Grèce : comment la BCE contrecarre les plans de Tsipras

Publié le 04 février 2015 par Plusnet
Le Premier ministre rêve de se financer auprès des banques grecques le temps de négocier un nouveau contrat avec ses créanciers. La BCE pourrait dire "stop". Le conflit entre la Grèce et ses créditeurs européens s'apaiserait-il ? Mardi, le ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, a abattu une nouvelle carte en proposant de remplacer la dette grecque détenue par la Banque centrale européenne (BCE) par une dette "perpétuelle" à durée illimitée. Ce qui lui éviterait d'avoir à rembourser une fois le titre arrivé à échéance. Il a aussi repris son idée d'indexer le remboursement de la dette contractée auprès des Européens à la croissance du pays.
Deux propositions bien accueillies par les marchés, qui les ont interprétées comme un signe que le gouvernement d'Alexis Tsipras était prêt à renoncer à son exigence d'annulation pure et simple d'une partie de la dette du pays promise aux électeurs pendant la campagne législative.
Les banques grecques, le point faible de Tsipras
Le problème est pourtant loin d'être réglé. En annonçant que la Grèce ne négocierait plus avec le représentant de ses créanciers (la fameuse troïka) en vue de conclure le second programme d'assistance mis en place en 2012, Yanis Varoufakis a pris énormément de risques. Sous prétexte de se sevrer de sa dépendance aux prêts du FMI, de la Commission et de la BCE et envoyer paître ses "technocrates", le gouvernement de Syriza s'est coupé de 7 milliards d'euros qui restaient à verser alors qu'il n'a pas accès aux marchés financiers. Avec l'espoir de pouvoir rembourser les sommes dues à ses créanciers d'ici la conclusion, en mai, d'un "nouveau contrat" moins étouffant en émettant de la dette à très court terme qui serait achetée par les banques grecques.
Mais la Banque centrale européenne (BCE) n'entend pas laisser Alexis Tsipras renégocier les conditions d'aide à la Grèce sans maintenir sur lui une pression. Et elle en a les moyens. Les règles financières de la zone euro sont claires : les banques ne peuvent venir chercher la liquidité dont elles ont besoin au guichet de la BCE qu'à la condition d'apporter des garanties ("des collatéraux") suffisamment sûres. Or, ni la dette grecque ni les dettes bancaires garanties par l'État grec ne sont jugées assez fiables par les agences de notation. Si les banques grecques ont quand même pu les utiliser comme garantie au guichet de Francfort jusqu'à présent, c'est uniquement parce qu'Athènes est encore sous la supervision de la troïka. À partir du 28 février, date d'expiration du programme de supervision de la Grèce, les banques grecques ne pourront plus obtenir de l'argent au guichet de la BCE en échange de la dette du pays. Elles ne pourront donc plus financer la trésorerie de l'État !

Les Grecs s'inquiètent pour leurs dépôts

À court de "collatéraux" de bonne qualité, les banques grecques n'auraient alors plus d'autre choix que de se tourner vers la liquidité d'urgence (ELA) allouée par la banque centrale grecque moyennant un taux d'intérêt plus élevé. Mais il n'est pas du tout certain que la BCE laisse faire. En effet, ce guichet est en théorie réservé aux banques confrontées à un assèchement ponctuel de liquidité et pour un petit montant, et non pas pour financer des banques devenues insolvables. L'information venue de Reuters mardi selon laquelle trois des quatre grandes banques grecques ont déjà commencé à s'abreuver de liquidité auprès de la banque de Grèce, pour faire face aux gros retraits de dépôts des Grecs, accentue encore la pression.
Des précédents
La BCE agite clairement l'arme nucléaire : couper l'ELA aux banques grecques, une décision qui nécessite une majorité des deux tiers au conseil des gouverneurs. Sans ELA, les banques grecques ne pourraient pas tenir. L'État grec, lui, serait incapable d'honorer le remboursement de sa dette. Une réaction en chaîne qui pourrait mener tout le pays à sortir de la zone euro. Mario Draghi, le président italien de la BCE, ira-t-il jusqu'à cette extrémité ?
Elle a en tout cas déjà agité la menace, rappelle Alan Lemangnen, économiste à la recherche de la banque Natixis : "La BCE n'avait pas hésité à envoyer une lettre au gouvernement irlandais, en 2010, le menaçant de stopper le financement des banques si le pays refusait l'aide de la troïka." Elle avait renouvelé sa menace contre Chypre.
Pourparlers déterminants
Officiellement, le gouvernement grec se donne jusqu'au début du mois de mai pour négocier un nouveau programme avec ses partenaires européens. Mais le temps presse : "J'ai du mal à penser qu'on puisse attendre jusque-là", prévient Alan Lemangnen.
Les négociations s'intensifient. Alexis Tsipras rencontre François Hollande mercredi à Paris, ainsi que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Yanis Varoufakis devait, quant à lui, se rendre mercredi à la BCE avant de rencontrer jeudi à Berlin le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, pour la première fois depuis les élections grecques. Un prélude à une réunion des ministres des Finances de la zone euro, le mercredi suivant, avant un Conseil européen le lendemain.
Source : LePoint