Buffalo runner : Tiburce Oger conte le crépuscule de l'ouest américain

Par Hectorvadair @hectorvadair
Buffalo runner
Tiburce Oger
Rue de Sèvres
Janvier 2015
Il est des albums qui vous attirent avec leur couverture, et qui tiennent leur promesses une fois le livre lu et refermé.
Buffalo runner est de ceux-ci.
1896, un atelier de photographie dans une ville américaine, peut être de l'est. Un bourgeois pose, travesti, en costume de cowboy de pacotille, puis s'arrête ensuite sur des photos posées au mur.
Un portrait l'interpelle. Il s'agit de Edmund Fisher, un véritable homme de l'ouest, que le patron de la boutique a fait poser pour l'éternité, vers 1888, dans les plaines. Et le récit, bifurquant par un épisode tragique se situant au même moment dans le sud du Texas et mettant en scène ce même Edmund Fisher, vieilli, commence..
Alors qu'une famille de colons pénètre en cariole dans une passe désertique afin de rejoindre la Californie, celle-ci se fait attaquer par une bande de bandits, qui laisse uniquement, mais violée on suppose, la jeune femme du convoi, grâce à l'intervention inattendue de mister Fisher.
Celui-ci récupère la demoiselle, et, s'hébergeant pour la nuit dans ce qui semble être le repère d'une partie de la bande, ils attendent le matin, sûrs d'être attaqués. Tout en préparant des munitions avec ce qu'il a pu récupérer sur place, la demoiselle choquée étant peu loquace, Fisher raconte sa vie…

De beaux indiens...avant leur déchéance tragique

Ce récit fascinant, et superbement raconté, nous fait revisiter les dernières feux d'une époque révolue, la conquête de l'ouest.
Il nous entraine de la naissance du héros, en 1836 au Texas, et son enlèvement à l'âge de trois ans par les comanches, à son engagement dans les troupes confédérées, découvrant l'horreur de la guerre et la proximité de la mort, …sa reconversion, faute de mieux, dans les équipes de Buffalo runner, les chasseurs de bisons, qui anéantirent des millions de bêtes avec leurs fusils longue protée redoutables, et son engagement au final comme homme de confiance d'un riche français ayant fait fortune au Texas dans l'industrie agro alimentaire.
Fisher est un professionnel de la gachette, ayant vécu de nombreuses expériences difficiles et douloureuses (perte de deux femmes), guerre, vie auprès des indiens, massacre des bisons, et il a une vision assez juste des crimes qu'il a commis. A cet égard, le rappel du génocide indien qui a été commis en privant ces peuples de leur réserves de nourriture dans les plaines américaines, fait froid dans le dos. Tiburce Oger aborde la tragédie et la déchéance de ces peuples, obligés au final de mendier dans des réserves, avec connaissance et respect. Le cadre du suspens dans lequel il nous place dés le départ n'est qu'un contexte narratif, qui soutient une tension permanente liée au parcours peu commun de cet homme rude.

J'avoue, je n'ai jamais été un amateur de Tiburce Oger. Cet auteur pourtant amateur de chevaux, d'armes anciennes et de western s'est plutôt fait connaître avec des séries d'Héroic fantasy (Gorn, Orull, Le Chevalie d'émeraude….) auxquelles je n'avais pas prêté attention.
Il aura fallu attendre 2015 pour qu'il publie enfin "Buffalo runner" et, justement, en amateur de western, c'est ce qui m'a attiré l’œil…
Vu la qualité de cet album, c'est à se demander si l'auteur n'était pas fait pour ce genre. On rappellera néanmoins son superbe scénario sur "Canoé Bay" avec Patrick Prugne au dessin, ...peut-être l'envie d'aller justement vers cet univers ?
Son récit a en tous cas la senteur des récits d' Elmer Léonard, grand auteur de western méconnu pour ce genre en France, et il est indéniable que cet album dont il réalise à la fois le scénario et le dessin restera parmi les meilleures parutions de l'année en cours.
Les édition Rue de Sèvres, dont a déjà vanté le catalogue naissant pour Le château des étoiles
ont aussi fait un superbe travail de maquette.
Chapeau !
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