The Servant : Thierry Harcourt remet le couvert, version « British »

Publié le 19 février 2015 par Ralph

Paris, par Charles-Éric Perrin Gimet

On se rappelle de Thierry Harcourt alors que nous parlions déjà de lui il y a plusieurs mois au moment de la sortie de sa pièce Accalmies passagères.

Aujourd’hui nous le retrouvons une nouvelle fois comme metteur en scène, avec hâte et plaisir, à l’affiche de « The Servant ».

Après ses nombreux projets, et avec le succès d’« Accalmies passagère », il a « eu envie de revenir à quelque chose de plus grave » et s’est donc lancé « en proposant la pièce The Servant au Théâtre de poche Montparnasse qui a montré un enthousiasme immédiat ».

Il nous apprend avoir d’emblée « confié la traduction de cette pièce anglo-saxonne à Laurent Sillan qui avait déjà adapté pour moi Arsenic et Vieilles dentelles et Le talentueux Mr Ripley ».

En tombant sur cette pièce il y a plus de dix ans, à Londres, Thierry Harcourt est avant tout « réticent, connaissant et aimant énormément le film. Mais dès les premières répliques j’ai été entraîné par cette écriture incisive et toujours teintée d’humour, tout en conservant un vrai sens du thriller ».

Un esprit entretenu et étudié avec succès dans cette nouvelle version parisienne.

Une ambiance respectée

« The servant », avant d’être la pièce que les Parisiens apprécieront, était d’abord un roman de Robin Maugham qui fut une première fois mis en scène au théâtre. Puis, quelques années plus tard, le roman est adapté au cinéma et rencontrera un énorme succès et ce dès sa sortie en 1963.

En pleine guerre froide, après la crise du canal de Suez dont le Royaume-Uni sort bafoué, les rapports de force s’inversent et les maîtres de l’Europe ne semblent plus être si incontestés.

Un contexte historique important que nous pensons utile de préciser quand on sait l’intérêt de la pièce pour cette position incertaine qu’est celle du « Maître ». Ainsi, la sortie dans les salles de « The Servant » est on ne peut plus opportune et représente une agitation de plus dans le paysage déjà bien tourmenté du Royaume-Uni de l’époque.

Et la pièce parisienne dans tout ça ? Et bien elle s’intègre parfaitement dans une lignée qui lui est déjà bien tracée.

Avec un décor qui évolue au fil des minutes et des interventions, dans une ambiance très british, le spectateur est littéralement happé par l’atmosphère. Sans qu’aucun acteur n’ait à intervenir nous savons où nous plongeons et sentons que l’histoire qui suit ne laissera que très peu d’échappatoire.

Entraîné par un texte intelligent à l’humour souvent grinçant et une douce rythmique – qu’on aurait parfois aimé voir s’emballer - le salon de Tony se fait étroit et dérangerait presque par la promiscuité qu’il installe entre les acteurs et le public. Une barrière de plus qui se dissipe, une assise qui se dérobe. Pour notre plus grand plaisir.

La part belle à l’interprétation

Nous sommes à Londres, début sixties, dans une maison de ville achetée par Tony. Bel homme, fiancé à Sally et soutenu par son ami Richard, ce jeune aristocrate un poil nonchalant engage Barrett comme domestique. Impeccable, le valet s’impose rapidement auprès de Tony et devient alors indispensable dans la vie de son maître qui devient vite son propre serviteur.

Bousculé intelligemment, puisque sans violence, par Barrett, génialement interprété par Maxime d’Aboville, on est conduit au respect par cet acteur littéralement hors normes. Il habite son rôle, grave et implacable, il est inquiétant et s’impose comme le maître des lieux. Sans concession.

A côté – oserions-nous dire à part ? - on saura tout de même apprécier la prestation de Xavier Lafitte, alias Tony, qui dans une position bien que précieuse ose se salir pour investir un personnage en perdition ».

Roxane Bret, est une jeune comédienne qui promet. Quant à Sally et Richard, respectivement Alexie Ribes et Adrien Melin, leur jeu comble justement les attentes. A propos de ce dernier, personnage absent du film, Thierry Harcourt nous confie voir « le rôle de Richard comme primordial. Il est le témoin et le narrateur de notre histoire.

Il avait été ôté du film car je pense que la caméra jouait ce rôle. Mais il est dans le roman et dans la pièce originale » et c’est pour cette principale raison qu’il fait son retour, légitime, dans cette version de « The Servant ».

Pendant 1h20 – c’est court ! - les scènes s’enchaînent et les acteurs assurent dans cette pièce éclairée au texte encore étrangement d’actualité. La mise en scène est précise, efficace et laisse planer un air de « rarement vu ». Différent du film dans la forme, le fond, et son rapport au réel, en reste inextricable et c’est bien là ce qu’on préfère.

Ainsi on arrive à ce même constat d’abord agréable - de par la représentation qui nous est faite - et pourtant accablant - quant à la réalité qui s’y attache : les véritables maîtres, les plus implacables, sont souvent ceux auxquels on s’attend le moins.

* The Servant, la pièce de Robin Maugham, mise en scène par Thierry Harcourt, est à l'affiche du Théâtre de Poche Montparnasse depuis le 3 Février 2015. Du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 17h30. Crédits photos : Ladli/Brigitte Enguerand - Février 2015

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