[TICKET D’HUMEUR] Oscars, César et polémiques moisies

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Ce vieil enfoiré de Jean-Luc Godard a dit un jour, « Je ne veux parler que de cinéma. Pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma, on parle de tout. On arrive à tout ».
On peut penser ce qu’on veut des films de cet éminent cinéaste, probablement trop conscient de son importance dans un mouvement clé de l’histoire du cinéma hexagonal (en l’occurrence la Nouvelle Vague), mais sur le coup, il a tout à fait raison. Pour autant, quand on se lance dans l’aventure du blog cinéma, et qu’on souhaite se limiter aux chroniques de films (et de séries), aux interviews ou encore aux dossiers divers et variés, on peut aussi avoir envie, à un moment ou à un autre, d’y aller de son petit commentaire sur tel ou tel truc qui fait l’actu. N’est-ce pas pour cela que le web a été inventé ? Pour permettre à tout le monde de pouvoir commenter l’actualité et donner son avis sur n’importe quel sujet ? Et si les autres le font -sans vouloir jouer au lemming- pourquoi pas moi ? Alors oui, donner son avis sur des longs-métrages va dans ce sens, mais là, maintenant tout de suite, j’ai aussi envie de parler à la première personne et de m’étendre sur des sujets qui ne rentrent pas forcément dans le cadre de la critique ou du dossier. D’y aller un peu freestyle, dans le plus pur style internet 2.0, quitte à n’intéresser personne si ce n’est moi. Cette nouvelle rubrique est donc là pour ça : pour me permettre de coucher sur le papier numérique qu’est la page blanche de OpenOffice Writer (Word étant hors de prix faut pas déconner), des pensées et de les partager, avec vous, chers lecteurs, qui avez l’infinie gentillesse de faire vivre ce site depuis sa mise à l’eau un beau jour de janvier en l’an de grâce 2012…

Alors ! Dimanche soir, je n’ai pas regardé les Oscars. Non, à la place j’ai dormi, après m’être farci 3 épisodes de cette excellente série bien rentre-dedans qu’est Banshee. Il faut dire que je n’ai pas Canal + et que de toute façon, internet permet de retrouver dès le lendemain la majorité de la cérémonie en vidéo, ce qui, vous en conviendrez, est bien pratique. Je n’ai pas regardé non plus les César, qui pourtant, étaient diffusés en clair sur la même chaîne. Là, la raison est différente, même si j’ai aussi rattrapé mon retard assez rapidement, juste histoire de pouvoir en causer par la suite, en me doutant que les organisateurs de cette cérémonie populaire pour sa capacité à ralentir le temps, n’allaient pas créer la révolution en livrant un spectacle digne de ce nom.
Car il y a vraiment un problème avec les César. Avec toutes les cérémonies du genre « made in France » d’ailleurs. Les César, mais aussi les Victoires de la Musique, feu les 7 d’or, les Globes de Cristal et même ces putains de Gérard de la Télévision. Toutes sont d’un ennui total. Toutes s’avèrent aussi inintéressantes les unes que les autres et toutes trahissent une incapacité flagrante quand il s’agit de communiquer des émotions, quand bien même les sujets, la musique ou le cinéma, seraient susceptibles de nous pousser à bloquer une soirée pour tenter le coup. Moi, par exemple, j’aime le cinéma. Je l’aime vraiment. Certes, j’ai été élevé devant les œuvres sacrées des pères fondateurs du divertissement à l’américaine, mais je garde l’esprit ouvert et tombe régulièrement sur des perles, ou au moins sur des films intéressants, bien de chez nous. On pourrait argumenter 107 ans sur la vacuité d’un certain cinéma français, qui a clairement le cul entre deux chaises (la poilade à papa et le prétentieux bobo post-Nouvelle Vague), mais c’est une autre histoire. Reste que les César sont profondément chiants. Peu importe les films nommés et peu importe qui présente ou qui va se pointer sur scène pour remettre les prix. La cérémonie organisée tous les ans par l’Académie des arts et techniques du cinéma, a cette étrange et étonnante faculté, de rendre tragiquement fadasse tout ce qu’elle touche. Un exemple : en 2012 était nommé aux César et aux Oscars dans plusieurs catégories, dont les principales, le film The Artist. Un film français. Peu importe qui a été récompensé par qui, on le sait déjà. L’important ici est de comparer la façon dont les organisateurs ont mis en valeur le film. D’énormes différences sont à déplorer et jamais les César n’en ressortent gagnant…
Les César, c’est le genre de soirée où tu sens bien que les mecs se badent. Pas entre eux, mais eux-même. Ils s’aiment et adorent se regarder le nombril en s’auto-congratulant, avant d’aller se baffrer au Fouquet’s sur Les Champs-Élysées, histoire de faire bonne mesure. Oh bien sûr, depuis ses débuts, César a évolué mais au fond, le problème reste le même et s’est peut-être amplifié. César a beau essayer de se faire décalé et caustique, en orchestrant comme cette année, un sketch pathétique durant lequel Julie Gayet, la maîtresse de notre cher Président, se radine au bras de Denis Podalydès, qui a joué Sarkozy au cinéma ; ou en confiant les rennes de la soirée à des gars comme Edouard Baer, ou n’importe quel transfuge de l’époque bénie où « l’esprit Canal » tenait encore débout, mais rien n’y fait. Cette année, ni Baer ni les autres n’ont pu faire quoi que ce soit pour éviter la débâcle. Comme d’habitude. Pendant plus de 3 heures, ces pauvres bougres ont lustré les cuivres du Titanic, sachant pertinemment que le naufrage était inévitable. Cela dit, ils sont néanmoins heureux car au fond, l’important est de célébrer leur idée du cinéma français. Un cinéma qui aime prétendre à une classe qu’il a bien du mal à retrouver, à cause précisément de ce genre de personnes qui se gaussent lors de ces cérémonies tristes à pleurer. Un cinéma qui aime snober les américains, tout en invitant comme chaque année, une star U.S. pour lui refiler un César d’honneur. Ces dernières années, Kevin Costner et Scarlett Johansson ont ainsi pu goûter à l’hospitalité à la française en prenant racine dans le Théâtre du Chatelet, avant qu’on veuille bien leur filer ce pour quoi ils avaient lutté pendant 3 heures contre le sommeil. Cette année, c’est Sean Penn qui a eu l’honneur de siéger à côté de Luc Besson, pour au final se voir remettre par Marion Cotillard, ce fameux trophée. Luc Besson, ce célèbre ambassadeur du cinéma américain en France, boudé par les César, mais pas rancunier pour deux sous, parce que c’est important de montrer une bonne image et qu’au fond, lui-même sait que ces dernières purges méritaient à peine qu’on se déplace dans une salle pour en dire du mal en toute connaissance de cause. Bref… Les César n’ont surpris personne, sauf peut-être en récompensant une participante de The Voice pour avoir chanté du Sardou dans un hit du box office au nom animalier, ou encore en saluant la performance d’une américaine, Kirsten Stewart, dans un film français. De là à dire que la comédienne, par ailleurs très bonne dans Sils Maria, fut nommée puis récompensée juste pour la forcer à radiner sa fraise lors de la soirée pour « relever un peu la sauce » (effet Twilight tout ça), il y a un pas que je ne franchirai pas. Je n’ai pas envie de tomber dans le cynisme et de toute façon, ça n’a rien changé : les César ont à nouveau imposé un ennui à la française et prouvé que l’intelligentsia du septième-art hexagonal était toujours bloquée dans un espace-temps bizarroïde. Dans une dimension parallèle, en cherchant à rappeler sans cesse l’héritage des grands, de Molière aux Frères Lumière, en passant par Godard. Godard, qui au passage s’en fout royalement. Encore une fois, il a bien raison.

