L’abri : avant-première parisienne façon entraides-citoyennes

Publié le 21 février 2015 par Asse @ass69014555

En janvier dernier, des bénévoles d'Entraides-Citoyennes ont visionné ensemble L'Abri, dernier opus d'une trilogie cinématographique de Fernand Melgar - La Forteresse, Vol spécial, à revoir en ligne - qui contribue à élargir le débat sur l'asile en Suisse et dans le Monde par le prisme de l'accueil dans un centre d'hébergement de Lausanne, un bunker, nommé l'Abri.

Nous avons été très touchés par ce film qui montre le désarroi des migrants confrontés aux difficultés administratives qui leurs sont réservées dans leur difficile quête de survie, d'intégration. La caméra s'est faite aussi discrète qu'objective pour peindre leur quotidien tissé d'une succession d'espoirs, d'incertitudes et de désillusions sur une trame d'attentes interminables.

Et puis montre aussi un autre désarroi : celui des veilleurs en charge de l'Abri. " On constate la difficulté du " tri " dont ils ont la charge ", raconte Lisa. " Se heurtant aux violentes bousculades et aux reproches, ils ont pour consigne de ne pas surcharger la structure pour des raisons de sécurité. " Une sécurité qui n'existe pas au dehors, mais dont personne n'aura la responsabilité directe... " En décrivant le fonctionnement profond de l'Abri, on sent l'envie du réalisateur de montrer les difficultés qui ne sont pas à sens unique. Face à la détresse des personnes accueillies, il y a celle des salariés de l'abri. C'est un sentiment d'impuissance générale qui se dégage au travers des portraits tant des sans-abris que des travailleurs sociaux... "

Après la projection privée, le silence s'est installé un long moment entre les bénévoles. Aucun commentaire de la part du réalisateur n'a troublé la réaction du spectateur face aux images montrant que le système suisse, très semblable au système français, ne fonctionne au final qu'en termes de quotas et de réponses administratives propres à bousiller tous les espoirs. La prise en charge globale n'existe pas. Les migrants obligés de se raconter à toutes les étapes de leurs parcours sont vite résumés à des dossiers. L'humanité se noie dans le tout administratif...

Toujours dans l'action, c'est avec enthousiasme que nous avons décidé de relayer le témoignage de Fernand Melgar en lui proposant d'organiser une avant-première française sauce Entraides-Citoyennes.

Samedi 28 février 2015

20h30

  • En l'Eglise Saint-Eustache, où l'association " La soupe Saint-Eustache " propose en période hivernale, deux fois par jours, plus de deux cent repas aux sans-abris, sans condition.
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  • En présence de personnes sans-abri et de tout ceux qui se sentent concernés par leur situation : bénévoles et professionnels oeuvrant en soutien à la grande précarité, de particuliers concernés, de journalistes...
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  • Autour d'un buffet convivial : pour échanger et poser la " valise des émotions " tous ensemble après la projection du film.
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  • En proposant à chacun de nous faire un don : un moyen d'apporter une aide concrète afin de soutenir nos actions auprès des sans-abris, sdf et exclus. 1 € = 1 repas. 10 € = 1 sac de couchage.

L'abri vu par des bénévoles

Monique V - Bénévole

" L'Abri montre des migrants dans leur recherche quotidienne d'un lieu où passer la nuit, en l'occurrence " le Bunker ". A l'intérieur, repas, douche, attention sont assurés le temps d'une nuit, moyennant néanmoins 5 ChF (4,68 €). Les travailleurs de la structure font leur possible pour accueillir plus de gens que la municipalité ou les normes de sécurité ne le voudraient. Mais quand la porte se ferme sur un " non ", ils n'ont évidemment pas d'autre solution que de dénicher un endroit discret où la police ne les trouvera pas... pour leur mettre une amende !

Ainsi le contraste entre les maisons suisses, tranquilles, bien alignées, chauffées, d'où s'échappe la rassurante fumée lors des grands froids et le " bunker " ; entre les promeneurs suisses bien couverts prêts à s'amuser dans la neige et les migrants frigorifiés pour qui la neige est porteuse de l'effroi d'une nuit hors abri. Entre l'opulence tranquille de la ville de Lausanne et de ses citoyens et la précarité absolue dans laquelle sont maintenus ces migrants, avec ses tracasseries, ses impasses, la quadrature du cercle papier-travail-logement. Chaque fois que la porte se ferme sur un refus, l'inhumanité de la situation saute aux yeux. Et accrédite le fait qu'il n'y aura jamais assez de places -comme le dit le patron du bunker.
Jamais assez en tout cas tant que l'organisation sociale et en premier lieu les instances mondiales défendant les intérêts des pays " riches " créeront de plus en plus de pauvres de par le monde - et de rêves clinquants. "

Elisabeth E. Bénévole

" Intérieur/ extérieur. Pas de graduation entre ces deux mondes du dedans et du dehors. Entre les deux, des portes et des barrières, pas de fenêtres. Les seules fenêtres que l'on verra dans le film sont celles, lointaines et miroitantes, du paysage urbain de Lausanne enneigée, qui laissent deviner une vie intime. Moment d'échappée nécessaire où la caméra s'aventure vers des lignes d'horizons plus élevées.

