Mes choix pour les Oscars

Publié le 21 février 2015 par Espritvagabond
C'est un peu devenu une tradition, donc malgré mon silence sur ce blogue depuis quelques mois, voici donc mes choix personnels pour les Oscars de 2015 (films de 2014), en rappelant aux nouveaux lecteurs qu'il ne s'agit pas de prédictions - je devrais publier mes prédictions dans un billet à part avant la cérémonie.
Je ne retiens que les huit catégories majeures puisque d'une part, je n'ai pas vu tous les films dans les catégories spécifiques comme films étrangers, documentaires ou courts métrages et que d'autre part, je n'ai pas la prétention d'avoir la compétence de juger les meilleurs au niveau technique pointus comme le montage son, les costumes ou le design de production, où je ne demeure qu'un amateur.
Quand on parle de scénario, de réalisation et de performance d'acteurs, par contre, j'ai la prétention, comme auteur et comme cinéphile averti depuis quelques décennies, de savoir un peu plus de quoi je parle.
Voici donc mes choix personnels pour les Oscars cette année - choix qui sont évidemment limités par les mises en nomination (avec lesquels je ne suis pas nécessairement d'accord, mais je joue le jeu officiel).
--
Meilleur acteur: Michael Keaton, dans Birdman. Je n'ai pas vu la performance de Steve Carrel dans Foxcatcher, qui est sorti des salles avant que je ne l'y attrape, et n'est pas encore disponible à la location avant la cérémonie des Oscars. Mon choix porte donc sur les 4 autres nominés. Même si j'ai beaucoup apprécié la performance de Eddie Redmayne en Stephen Hawkins et que je saisis la difficulté d'interpréter un personnage complexe aux prises avec ces limitations physiques, j'ai plus apprécié encore la difficulté de faire passer les idées, émotions et sentiment de personnages moins physiques comme ceux interprétés par Keaton dans Birdman et Benedict Comberbatch dans The Imitation Game. Mon hésitation était donc essentiellement entre ces deux acteurs que j'ai trouvé absolument fabuleux dans leurs rôles respectifs. J'ai rejeté immédiatement Bradley Cooper (un acteur que j'aime pourtant beaucoup) car bien qu'il ait su offrir une performance correcte dans un mauvais film (American Sniper), on est très loin des performances qui méritent normalement une nomination, encore moins un Oscar. Si mon choix s'est finalement porté sur Michael Keaton, c'est parce que je ne vois vraiment pas comment un personnage aussi complexe aurait pu être porté par un autre acteur avec autant de subtilité et d'abnégation, des qualités que l'on observe plutôt rarement au cinéma dans un état aussi brut. On voit souvent des acteurs enlaidis ou dépouillés pour des rôles, mais plus souvent qu'autrement, on ressent quand même l'aspect artificiel de ce dépouillement, alors qu'ici, Keaton semble complètement effacé au profit de son personnage. Comme celui-ci est un acteur en recherche d'authenticité, la symbolique de sa présence dans ce rôle, jumelée à cette abnégation devient transcendante et mérite donc un Oscar.
Meilleure actrice: Felicity Jones, dans The Theory of Everything. Je n'ai malheureusement pas eu le temps de voir tous les films, donc n'ai pas vu Marion Cotillard dans Deux jours une nuit. Le choix de Julianne Moore paraîtra plus évident à l'Académie, avec les difficultés inhérentes à jouer une personne aux prises avec la maladie d'Alzeimer - et de jouer l'évolution de cette maladie. Mais une fois de plus, comme pour mon choix du meilleur acteur, j'ai préféré la difficulté de jouer des sentiments - et l'évolution de ces sentiments - plus intériorisés et difficiles à rendre à l'écran qu'offre Felicity Jones dans un rôle subtil qu'elle rend avec une intensité qui n'en fait jamais trop. Les deux autres nominations portent sur des interprétations plus physiques. C'est une évidence pour Reese Witherspoon dans Wild, où il y a justement ce genre de dépouillement volontaire que j'évoquais ci-haut. C'est aussi le cas, de mon point de vue, pour le rôle de femme douce et parfaite mais peut-être psychopathe de Gone Girl interprétée par Rosamund Pike. Dans ce dernier cas, les trous et incohérences dans le scénario nuisent à mon appréciation du personnage lui-même, dont je n'arrive pas à croire totalement; ceci m'empêche donc de voir l'interprétation de ce personnage comme un exercice méritoire d'un Oscar. Mon choix se porte donc sur Felicity Jones, qui joue avec brio la jeune fille amoureuse, la femme aimante et dévouée, celle usée par les efforts et les difficultés de la vie, le tout sans mélo ni cliché, et dont l'amour s'étiole au fil des ans et face aux difficultés, mais qui souffre également de la perte de ce sentiment que des épreuves auxquelles doit faire face son couple inhabituel. C'est d'ailleurs la première des nominations que j'ai vu, et aucune de autres n'est parvenue à influencer ce choix personnel.