Les têtes pensantes de ce genre d’événements aiment bien rappeler au monde un prestige passé, c’est certain. Un raffinement qui ne fait que placer ces « élites » sur un piédestal où elles peuvent bien rester, complètement isolées du monde (en prétendant le contraire) et paradoxalement déconnectées d’une partie de leur propre héritage. Pourquoi par exemple les César ne récompensent-ils pas les meilleurs effets-spéciaux ? Georges Méliès était français après tout et si il y en a un qui peut être considéré comme le père fondateur des sfx, c’est bien lui. Et bien non, car en France, le cinéma à effets-spéciaux n’a pas le droit de cité aux César, ou alors très rarement. On préfère se branler la nouille devant du film d’auteur, du vrai de vrai. Celui qui parle de bourgeois blindés de thunes pris dans des considérations amoureuses à la ramasse. Du sous-Nouvelle Vague en somme. Pour trouver des hommages à Méliès, il faut traverser l’Atlantique et aller par exemple chez Martin Scorsese, avec son Hugo Cabret, vibrant hommage à un cinéma français snobé par le cinéma français contemporain… Non, sérieusement, mieux vaut en rire des César. Enfin, façon de parler, car ce n’est pas drôle. Mais alors pas du tout…

Les Oscar par contre, c’est une autre histoire. Quand Hollywood file des récompenses, il met le paquet niveau spectacle. Si les français semblent préoccupés à maintenir un standing illusoire, les yankees s’échinent à toujours en faire des tonnes. Un truc pour lequel ils sont doués, en assimilant pleinement -et par exemple- l’héritage de Broadway, avec des numéros musicaux et dansants absolument fantastiques. Si les Golden Globes restent la remise de prix la plus détendue, les Oscar proposent néanmoins année après année, un authentique show XXL. Cette année, Neil Patrick Harris, s’est déchaîné. Le mec sait tout faire. Il danse, chante, et joue la comédie. Rejoint par Anna Kendrick et Jack Black, il a ouvert la cérémonie lors d’un numéro incroyable, à grand renfort d’effets-spéciaux remarquables. De quoi donner le ton d’une soirée, aussi très longue, mais beaucoup plus stimulante que son équivalent français. Et encore une fois : peu importe les nommés et les gagnants. Les Oscar ne misent pas tout sur les prix. Ils misent tout sur le show. Ils fédèrent. Les audiences le prouvent, tandis qu’elles ne cessent de chuter en France.
Sans vouloir tomber dans un discours pro-américain basique, difficile de ne pas remarquer que les Oscar ne cessent de surprendre, alors que les César se montrent tragiquement prévisibles. Sean Penn, présent lors des deux cérémonies, ne devrait pas dire le contraire. Même les commentateurs semblent aussi plus stimulés par les Oscar. Ils ne le disent pas clairement bien sûr, mais c’est probant. Le cinoche U.S. ne fait peut-être pas aussi rêver qu’avant, mais les Oscar ont su entretenir la flamme d’un prestige bien réel. Tout n’est peut-être qu’illusion mais merde, au moins on s’amuse !

