ALBERTINE DISPARUE (Marcel PROUST - extrait)

Par Elisabeth Leroy

"Mademoiselle Albertine est partie" ! Comme la souffrance va plus loin en psychologie que la psychologie !

Il y a un instant, en train de m'analyser, j'avais cru que cette séparation, sans s'être revus, était justement ce que je désirais, et comparant la médiocrité des plaisirs que me donnait Albertine, à la richesse des désirs qu'elle me privait de réaliser, je m'étais trouvé subtil, j'avais conclu que je ne voulais plus la voir, que je ne l'aimais plus. Mais ces mots : "Mademoiselle Albertine est partie" venaient de produire dans mon coeur une souffrance telle que je sentais que je ne pourrais pas y résister plus longtemps. Ainsi ce que j'avais cru n'être rien pour moi, c'était tout simplement toute ma vie. Comme on s'ignore.

"Mademoiselle Albertine est partie" ! Comme la souffrance va plus loin en psychologie que la psychologie !

Il y a un instant, en train de m'analyser, j'avais cru que cette séparation, sans s'être revus, était justement ce que je désirais, et comparant la médiocrité des plaisirs que me donnait Albertine, à la richesse des désirs qu'elle me privait de réaliser, je m'étais trouvé subtil, j'avais conclu que je ne voulais plus la voir, que je ne l'aimais plus. Mais ces mots : "Mademoiselle Albertine est partie" venaient de produire dans mon coeur une souffrance telle que je sentais que je ne pourrais pas y résister plus longtemps. Ainsi ce que j'avais cru n'être rien pour moi, c'était tout simplement toute ma vie. Comme on s'ignore.