Dans le dedans de l'abri, que ses heureux élus nomment le " bunker ", on reste à terre et aucune intimité n'est possible. Quand on a la chance d'y être admis, après avoir fait la queue et payé son dû, c'est pour passer une courte nuit dans une pièce où s'entassent, sur des lits superposés, une vingtaine de personnes. Le matin, à peine le petit déjeuner avalé il faut repartir dans le froid, sans assurance de pouvoir retrouver une place le soir. Dehors, la nuit, c'est la recherche d'un autre dedans. Celui d'une gare ; celui d'une voiture, comme pour cette famille roumaine qui s'y réfugie après s'être vue refuser une place ; celui fait de tôle ondulée et de cartons où un jeune africain, couché à même le sol, parle au téléphone avec sa mère en lui faisant croire qu'il a un travail. Il y a aussi ces dedans du jour, celui d'une bibliothèque où quelques sans-abris s'échangent des conseils ; celui d'une salle de jeux vidéo où deux sœurs roumaines se réfugient pendant que leurs parents mendient dans la rue ; celui d'un centre social où l'on fabrique la carte d'accès à l'abri et où l'on souhaite " bonne chance " en guise d'au revoir. Les barrières ici ne sont pas que physiques. Des mots qui se vident de sens, des mots qui séparent plus que ne donnent de l'espoir. Ici on parle français et qu'importe si la plupart n'en comprennent pas un mot.

C'est bientôt la fin de l'hiver. L'abri va enfin pouvoir fermer ses portes jusqu'à l'année prochaine. "

Qui est Fernand Melgar ?

Né en 1961 dans une famille de syndicalistes espagnols exilés à Tanger au Maroc. Il accom­pagne clandestinement ses parents qui émigrent en Suisse en 1963 comme saisonniers. Il interrompt ses études de com­merce au début des années 80 pour fonder avec des amis le haut lieu de la culture under­ground de Suisse romande, Le Cabaret Orwell puis la scène rock internationalement répu­tée, La Dolce Vita. Après y avoir programmé de la vidéo de création, il devient, en autodi­dacte, réalisateur et producteur indépendant. À partir de 1983, il bricole des films expérimentaux et des reportages iconoclastes pour la télévision. En 1985, il rejoint l'association Climage qu'il n'a plus quittée depuis et y réalise ses documentaires, films de référence sur les questions d'immigration et d'identité. Il a été le monteur de plusieurs films de Jacqueline Veuve, dont Le Journal de Rivesaltes, Prix du Cinéma Suisse en 1998. Son documentaire Exit - le droit de mourir a reçu plusieurs distinctions internationales dont le prestigieux Golden Link UER Award de la meilleure coproduction européenne et le Prix du Cinéma Suisse 2006. En 2008, son documentaire La forteresse obtient le Léopard d'or au Festival International du Film de Locarno. Son film Vol spécial, tourné en 2011 dans un centre de détention administrative, a gagné de nombreux prix dans le monde entier, dont le Prix du cinéma suisse 2012 du meilleur documentaire. Dans Le monde est comme ça (2013), Fernand Melgar raconte la destinée de certains protagonistes du film Vol spécial après leur expulsion de Suisse. Son der­nier documentaire L'abri est tourné dans un hébergement d'urgence pour sans-abris à Lausanne.

L'ABRI
Un film de Fernand Melgar
Suisse, 2014, 1h41, Tous publics

Festival de Locarno 2014, Festival du Film d'Amiens 2014 (Prix de la Mise en Scène)

Un hiver au coeur d'un hébergement d'urgence pour sans-abris à Lausanne. A la porte de ce souterrain méconnu se déroule chaque soir le même rituel d'entrée qui donne lieu à des bousculades parfois violentes. Le personnel a la lourde tâche de " trier les pauvres " : femmes et enfants d'abord, hommes ensuite -de tous horizons, et de plus en plus d'Europe... Alors que la capacité totale de l'abri est de 100 places, seuls 50 " élus " seront admis à l'intérieur et auront droit à un repas chaud et à un lit. Les autres savent que la nuit va être longue.

En France, on dénombre en 2013 au moins 141 500 sans-abri, dont 30.000 enfants début 2012, tandis que deux sans-domicile-fixe sur cinq sont des femmes. Un quart des sans-domicile ont un emploi.
La Fédération Nationale des associations d'Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS) et le SAMU Social de Paris, qui gère notamment le 115, numéro d'appel d'urgence, révèlent qu'au mois de novembre 2014, sur les 17 200 personnes qui ont sollicité le 115 pour un hébergement sur les 37 départements étudiés par la FNARS, 9 000 n'ont obtenu aucune prise en charge. Ils n'étaient que 4 300 dans cette situation en novembre 2013 sur les mêmes territoires, soit un doublement en un an du nombre de personnes ayant appelé le 115 sans obtenir de solution.
L'Union Européenne compte, elle, 4,1 millions de sans-abri quand plus de 11 millions de logements sont vacants, selon une enquête du Guardian.

A partir de l'exemple helvétique, L'ABRI révèle un mal-être universel qui touche toute l'Europe, tant au niveau de la capacité d'hébergement des sans-abri que, plus largement, du mal-logement.

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