409ème semaine politique: le jour où la classe politique a été licenciée

Publié le 07 mars 2015 par Juan

 Ce sera donc gauche contre gauche
Après la tentative avortée de porter le fer contre la loi Macron adoptée la semaine précédente, quelques articles tentaient de décrire les manoeuvres sincères d'un Benoit Hamon prochainement chauve mais pas dénué d'idées. Cet ancien ministre s'était réveillé quand Manuel Valls est devenu un premier ministre plus autoritaire. La naïveté de ses confessions à Mediapart est presque touchante.
On compte sur sa fronde.
On l'espère sincère et durable.
"Nous avons fait l'erreur de croire que Manuel Valls modifierait le cap". Benoit Hamon.
Ailleurs à gauche, une gauche reste pure, c'est-à-dire seule. Même les écologistes ont politiquement disparu.
La gauche se déchire, ou se désole, puisque sa frange droite croit utile d'aller courir à droite et sa frange gauche de se réfugier dans un absolutisme atemporel. Tout récemment, trop récemment, le Front de gauche tente de rééquilibrer ses attaques contre le FN et non plus seulement contre le PS dominant.
A droite, c'est à peine pire. Alain Juppé caracole dans les sondages comme un Jacques Delors de droite trop rapidement proclamé vainqueur avant le combat. Juppé durcit un peu son discours. A-t-il compris le danger de se couper de ce gros tiers de l'électorat UMPiste qui ne rêve que d'une alliance en bonne et due forme avec le parti brun de la blonde Marine ?
Un jeune porte-parole sarkozyste , Gérard Darmanin, se distingue dans l'ignoble avec une nouvelle attaque contre Christiane Taubira qu'il assimile à un "tract permanent pour le Front national". On attend avec gourmandise qu'il précise sa pensée.
Nicolas Sarkozy s'est giscardisé, mais personne de son entourage n'ose lui dire de face. Dans les colonnes du Figaro, il en appelle à une "révolution des esprits". Elle a eu lieu, les esprits politiques ne sont plus obnubilés par Sarkozy. Il reste la Justice. Vendredi, l'ancien vizir Claude Guéant est mis en examen dans l'enquête sur le financement de la campagne présidentielle de 2007. Notez le coup de tonnerre politique que cette simple nouvelle aurait du être si Sarkozy intéressait encore les foules ? Un ancien secrétaire général de l'Elysée, et ancien ministre de l'intérieur, mis en examen dans une enquête pour financement illégal ?!
Dans un nouveau (et excellent) magazine baptisé SoCiety, François Fillon explique combien il ne croit pas que le FN puisse gagner en 2017: "tous les sondages disent à peu près la même chose:  70% Français rejettent l'idéeque le FN puisse diriger le pays."
François Hollande en appelle à "arracher" les électeurs du Front national. Encore une incantation.
Qui se souvient du jour où tout a basculé ? Etait-ce quelque part entre 2012 et 2013, quand François Hollande s'éloigna d'une large fraction de ses supporteurs du scrutin de 2012 ? Ou était-ce plus tôt encore, quand Sarkozy avait chipé et validé un à un les plus effroyables éléments de langage de l'extrême droite française ?
Qui se souvient du jour où tout a basculé ?
Cette semaine, Manuel Valls aurait pu jouer "social". Il avait des choses à dire contre la pauvreté.
Il veut davantage de logements sociaux à Neuilly-sur-Seine. Il dévoile sa "feuille de route 2015-2017 du plan pluriannuel contre la pauvreté et l’inclusion sociale". La première mesure "phare" est une nouvelle aide, la "prime d'activité", qui est en fait la fusion de deux dispositifs existants, le RSA activité et de la prime pour l'emploi, et hérite des 4 milliards d'euros annuel des deux dispositifs qu'elle remplace. On est ébloui. Il y avait sans doute à faire pour simplifier. Mais faire croire que la pauvreté reculera sans moyens financiers supplémentaires ni même des objectifs chiffrés... En décembre 2012, Jean-Marc Ayrault avait annoncé le déblocage de 2,5 milliards d'euros pour ces exacts mêmes objectifs. En 2015, Manuel Valls évoque "plus de 2 milliards" sur la durée du quinquennat. Un surplace inquiétant alors qu'aucune amélioration n'est notable. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) vient de rappeler quelques évidences: les minimas sociaux sont loin, très loin de permettre une vie décente. Autre rappel, alors que le chômage dépasse les 10% de la population active, les trois quart des chômeurs touchent moins que le SMIC; un tiers n'ont aucune indemnité; une moitié moins de 500 euros par mois.
