La Russie prête à aider financièrement la Grèce si l'Europe ne le fait pas.

Publié le 01 février 2015 par Plusnet
Alexis Tsipras a amorcé un début de rapprochement avec la Russie qui envisage déjà de verser une aide financière à la Grèce. Une proximité qui au-delà de son utilité dans le jeu diplomatique révèle qu'un corpus de valeurs et d'histoire communes vaut autant que la convergence des intérêts. 

Atlantico : Que fait concrètement aujourd'hui la Russie pour la Grèce, et quelles sont les proximités culturelles et/ou religieuses entre ces Etats ?

David Engels : Tout d’abord, je doute qu’il s’agisse d’autre chose que d’une double manœuvre politique éphémère, bien que fort habile, à la fois de la part du gouvernement russe que du nouveau gouvernement grec. Tsipras frappe fort : entrevue avec l’ambassadeur russe le jour-même de son entrée en fonction ; désaveu momentané de la prolongation des sanctions contre la Russie ; incitation des Russes à lancer une offre de crédit à la destination de la Grèce – tout ceci est sensé montrer aux dirigeants européens, et avant tout à Merkel, que la Grèce n’est pas seule contre tous, le dos contre le mur, mais pourrait se joindre au camp russe.
    D’un autre côté, la Russie sort également gagnante de cette manœuvre de propagande : elle a d’ores et déjà jeté la pomme de discorde dans les rangs des Européens et affaibli l’opposition contre sa tentative de faire revenir l’Ukraine dans le giron de Moscou. Outre déstabiliser l’Union européenne et créer des conditions plus propices à la renégociation de la dette grecque, je doute que ce rapprochement grec avec la Russie aboutisse à quoi que ce soit de concret et que la Grèce veuille véritablement accepter de se placer dans la même situation que le Belarus, dépendant entièrement des subsides russes.
Abstraction faite de ce petit jeu de poker dangereux, car l’enjeu en est la stabilité de l’Eurozone dans son entièreté, les liens réels entre Russie et Grèce sont relativement réduits et plutôt d’ordre culturel qu’économique. Certes, la Russie est devenue, en quelques années, avec 12,5% de l’ensemble du marché, le principal partenaire commercial de la Grèce en ce qui concerne l’importation (surtout du gaz), juste avant l’Allemagne (avec env. 9,2%) ; un chiffre représentant d’ailleurs plus d’un quart des importations venant, en général, des pays de l’Union européenne (44,5%). En revanche, l’exportation de produits grecs vers la Russie est, pour ainsi dire, dérisoire (1,5%), tout comme la part des Russes dans le tourisme en Grèce (5,5%), et la proposition russe de lever l’embargo qui frappe les exportations de denrées alimentaires de la Grèce vers la Russie, si cette première devait se désolidariser de l’Union européenne, reste, somme toute, relativement négligeable.
Mais outre les relations économiques, n’oublions pas l’élément culturel qui favorise aussi une certaine proximité entre les deux pays, et qui est fondé dans le partage de la fois orthodoxe. De plus, depuis la chute du communisme, nous assistons à un renouveau de la prétention traditionnelle de Moscou de se considérer, dans l’héritage de Constantinople, comme la « troisième Rome » et donc comme protectrice auto-proclamée de l’orthodoxie partout dans le monde. Finalement, il ne faut pas oublier la nécessité vitale pour la Russie de contrôler les Dardanelles afin de s’assurer un accès à la Méditerranée, ce qui oblique Moscou depuis des siècles à entretenir une entente cordiale avec Athènes pour contrer l’hostilité traditionnelle entre la Russie et la Turquie.
Source : Atlantico