Petites coupures à Shioguni (récit complet)

Publié le 23 février 2015 par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Petites coupures à Shioguni »

Scénario, dessin et couleurs de Florent Chavouet,

Style : Polar

Public conseillé : Adultes / Adolescents
Paru auix éditions Philippe Picquier, le 20 novembre 2014, 184 pages couleurs, 21.50 euros
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L’histoire

Japon, ville de Shioguni, de nuit. Trois hommes, au look de yakuzas, rentrent dans le restaurant de Kenji, pour réclamer leur argent. Un des hommes enfile un gant de cuisine et plaque la tête de Kenji sur la plaque chauffante.
Dans un taxi, une jeune fille raconte au conducteur la scène dont elle vient d’être le témoin…Façon carnet de voyages, commence alors une course-poursuite, dans la ville tentaculaire, pour reconstituer les faits et les ressorts de cette agression.. qui n’est peut-être pas si simple qu’il semble…


Ce que j’en pense

Je dois avouer, j’étais complètement passé à coté de “Petites coupures à Shigouni”, et c’est la récente récompense “Fauve Polar SNCF” du festival d’Angoulême qui a attiré mon attention. Grand bien m’en à pris, car cet album est un O.V.N.I. graphique comme j’en ai rarement vu et qui mérite cette distinction.

Précédemment, Florent Chavouet avait montré son goût pour le Japon avec ses carnets de voyage “Tokyo Sanpo” et “Manabé Shima”. Avec cet album, il dépasse le cadre de la représentation, pour construire un polar “classique” (une histoire de voyous qui dérape) raconté d’une manière totalement originale.

Galerie de portraits et d’anecdotes, “Petites coupures à Shioguni” en regorgent et des plus savoureux. Un chauffeur de taxi blasé de son métier, un restaurateur qui se fait griller, un poulpe, un hippopotame bleu bourré de fric, trois yakusa très amateurs, une petite voleuse en pull rose, un livreur de Kombini qui se fait tirer ses clefs… Les personnages et l’ambiance déjantés de l’album n’est pas sans évoquer l’univers tout aussi disparate et parcellaire des frères Cohen...

Au delà de l’histoire toujours très ironique (et vraiment marrante) cette fiction est servie par un graphisme d’une richesse rarement égalée. Patchwork improbable de prises de notes rapides, de documents récoltés, de planches de BD, Florent Chavouet explore tout, sans rien s’interdire.
Remplis d’une foule de détails et d’un flot de textes, les planches, tantôt illustratives, tantôt narratives varient de forme et d’aspect suivant l’envie.

Toujours maître de son dessin, Florent Chavouet varie les techniques. Couleurs hyper saturées ou pur jus noir et blanc, tout est possible… et son contraire.
Le résultat visuel est… étonnant, mais surtout, particulièrement immersif ! Ca faisait longtemps que je n’avais pas été aussi (positivement) surpris, chapeau !


Malgré la surenchère visuelle, ne tournez pas les pages trop vite. Cette mine d’information visuelle est loin d’être anodine, car elle regorge d’éléments qui permettent de faire le lien et de reconstruire l’histoire. N’espérez pas non plus que Florent vous serve l’explication sur un Bento (plateau repas japonnais). C’est à vous, chers lecteurs d’aller fouiller les détails, les dialogues et de retracer le parcours de la nuitée. Pour une fois qu’on ne nous mâche pas tout le travail, je ne peux que m’en réjouir. Si le coté ‘faîtes-le vous même” vous rebute, moi, j’ai adoré !

Enfin, et ça ne gâche rien, l’objet est un petit bijou graphique, qui nous plonge directement dans l’ambiance. Grosses pages épaisses, couvertures cartonnées, la fabrication de cet album est magnifique. Merci aux éditions “Philippe Picquier”.