Provocation

Par Jmlire

" Qu'est-ce que provoquer ? C'est avoir le courage d'affronter des idées reçues. De s'opposer à la pensée majoritaire. Dire quelque chose qui va contre le consensus. La provocation peut être de mauvais goût, absurde, engendrer critiques et réactions, mais elle est nécessaire. Provoquer, au sens artistique du terme ( je ne parle pas de la provocation à la violence), nous oblige )à ouvrir les yeux, à casser le monde dans lequel on vit pour se mettre à réfléchir. La provocation, quand elle vient de l'artiste, suscite la réflexion : on est d'accord ou on n'est pas d'accord et, en disant cela, on pense par soi-même au lieu de rabâcher des idées reçues. Prenez Picasso : c'était de la provocation, à l'époque. Giacometti, idem. Quand ils représentent un monde de façon aberrante pour les yeux de leurs contemporains, ceux-ci peuvent crier tant qu'ils le veulent ou bien ils peuvent se mettre à réfléchir, à élargir leur vision du monde, à voir dans les œuvres provocatrices de nouvelles hypothèses et de nouveaux paysages. La provocation est donc très précieuse. Elle est absolument nécessaire en démocratie...

Il ne suffit pas d'épater le bourgeois pour être provocateur. Mais dès qu'un artiste, un intellectuel, parfois un politique, introduit un élément qui casse les lignes, alors il y a provocation au sens noble du terme. Le provocateur n'est pas celui qui veut se faire mousser mais celui qui parvient à nous faire changer d'avis sur nos certitudes, nos sensations, nôtre vie... "

Élisabeth Badinter : extrait d'entretien dans le magazine Lire, mars 2015