La seconde mesure "phare" est cette interdiction nouvelle de loger toute personne pauvre et sans logement dans l'un des 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Valls livre aussi quelques éléments de bilan des deux premières années du plan pauvreté, comme ces 187.000 jeunes placés dans des "emplois d'avenir", ou les quelques revalorisations d'aides sociales. Mais il choisit, encore une fois, des mots qui font couiner à gauche - "peuplement", "apartheid territorial". La micro-polémique est anecdotique. Mais le premier des ministres s'épargne tout objectif chiffré en matière de construction de HLMs. Tout juste espère-t-il faire porter à 30% la part des logements sociaux dans un prochain texte.
"La France fait face à un profond malaise social et démocratique" Manuel Valls.
La véritable question, l'exclusion économique et sociale d'une France périphérique, piégée dans la décroissance et chômage, une France périphérique éloignée ou pas des grandes métropoles, décrite mais ignorée, et dont la carte géographique est l'exacte réplique de celle du vote frontiste.
Les prochaines élections sont comme un préavis de licenciement
C'est la chronique d'une élection gagnée par l'abstention, le grand licenciement collectif d'une classe politique qui n'intéresse plus. Le scrutin départemental de la fin mars s'annonce désastreux. On connaît la chanson: les éditorialistes fustigent le désintérêt des foules. L'extrême droite rédige déjà ses discours de victoire. Les gauches s'entrechoquent dans leurs rancoeurs réciproques. Même le barrage de Sivens est encore l'occasion de s'écharper.
La première conclusion d'une abstention massive aux élections départementales des 22 et 29 mars devrait être simple: il faut supprimer les départements, cet échelon administratif dont on nous vante la proximité au quotidien et tout le monde se fiche. François Hollande, l'an dernier avait reculé sur le sujet. Ce serait également rendre la monnaie de leur pièce à ces abstentionnistes majoritaires. D'aucuns couineront à la disparition de compétences essentielles, alors qu'il ne s'agira que de simplifier, de nettoyer, et de transférer.
Qu'on se concentre sur l'essentiel, qu'il soit local ou national.
La seconde conclusion de ce scrutin sera politique. La victoire par défaut du Front national sera incontestable. Le FN aligne près de 8.000 candidats dans 2.000 cantons. Combien de centaines d'élus, voire de cantons qui basculeront ? Nos sondeurs disent que ce parti a un électorat composé d'employés et d'inactifs. Que ses sympathisants sont les plus certains de leur choix de vote, et même les plus convaincus d'aller voter. Ils se fichent que le président d'honneur de ce parti qui accueille leurs suffrages motivés déshonore semaine après semaine la République et la France. Ils se fichent aussi qu'on débusque chaque jour quelques purs fachos parmi les candidats frontistes. Cette semaine, Jean-Marie Le Pen expliquait que le meilleur Apprenti de France, un jeune albanais, avait été choisi puisqu'il était clandestin. La vieillesse est une mise en abîme quand le terreau est fertile.
Huit jours auparavant, Marine Le Pen avait envoyé un message video de soutien à un rassemblement des populistes de la Ligue du Nord italienne, des néeo-nazis grecs d'Aube Dorée et des xénophobes allemands de Pegida. Elle en appelait à la lutte contre "l'union soviétique européenne", "l'immigration massive", et les "vents mauvais de la mondialisation sauvage."
La troisième conclusion d'un scrutin "défait" puisque boudé est encore politique: nos élus et élus potentiels ne sont plus compétitifs. Leurs mots ne portent plus, ils ne produisent plus ni adhésion ni réflexion. Les citoyens se désintéressent de la politique, ils accusent leurs représentants et refusent même de les choisir. La politique au quotidien est pourtant agile et active. On ne compte plus les travaux de fourmi et l'énergie dépensée de nos élus, surtout de terrain.
La France est accusée par le Conseil de l'Europe d'avoir une législation trop conciliante avec la pratique de la fessée.
Il y a pourtant des baffes qui se perdent.
Mais chez les adultes.