Festival Circulation(s) : Nikola Mihov

Publié le 07 février 2015 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

© Nikola Mihov

Dernier volet de notre trilogie autour du festival Circulation(s), présenté au Centquatre jusqu’au 8 mars 2015. Nous nous attarderons cette fois-ci sur Nikola Mihov, qui expose à cette occasion sa série « The Sea Inside » ; un reportage sur la vague qui a déferlé sur Varna en Bulgarie en juin 2014 et dévasté tout le quartier Rom de la ville, ce à quoi les autorités et médias ont très peu prêté attention. Des dizaines d’individus, en marge de la société, se sont vus forcés de tout abandonner sur place dans la plus grande indifférence générale.

Si l’on demande à Nikola s’il y a dans ce travail une portée sociale, il répond que bien évidemment : à l’annonce de la catastrophe, il s’est immédiatement engouffré dans un train, parti à la rencontre des populations sinistrées. Il a recueilli leurs témoignages et cinq jours plus tard, exposait ses clichés dans la capitale bulgare. 

My brother and his wife live here. Her grandma died – the water took her. She lived just further down the street. When the rain started around 6 o’clock she was playing with her kid on the sofa. She heard a loud noise and went to close the door. When she saw what was happening she wanted to run away but she was alone with the kid. Why did these people let this water upon us?

Et pourtant, il se dégage de ces clichés une certaine ironie, derrière toutes ces couleurs clinquantes et ce carton-pâte mouluré imprégné de boue. Le photographe explique à quel point le goût du kitsch règne dans ces quelques maisons construites sur catalogue, où l’on va placer une tapisserie ou une pâle copie en plâtre d’une sculpture pompéienne. Les teintes sont électriques, tout fait si riche, et si faux.

Quand je lui dis que ces images m’évoquent quelque part l’esthétique du Grand Budapest Hotel de Wes Anderson, l’artiste fait immédiatement le lien avec « Victoria Palace », un autre projet qu’il a réalisé dans un grand hôtel parisien où il travaillait pour subvenir à ses besoins.

Silly – Valet, Mauritania © Nikola Mihov

En effet, on y retrouve tout à fait ce décor de papier mâché, ce luxe factice en totale inadéquation avec la réalité extérieure. L’aspect de façade y est d’autant plus frappant que l’on s’attarde cette fois-ci sur les hommes et femmes qui peuplent l’établissement : chacun est plus ou moins « exposé » aux clients selon son phénotype.

Nikola Mihov a donc demandé aux différents membres du personnel de poser pour lui, suivant les échelons de la hiérarchie interne, produisant ainsi un véritable nuancier Pantone des carnations. Mais le plus important ici est certainement le fait que personne, sur le moment, n’ait remarqué avec quel humour acide le photographe immortalisait cet univers du paraître.

C’est donc une grande force qui se cache derrière l’esthétique travaillée de Nikola Mihov. La dénonciation n’y est pas vindicative. Elle y est implicite, car lui ne fait qu’exposer une réalité à laquelle nous nous sommes tous habitués. Avoir ces images sous les yeux demande à nous confronter à l’ordre établi, et à ressentir ce malaise que nous n’aurions jamais dû laisser flétrir. Car après tout, c’est bien là le rôle principal du photographe : recentrer notre regard dans la bonne direction.

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Nikola MIHOV

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