"Opération Restore hope" – un essai qui se cache

Publié le 12 mars 2015 par Joss Doszen

"Mon cher ami, l’ONU n’a qu’un seul mérite, celui de bien rémunérer son personnel. A chaque crise, ses diplomates perçoivent des perdiems exorbitants pour palabrer dans des salons feutrés. L’ONU est une grosse arnaque.

"Opération restore hope" - Fanck Cana

J’ai beaucoup hésité à écrire un mot sur cette lecture. Énormément réfléchi sur l’angle sous lequel parler de cette production de l’auteur Franc CANA. Pourquoi ? Parce que, je suppose, je me suis senti floué en tant que lecteur. Je m’explique.

Dès l’entame du livre, j’ai levé un sourcil de scepticisme, mais bon, j’ai décidé d’avancer tout de même cet "Opération Restore Hope". Non pas que la lecture me fut soit pénible, non, là au contraire, je me suis surpris à avancer assez vite, de façon aisée et fluide. Même si le vocabulaire utilisé par Franck CANA, le discours du récit, aurait gagné à être moins empesé, moins "politicards des années 80", plus "naturel". Mais bon, ça c’est un ressenti personnel, et mes préférences de lecteurs. Je préfère des écritures plus directes et moins jargonnant.
Cependant, je me suis très vite rendue compte que ce livre est particulier. Il est très vite apparu comme un mélange perturbant de fiction, de faits historiques plus ou moins réels, de diatribes d’évangélistes bien-pensants façon ersatz de Coello, mais, et surtout, ce "roman" est d’abord et avant tout un essai d’opinion. D’où mon sentiment de m’être senti arnaqué par une couverture qui affichait "roman".

Dans ce livre-récit, l’on suit celui qui semble être une sorte de conseiller religieux du roi d’un royaume, imaginaire mais sans doute occidental. Ce royaume est une espèce d’archétype de l’Europe, et des US, façon France-Afrique, exploitant des pays du Sud opprimé à la population pauvre. La particularité de cet ouvrage c’est donc ce mélange entre les assertions religieuses du personnage - qui frise le préchi-précha utopiste -, les parallèles avec la position du contient par rapport à la France, et les rappels historiques sur les combats africains. Tout y passe : des guerres de libération camerounaises (avec un retour historique sympa sur l’image du résistant Moumié), aux diatribes anti-capitalistes (salaud de FMI, de CEDEAO, de BAD, d’ONU, etc.), la guerre en Irak, ce vendu d’Obama, les explosions dans les banlieues, la discrimination à l’emploi, les sans-papiers, la liberté de la presse… sans oublier les incontournable "Khadafi ce grand homme" ou les Franc-maçons, manipulateurs de l’ombre.

Vous l’avez compris, dans ce livre, l’auteur se lâche et envoi, par torrents, des salves de dénonciations de tout ce qui va mal, de tout ce qui fait ou a fait l’actualité, dans un large mouvement "Nord contre Sud", en se mêlant parfois les pinceaux entre la notion de "Sud" comme "masses de prolétaires exploitées", sans distinction de couleur, et, le plus souvent, faisant le raccourci "Sud = noir".

Mon désappointement ne vient pas du fait que l’auteur profite de ce "roman" pour donner ce qui semble être sa vision du monde, non, après tout, tous les auteurs font ça. Toute littérature est une tentative de montrer le monde via sa fenêtre. Par contre, ce qui est important c’est que le roman ne doit pas se faire phagocyter par l’essai d’opinion, et dans cet "Opération Restore Hope", c’est totalement le cas. Si au début de la lecture on peut être intrigué par ce "royaume" et cette espèce de prêtre donneur de leçon, trop vite on se rend compte que ce ne sont que des prétextes, même pas camouflés. Au-delà de la moitié du livre, on est franchement dans l’essai d’opinion avec un auteur qui retranscrit ses discussions avec des hommes et femmes engagés dans ses idées comme Lascony (presque 5 pages sur sa vision de L’ONU), le professeur Pougala (et ses théories antipolitiques monétaires africaines), Marie-Lousie Abia (retranscription d’une tribune), René Mavoungou Pambou (extrait d’un livre sur la franc-maçonnerie)… et je ne parle pas des extraits de colloques, de prises de paroles de personnages plus ou moins connus qui sont retranscrits dans une seconde partie du livre qui a cessé, depuis belle lurette, d’être un roman.

Alors, la question est "qu’est-ce que cela peut faire que ce soit un roman ou non ?!" Ben ça change tout. Un roman, je le crois, est d’abord un objet d’art, il se juge (un peu) par l’objectivité, mais (surtout) la subjectivité est permise et même à encourager. On se focalise alors sur le style, sur l’émotion provoquée et, seulement ensuite, sur l’intérêt des propos, en étant d’accord ou non avec eux. Et si je devais juger ainsi ce livre, je dirai, sans l’ombre d’une hésitation, "lecteur, passe ton chemin".
Dans le cas d’un essai, ce qu’est ce livre, à mon sens, les choses sont autres. Ce qui compte ce sont les propos, sa capacité à nous apprendre des choses, à argumenter, à nous passionner par ses prises de position et surtout, à nous pousser à la réflexion, à la discussion. Et, dans ce cas, cet "Opération restore hope", mérite d’être découvert, d’être lu comme toutes propositions intellectuelles se devraient d’être considérées.

Vous l’aurez compris, pour moi ce livre est un essai d’opinion qui s’est, très mal, camouflé en roman, et donc je ne saurai le juger d’un point de vue du propos. J’en aurai trop à dire, il me faudrait une tribune de, quasiment, 200 pages. L’équivalent donc de cet ouvrage. Il y a tant de points qui m’ont interrogé, interloqué, que je vous invite à découvrir par vous-même cet ouvrage de Franck CANA. Je me cache derrière le fait que j’agis dans cette rubrique en tant que chroniqueur littéraire, et pas journaliste d’opinion. Et je me dérobe :-D


Opération Restore Hope

Franck CANA

Editions La bruyère