de réactions brutales d’élèves refusant de partager l’émotion d’un pays meurtri.

Il aura fallu des centaines «d’incidents», de défis, de refus et d’irrespect lors de l’hommage aux victimes du terrorisme pour qu’enfin les yeux s’ouvrent sur ce qu’est devenue l’École: un système de garde qui tourne à vide. L’École, en tant qu’institution, a arrêté de transmettre les repères et les valeurs nécessaires à la construction de notre identité collective, nationale.

L’École, en tant qu’institution, a arrêté de transmettre les repères et les valeurs nécessaires à la construction de notre identité collective, nationale.

Bien sûr, ces échecs sont minoritaires, mais ils ont suffi à pourrir notre quotidien, à répandre le fiel de la division et de la méfiance. Bien sûr, l’École n’est pas seule responsable et elle ne peut pas tout assumer. Mais comment se satisfaire d’une École qui, non seulement, laisse 150 000 élèves en sortir chaque année sans aucun diplôme mais qui, en plus, échoue à transmettre un sentiment et une envie d’appartenance commune? Quand a-t-elle démissionné, pour que des centaines d’élèves se sentent aujourd’hui autorisés à remettre en cause les valeurs qui devraient nous unir?

Comme le dit la Ministre de l’Éducation nationale elle-même, l’École n’est pas à la hauteur. Encore faudrait-il reconnaître que, bien souvent, ce qui est fait va à l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Encore faudrait-il se mettre d’accord sur les raisons de cette faillite et en tirer les vraies conclusions.

Comment se satisfaire d’une École qui, non seulement, laisse 150000 élèves en sortir chaque année sans aucun diplôme mais qui, en plus, échoue à transmettre un sentiment et une envie d’appartenance commune?

L’École s’est condamnée chaque fois qu’elle a baissé les bras dans les violences du quotidien, dans les cours de récréation ou les salles de classe. Elle s’est condamnée chaque fois qu’un professeur, trop peu soutenu ou démuni, invité à ne pas faire de vagues, a accepté la remise en cause de son autorité. Elle s’est condamnée en diluant dans ses programmes scolaires tous les fondamentaux qui définissent notre identité collective. Elle s’est condamnée chaque jour en renonçant à transmettre l’amour de notre pays.

L’École a échoué dans sa mission républicaine chaque fois qu’elle n’a pas su faire de ses élèves des Français, c’est à dire des citoyens fiers de leur appartenance nationale, enrichie de leurs histoires personnelles. En valorisant parfois trop ces dernières, elle a oublié la première; de nombreux jeunes ne se sentent pas identifiés à notre destin commun et ont trouvé dans le communautarisme leur raison d’être. La responsabilité est collective: nous avons abandonné les «hussards» au front, sans soutien. Désormais, l’heure n’est plus à la communication ou à la consultation, elle est à la réforme et à la reconstruction, la vraie reconstruction. 2015 pourrait être l’année zéro de l’École!

La première des priorités est de cesser de transiger avec la loi: elle est la même pour tous, depuis nos plus grands élus, sur qui repose un impératif d’exemplarité, jusqu’à nos plus jeunes élèves. Nous ne devons plus accepter les petits renoncements du quotidien à la laïcité dans nos écoles: chaque concession est une démission.

Le «grand plan» pour la laïcité proposé par le gouvernement ne sera qu’une coquille vide s’il n’est pas appuyé sur une refonte totale des programmes.

La deuxième priorité est de placer -enfin!- la transmission au cœur de notre projet éducatif. La laïcité n’est que la partie émergée de l’iceberg: le «grand plan» pour la laïcité proposé par le gouvernement ne sera qu’une coquille vide s’il n’est pas appuyé sur une refonte totale des programmes qui permettra aux élèves de maîtriser les fondamentaux et leur rendra le goût de la connaissance. Cela commence par permettre aux élèves de sortir de l’école primaire en sachant parler, lire et écrire la langue française, en connaissant les grands auteurs qui l’ont honorée! Il faut apprendre à nouveau l’histoire de façon chronologique et continue, sans flagornerie et sans honte. Libre à chacun de se forger une conviction, mais que construisons-nous si nous ne transmettons pas les bases de notre destinée commune? Comme l’écrit Tocqueville, «le passé n’éclairant plus l’avenir, nous marchons dans les ténèbres».

Transmettons à l’École ce que sont la République, ses institutions, son drapeau, son hymne et ses valeurs. Apprenons à nos élèves à être fiers d’eux-mêmes, de leur école, de notre pays. N’ayons pas peur de proposer par exemple le port d’une tenue vestimentaire propre à chaque établissement: la fierté nationale commence par la fierté collective.

La troisième priorité, ce sont les enseignants. La transmission des fondamentaux ne s’improvise pas, elle se pratique; cette pratique est un métier. La Gauche avait promis de faire des enseignants une priorité; elle n’a fait qu’accélérer leur déclassement. La Droite les a ignorés, trop convaincue qu’il s’agissait d’un électorat qui lui était aliéné. En réalité, personne n’a su les former en leur transmettant, à eux aussi, la fierté de faire «le plus beau métier du monde»!

Transmettons à l’École ce que sont la République, ses institutions, son drapeau, son hymne et ses valeurs. Apprenons à nos élèves à être fiers d’eux-mêmes, de leur école, de notre pays.

Il faut aussi que cessent les mutations aberrantes des jeunes enseignants sans expérience dans des collèges et des lycées de ZEP: c’est là où les plus expérimentés devraient être encouragés à exercer, avec des rémunérations réellement significatives. Les élèves respecteront d’autant mieux ceux qui les ont choisis et ceux qui reçoivent pour cela le salaire mérité. Il faut enfin valoriser les enseignants en fonction du travail qu’ils accomplissent, des résultats obtenus avec leurs élèves, et non plus de leur seule ancienneté. Là encore, l’exemplarité doit nous conduire à ne plus faire deux poids, deux mesures: la méritocratie doit être pour les élèves comme pour le reste de la société.

La quatrième priorité est de renforcer le lien entre l’École et les parents. Ils doivent être étroitement associés au processus éducatif, accompagnés et formés quand nécessaire par la création d’Écoles des parents. Chaque famille doit être en mesure d’accompagner la scolarité de ses enfants.

Pour que tout cela fonctionne, encore faut-il que la République elle-même, comme lieu de la méritocratie, de l’égalité des chances et de l’exemplarité soit à la hauteur. Une fois que les bases à l’École seront à nouveau posées, c’est au système de formation et au marché du travail de se décloisonner. C’est aussi à nos responsables politiques, administratifs, économiques, d’être exemplaires et de montrer la voie. Notre pays a besoin de retrouver son dynamisme, son attractivité, son enthousiasme, sa confiance, sa fierté! Il doit à nouveau transmettre, par tous les pores de toutes ses institutions, l’envie de réussir, pour tous les jeunes de France, d’où qu’ils viennent, où qu’ils habitent. La France ne sera la France que lorsque tous ses enfants, avec leurs histoires, dans leur diversité, seront à nouveau fiers de lui appartenir.