Meilleur acteur - rôle de soutien: J.K. Simmons, dans Whiplash. Je souffre encore une fois de ne pas avoir tout vu dans cette catégorie, puisque l'un des nominés est issu de Foxcatcher comme Carrel dans la catégorie du meilleur acteur. Parmi les quatre autres, le choix s'est avéré particulièrement difficile. J'ai adoré le jeu d'Edward Norton dans Birdman, qui travaille sur plusieurs niveaux - un acteur jouant un acteur mais aussi le personnage que ce dernier joue dans une pièce et les relations qu'il entretient avec la troupe et l'impact de sa personnalité sur la pièce et le jeu des autres. D'un autre côté, j'ai trouvé fascinante de naturelle l'interprétation de Ethan Hawke dans Boyhood. Ce film unique suit ses personnages sur une douzaine d'années, mais avec les mêmes acteurs dans un tournage qui a duré douze ans, donc sans changements ou maquillages majeurs pour simuler le passage du temps. L'effet du film avec les personnages de jeunes enfants est incroyable, mais fait oublier la difficulté pour des acteurs adultes de revenir au fil des ans à leurs personnages, d'en retrouver l'essence et de les faire évoluer, tout en conservant leur jeu pour que ces personnages apparaissent cohérents et crédibles au cinéphile qui voit l'ensemble de ces douze ans sur un visionnement de quelques heures. Un véritable tour de force d'acteur, que Hawke accomplit avec ce qui semble une facilité naturelle qui force l'admiration. C'était le bon acteur pour cet exercice, remarquez, lui qui avait effectué des retours sur personnages similaires dans le triptyque des Before avec Julie Delpy. Enfin, si j'ai choisi Simmons dans Whiplash, c'est en partie parce que le film m'a jeté par terre tellement l'ensemble est fort, énergique, étonnant, et que cet effet doit énormément à l'interprétation d'un personnage de mentor qui devrait être particulièrement antipathique, mais que l'on n'arrive pas plus que le personnage de son élève à détester réellement et profondément. La profondeur du personnage - malgré les apparences initiales - est également rendu avec brio par Simmons, qui porte ce film vers un niveau qu'il n'aurait pas atteint autrement.
Meilleur actrice - rôle de soutien: Emma Stone, dans Birdman. C'est l'année où par hasard, je n'aurai vu le total des performances dans aucune des catégorie d'acteurs. Ici, c'est Meryl Streep qui m'a échappé. Pour moi, cette catégorie a été beaucoup plus facile que les autres, puisque bien que j'aie apprécié les performance de Keira Knightley dans The Imitation Game, j'ai tout de même été surpris qu'elles soit en nomination. Mon choix a donc été une hésitation entre Patricia Arquette dans Boyhood - pour les mêmes raisons évoquées dans ma réflexion sur la performance de Ethan Hawke ci-haut - et Emma Stone dans Birdman. Si mon choix personnel s'est posé sur Emma Stone, c'est essentiellement parce qu'elle y est étonnante dans un rôle qui somme toute, aurait pu être mineur dans le film, mais qui prend toute sa place grâce à ses yeux immense, sa retenue, l'excentricité et la truculence qu'elle apporte à un personnage qui aurait pu autrement ne servir que de faire-valoir aux deux rôles masculins défendus par Keaton et Norton. C'est aussi le genre de performance qui semble se nourrir de celle de ces confrères, et ce genre d'énergie est loin de se produire aussi souvent que l'on pense.
Meilleur scénario (adaptation): Whiplash. Il est toujours difficile de juger de scénarios adaptés dont on n'a pas lu le matériau d'origine, mais cette année, tous les films en nomination sont sur un pied d'égalité en ce qui me concerne, puisque je ne connaissais aucun des livres (ou courts) dont ils sont tirés. Je ne peux donc juger de la qualité d'adaptation elle-même, mais je peux néanmoins juger de la qualité du scénario. Comme je n'ai pas encore vu Inherent Vice, mon choix doit donc porter sur les quatre autres. J'élimine facilement American Sniper, dont je ne comprends même pas la nomination; un scénario prévisible rempli de clichés, aveuglément patriotique, manichéen, aux dialogues simplistes et risibles. Reste donc tout de même trois bons films parmi lesquels deux sont tout de même des scénarios plus conventionnels explorant tous deux - par hasard - la vie et les activités professionnels de génies scientifiques. J'ai préféré The Imitation Game à The Theory of Everything, ce dernier adoptant plus clairement la structure narrative d'un film biographique-romantique dont je ne remets pas en cause l'excellence, mais qui est par ce choix-même, un peu moins original côté scénario ou dialogues. Il faut dire que l'aspect polar historique de The Imitation Game n'avait rien pour nuire à mon appréciation du film ou de son intrigue passionnante. Si au final, je leur ai préféré Whiplash, c'est parce qu'il faut un scénario particulièrement fort pour rendre cette histoire somme toute assez simple de mentor qui va (peut-être) trop loin pour pousser ses élèves vers l'excellence. Mais c'est surtout pour la qualité incisive de ses dialogues, coupés au couteau et dont chaque réplique semble frapper droit au but, une qualité qu'on ne retrouve pas systématiquement aux Oscars.
