Brian K. Vaughan et Fiona Staples – Saga (Tome 4)

Par Yvantilleuil

Après avoir été récompensée par les Eisner Awards du Meilleur Scénariste et de la Meilleure Dessinatrice 2014, cette excellente série imaginée par Brian K. Vaughan (Y, le dernier homme, Pride of Baghdad ou Ex Machina) se poursuit avec un quatrième volet qui reprend les épisodes #19 à #24 de ce space opéra familial particulièrement jubilatoire.

Pour rappel, Saga invite à suivre les déboires d’un couple d’amoureux, issus de planètes ennemies et en guerre perpétuelle. Marko, notre Roméo cornu originaire de la planète Couronne, vit donc d’amour et d’eau fraîche en compagnie d’Alana, sa Juliette ailée issue de Continent. Au centre des débats (et à la narration), le lecteur retrouve bien évidemment la petite Hazel, fruit de leur amour interdit. Cette progéniture, issue de deux espèces qui sont en guerre depuis la nuit des temps, n’est cependant pas vue d’un bon œil par les peuples respectifs et se retrouve du coup pourchassée dès sa première bouffée d’air. La vie de couple n’est déjà pas un long fleuve tranquille, mais quand on est pourchassé par les pires tueurs professionnels de la galaxie, que les beaux-parents surgissent à l’improviste, que la baby-sitter est un fantôme et qu’une ex montre le bout du nez… il faut être sacrément balèze pour que l’amour survive !

Après la confrontation entre le romancier D. Oswald Heist et le Robot Prince IV sur la planète Quiétus, l’action reprend quelques mois plus tard sur une petite planète isolée où Alana et Marko espèrent retrouver un semblant de normalité dans leur vie. Les tensions se font cependant grandissantes entre le papa qui s’occupe de la petite Hazel et la maman qui tente de subvenir aux besoins de la petite famille en travaillant en tant que comédienne pour un divertissement particulièrement populaire de la galaxie. Si l’action est moins présente, l’auteur livre à nouveau une véritable petite pépite au niveau de la caractérisation. En s’attaquant à la vie de couple de manière très réaliste, il dresse le portrait de personnages finalement terriblement humains et toujours aussi attachants. De plus, il ne manque pas non plus de pointer du doigt les émissions de téléréalité, ainsi que les méfaits de la drogue au sein du show-business. En multipliant les planètes et les espèces, l’auteur offre une lecture très diversifiée et une galerie de personnages extrêmement riche et parfaitement exploitée, emmenée par trois héros qui permettent non seulement d’installer une histoire d’amour digne de Roméo et Juliette, mais également d’insuffler une touche familiale très attendrissante au récit.

En parallèle, l’auteur poursuit également la quête de nombreux personnages secondaires. Du testament, qui est toujours dans un piteux état à l’hôpital, à sa sœur qui entre dans la danse, en passant par les déboires de la famille royale Robot ou la quête de Gwendolyne, qui s’occupe dorénavant de la petite Sophie, l’auteur développe plusieurs trames secondaires qui contribuent à dynamiser le récit et qui abordent des thèmes tels que l’inégalité sociale ou le terrorisme.

Si cet ovni mélange avec brio space opéra, romance, chronique familiale, géo-politique, comédie, aventure, sexe, horreur, violence, chasse à l’homme, drame, action, science-fiction et magie, l’autre grande force du récit sont les dialogues. Ceux-ci sont une nouvelle fois d’un naturel extraordinaire et débordent d’humour. Le choix de Hazel en tant que narratrice du récit fonctionne à merveille, surtout que cette dernière revient sur les événements avec un certain recul et beaucoup de cynisme. Ajoutez à cela le langage espéranto utilisé par les luniens et la capacité de Vaughan à aborder énormément de thèmes sensibles en toute décontraction, sans alourdir le récit, et vous obtenez un véritable tuerie qui gère de surcroît l’art du cliffhanger avec énormément de maestria.

Visuellement, le graphisme de Fiona Staples continue de fonctionner à merveille. La dessinatrice canadienne donne non seulement vie à des créatures loufoques au look très réussi, mais parvient surtout à mettre les délires du scénariste en images avec beaucoup de savoir-faire et d’esthétisme. À l’aide d’une colorisation qui accompagne toujours parfaitement le ton du récit, elle contribue aussi à installer une ambiance toujours adéquate. Elle offre également un découpage efficace qui rend la lecture très fluide et qui incite à tourner les pages à grande vitesse.

Si vous hésitez encore à lire cette petite merveille, le pack promotionnel comprenant les deux premiers tomes pour la modique somme de 20 euros est l’occasion ou jamais de combler cette lacune.

Retrouvez cet album dans mon Top Comics de l’année !

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