Les Oscar justement ont à juste titre (quand on aime le cinéma) fait couler beaucoup d’encre, sur les réseaux sociaux ou ailleurs. On a parlé d’American Sniper, le dernier et excellent Eastwood et affirmé que la polémique qui entoure le film depuis sa sortie (et son triomphe au box office) l’a privé d’importantes victoires. Une polémique complètement moisie, qui a vu le long-métrage se faire taxer de « propagande guerrière pro-américaine » et de « anti-arabe », sous prétexte que Clint y raconte l’histoire d’un sniper connu pour avoir causé un grand nombre de victimes sur le champ de bataille après le 11 septembre. Tout ça parce qu’Eastwood a incarné L’Inspecteur Harry dans sa jeunesse et qu’il semble inconcevable pour une certaine catégorie de critiques, qu’un républicain convaincu puisse être contre la guerre au Moyen-Orient. Un cinéaste qui a jugé bon (et il a bien fait selon moi) de livrer son pamphlet anti-militariste via un biopic que beaucoup ont jugé à l’aune de son personnage principal, quand bien même ils n’en ont pas saisi les paradoxes et les nuances. Non American Sniper n’est pas une missive pacifiste bas du front et bien premier degré. Il s’agit d’une œuvre forte, car elle intègre les circonstances et le contexte de son histoire, tout en dessinant une réflexion pertinente sur -par exemple- l’engagement militaire des USA, et sur le symbole que représente son protagoniste central, en soulignant parfaitement les dégâts que la guerre occasionne sur sa psyché et sur sa famille et ses proches. American Sniper a parfois été mal compris, ce n’est pas très grave après tout, même si il est regrettable que l’effort de Clint Eastwood soit jugé ici ou là pour de mauvaises raisons. Chacun voit midi à sa porte après tout et le fait que ce soit un bébé en plastique qui ait plus retenu l’attention, est finalement assez symptomatique de la propension du net à mettre l’accent sur des détails insignifiants.

Autre polémique inhérente à cette 87ème cérémonie des Oscar : le « mot » de Sean Penn a l’encontre du réalisateur mexicain Alejandro Gonzalez Inarritu. Chargé de remettre l’Oscar du Meilleur Film, Sean Penn a lancé, au moment de l’ouverture de l’enveloppe, une phrase que beaucoup ont très mal perçue. Grand ami du réalisateur, notamment depuis que celui-ci l’a fait tourner dans 21 Grammes en 2003, Penn a dit « Mais qui a filé une Carte Verte à ce fils de pute ? », en faisant référence à la nationalité de son pote. Là bien sûr, le mot « racisme » a commencé à se multiplier un peu partout sur la toile, ignorant le contexte de ce qui reste une vanne, de bon ou de mauvais goût, là n’est pas l’important. Inarritu s’est même senti obligé de prendre la défense de l’acteur lors de la conférence de presse après la cérémonie, mais rien n’a semblé y faire. Même Travolta, dont les gestes déplacés envers Scarlett Johansson et l’attitude globalement bordeline (sans parler de ses cheveux pour le moins étranges et flippants) n’ont pas suffi à enterrer la vanne de Penn. Mais sinon, il est où le soucis ? Ok, les Oscars sont regardés par des millions de téléspectateurs à travers le monde, mais franchement, faut-il se focaliser sur ce genre de choses ? Montrer du doigt le racisme est une chose nécessaire, mais se tromper de coupable et crier au loup à tout bout de champs est carrément une grossière erreur. Pas besoin de rappeler tout ce qu’a pu faire Sean Penn sur un plan humanitaire. N’importe qui aurait pu lâcher une blague comme celle-là. On dit tous des conneries. Lui a fait la sienne en public, sans penser à mal, c’est évident. Au fond, c’est même rassurant ! Sean Penn, ce rebelle. Ce grain de sable qui a longtemps chatouillé l’usine à rêve hollywoodienne, n’a pas perdu sa grande gueule. Pas de quoi appeler à la révolte et prendre l’avion pour aller lui botter le cul à coup de Déclaration des Droits de l’homme…


Mieux vaut se focaliser sur ces bons moments que nous a réservé la cérémonie des Oscars. Sur le puissant discours féministe de Patricia Arquette, sur celui, très émouvant du rappeur Common, et sur le show ! Un grand spectacle à l’américaine donc !

@ Gilles Rolland

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