Meilleur scénario (original): The Grand Budapest Hotel. Un choix très personnel ici dans une catégorie extrêmement forte cette année, avec des scénarios aussi brillants que Birdman (qui jumèle avec brio des dialogues d'une précision chirurgicale à une réflexion sur l'incursion du cinéma au théâtre) ou encore Nightcrawler qui juxtapose un polar particulièrement efficace à une réflexion sur le rôle des médias dans notre société. Tel que mentionné plus haut, je n'ai pas vu Foxcatcher et l'exploit de Boyhood, aussi bien scénarisé soit-il, repose plus sur son concept (tournage sur douze ans avec acteurs qui vieillissent pour de vrai) que sur l'histoire qu'il raconte, même si cette évolution du personnage principal est bien écrite et bien rendue. Si mon choix porte donc sur The Grand Budapest Hotel, c'est qu'en plus de raconter une histoire aussi drôle et intéressante qu'imprévisible et tarabiscotée, c'est définitivement le scénario et les dialogues les plus originaux (au sens premier du terme) de cette cuvée. J'inclus aussi dans ce scénario la manière de raconter cette histoire particulièrement tordue (les tiroirs d'ellipses et de flashbacks par exemple) et la réflexion qui accompagne l'histoire principale concernant les traditions et les impacts politiques sur les vies individuelles.
Meilleur réalisation: Alejandro Gonzalez Inaritu, Birdman. après tout ce que j'ai écrit de bien sur Boyhood et son concept unique, sur The Grand Budapest Hotel et le plaisir de cinéphile que produit son visionnement et sur The Imitation Game et son efficacité doublée de performances d'acteurs remarquables, vous pouvez imaginer combien il a été difficile pour moi de sélectionner un réalisateur qui se démarque cette année... Si j'ai choisi Inaritu, c'est pour les multiples talents dont il fait preuve dans Birdman. La direction d'acteurs, d'abord, qui est d'ailleurs évidente au nombre d'acteurs qui ont obtenus une nomination (et dont deux font partie de mes choix pour l'Oscar), mais la forme qu'il a donnée au film. En effet, ce long pseudo-plan séquence donne l'impression que le film a réellement été tourné d'un seul coup en ne faisant que suivre les personnages (un effet de réel jamais observé de cette manière là auparavant par ce cinéphile-ci). Plus encore, le mouvement constant de la caméra ajoute un niveau à ce film dont le sujet est justement l'incursion du cinéma au théâtre; Inaritu, en plus de rendre sa caméra mobile, évite du même coup de donner à son film l'aspect un peu figé du théâtre filmé. Enfin, cette forme est une première; jamais je n'avais vu un film de cette envergure tourné de la sorte, une originalité qui à elle seule mérite reconnaissance, surtout quand on note que se mêlent à ces pseudo-plans séquences des scènes de télékinésie et autres envolées lyriques manipulées avec brio.
Meilleur film: Birdman. Avec des acteurs formidables, une réalisation absolument brillante, un scénario subtil et à plusieurs niveaux, Birdman est le film qui combine le mieux tous les ingrédients qui font d'un bon film un grand film. Boyhood est également un exploit à sa manière, mais dans son cas, le scénario est un peu moins original et la réalisation demeure en retrait et plus conventionnelle. The Grand Budapest Hotel demeure à mes yeux un des meilleurs films de 2014 et un film à voir et revoir avec grand plaisir, mais reste moins transcendant que Birdman. Je n'ai pas eu l'occasion de voir Selma avant la cérémonie, Whiplash est un film percutant mais dont l'idée de base (relation mentor/élève) n'est pas une nécessairement une nouveauté, et j'ai réellement détesté American Sniper. Quand aux deux autres films en nomination - les excellents The Imitation Game et The Theory of Everything, aussi bons soient-ils, ils demeurent d'une facture classique, une manière traditionnelle de raconter une histoire au cinéma. Pour moi, Birdman s'élève à un autre niveau et comme ce genre d'exploit n'arrive pas nécessairement à chaque année, ce choix s'impose donc de mon point de vue.
--
Voilà donc pour mes choix personnels... Un billet sur mes prédictions (plus court, le temps presse) devrait suivre sous peu.
Et vous, quels sont vos choix personnels?
--