The Casual Vacancy (2015): conte politique

Publié le 08 mars 2015 par Jfcd @enseriestv

The Casual Vacancy est une mini-série de trois épisodes coproduite par BBC One (diffusée à partir du 15 février en Angleterre) et HBO (dès le 29 avril aux États-Unis). L’action prend place dans le petit village de Pagford alors que le conseil de ville est divisé à propos de la maison Sweetlove, un ancien manoir et désormais refuge pour les jeunes et adultes en difficulté. Certains des élus les plus fortunés souhaitent la convertir en un luxueux spa pour touristes alors que les autres insistent pour qu’elle conserve sa vocation. C’est justement un de ceux-là, Barry (Rory Kinnear) qui plaide avec le plus de passion en ce sens, lui qui s’avère être le véritable samaritain du village. Mais un jour, frappé par une hémorragie cérébrale, il décède et laisse donc une place vacante au conseil. Dès lors, les deux camps se mettent en mode électoral et un affrontement assez coriace s’amorce. Adaptation du roman éponyme de J.K. Rowling (l’auteure à succès des Harry Potter), The Casual Vacancy pourrait presque être qualifiée de fable, à la fois touchante et légère, mais avec un sous-texte intéressant qui verse à la fois dans le mystique et la politique.

Le Jour du Jugement dernier…

Lorsqu’il décède, c’est toute une communauté que Barry laisse dans le deuil et outre son épouse Mary (Emily Bevan), notons son neveu Andrew (Joe Hurst) qui avec son jeune frère subissent en permanence les pires vexations de la part de leur père Simon (Richard Glover). Il y a aussi Terri Weedon (Keelay Forsyth), une mère célibataire qui aussitôt sortie d’une cure de désintoxication, rechute. C’est sa fille Krystal (Abigail Lawrie) qui doit prendre soin de la maisonnée, incluant son jeune frère qui aurait été depuis longtemps placé en famille d’accueil, n’eût été la bienveillance de leur travailleuse sociale Kaye (Michele Austin) et du fait que l’organisme n’ait pas assez d’argent pour le prendre en charge. Elle siège aussi au conseil municipal et était l’une de ses plus fidèles alliées avec la docteure d’origine indienne Parminder (Lolita Chakrabarti) et la psychologue du lycée local Tess (Monica Dolan). Cette dernière convainc son mari Colin (Simon McBurney) de se présenter aux élections, mais c’est un être faible et indécis. L’autre camp est dirigé par Lord Howard Mollison (Michael Gambon) et son épouse Shirley (Julia McKenzie), un couple d’aristocrates qui imposent la candidature de leur fils Miles (Rufus Jones) qui tout comme Colin n’est qu’un pion dans ce petit jeu politique.

Dès le départ, le synopsis de The Casual Vacancy prend la forme d’un récit élégiaque qui dans sa nature même, puisant ses origines jusqu’à la Grèce Antique, est un mélange de beauté et de fatalité. Cette beauté, c’est d’abord la petite ville de Pagford, isolée en montagne et toujours ensoleillée, puis le personnage de Barry qui incarne la bienveillance. Mais le destin ne lui permet pas de poursuivre ses œuvres bienfaisantes et peu après son décès, Andrew, sous le couvert de l’anonymat, crée un site web à son nom dans lequel il dévoile les secrets les plus intimes de tous les habitants. Si au départ, peu s’émouvaient de sa mort, son « fantôme » vient définitivement les hanter et à la fin de la série, ils paient tous pour leurs péchés. Ces personnages sont sûrement à l’image de ces moutons sans maîtres qui errent dans la ville et que l’on aperçoit plusieurs fois au cours des épisodes (les « brebis égarées »). Et ce n’est sûrement pas un hasard si tous les adolescents de la série, à la veille d’entrer dans l’âge adulte, souffrent pour différentes raisons en même temps qu’ils perdent leur innocence. C’est que leurs aînés sont loin d’être des modèles et le téléspectateur ressent facilement qu’ils ne peuvent échapper à cette fatalité… et certains en payent le prix fort.

Critique politique qui fait des vagues

Pour un conseil représentant une ville aussi petite, ses membres se déchaînent lors de la campagne électorale qui en apparence n’a qu’un seul but : obtenir une majorité qui scellera le destin de Sweetlove House. Mais l’avenir d’un simple établissement dans The Casual Vacancy est aussi représentatif de deux idéologies qui s’affrontent à l’image du conservatisme et du socialisme. Les Mollison préconisent ce premier groupe avec le « pas dans ma cour »; selon eux, les pauvres et les assistés sociaux sont des indésirables responsables de leurs propres malheurs. Ils préfèrent les relocaliser à un centre éloigné de leur voisinage où ils ne dérangeront pas leur apparente quiétude. En même temps, la reconversion du centre actuel attira une classe aisée et par ricochet, tous les profits resteront dans les mêmes mains, soit, les plus fortunées. Dans le parti adverse composé des plus pauvres et des minorités, on prône bien entendu le statu quo, bien que cela s’avère loin d’être suffisant.

Le livre, tout comme la série prend ouvertement le parti des plus faibles et c’est à un combat à armes inégales auquel on assiste. Les Weedon sont davantage des victimes face aux Mollison qui représentent une force politique bien rodée. Une des meilleures scènes de la série est lorsque Samantha (Keeley Hawes), l’épouse de Miles organise un souper où tout ce beau monde est invité. Les arguments de part et d’autre fusent, tel un vrai débat politique. Et bien qu’il ne s’agisse que d’une fiction, elle a tôt fait de rejoindre la réalité puisque des députés conservateurs ont accusé la BBC de prendre le parti de la gauche, eux qui sont à l’origine de récentes coupes du gouvernement dans les programmes sociaux; tout cela à quelques semaines seulement du déclenchement des élections…

Le premier épisode de The Casual Vacancy a attiré 8,26 millions de téléspectateurs, 5,95 pour le second et 4,96 pour le troisième. Cette diminution de presque la moitié est déplorable, d’autant plus que la finale est vraiment touchante, tout en étant empreinte d’ironie. Quant à ce mini scandale touchant la BBC, la chaîne publique nie tout désir de propagande politique, affirmant que ce qui l’avait séduit dans cette adaptation, c’était les valeurs universelles que véhiculait le livre, telles la famille et la responsabilité sociale. Chacun peut en tirer sa propre adaptation dépendamment de ses valeurs… à l’image même de la série.