Histoire d'une vie de Aharon Appelfeld / Bernard Levy / Théâtre 71 (Malakoff)

Publié le 13 mars 2015 par Mes Illusions Comiques @audreynatalizi

"Il n'y a rien à dire"

Photo : Pierre-Yves Mancini

Une vie passée à se reconstruire après une enfance brisée par la Shoah. Un comédien, seul en scène pour nous livrer les mots de Aharon Appelfeld, écrivain juif échappé d'un camp de concentration alors qu'il n'avait que 10 ans. Histoire d'une vie est à découvrir jusqu'au 19 mars 2015 au Théâtre 71 de Malakoff, dans une mise en scène de Bernard Levy.
C'est un récit bouleversant. Un de ceux qui vous forcent à étouffer des sanglots dans votre fauteuil. Parce que l'histoire est tragique, bien sûr, mais surtout parce que le récit s'attache à décrire autre chose que ce que l'on a souvent entendu sur la Shoah. Aharon Appelfeld ne nous raconte pas sa vie dans la camp : ce qu'il nous raconte c'est l'avant et l'après. Son enfance en Bucovine (l'actuelle Roumanie) et sa vie d'adulte en Israël. L'on comprend alors ce qu'il a perdu et comment il a du réapprendre à vivre.


Photo : Pierre-Yves Mancini

La cage de scène est rétrécie, créant une fausse perspective. Sur les murs, des mots apparaissent. Tantôt assis sur une chaise, seul accessoire du décor, tantôt debout faisant les cent pas, Yves Bosc porte cette parole, ces souffrances une heure durant.

Le souvenir que laissent la première pomme trouvée dans la forêt lors de la fuite, le premier ruisseau dans lequel l'on se désaltère ... Appelfeld s'attache à décrire la mémoire du corps. Les mots sont simples mais magnifiques. Il y a aussi cette longue marche dans la boue et le froid et les efforts d'un père pour sauver son enfant. Malgré sa grande carcasse, Yves Bosc est soudain ce petit garçon dont le père s'échine à réchauffer les pieds contre son ventre chaque soir.

Devenu orphelin, Appelfeld est envoyé en Israël dès 1946. Lui qui a déjà perdu ses parents perd alors sa langue. Ne plus parler allemand, yiddish ou ruthène, ses langues maternelles, mais hébreu. Un nouveau langage qu'il faut apprivoiser pour se reconstruire. L'amour des mots c'est finalement ce qui a sauvé Aharon Appelfeld. Un amour des mots si bien retranscrit dans cette pièce. Le texte est magnifique, redisons-le, l'interprétation sobre, avec juste ce qu'il faut d'émotion pour ne pas tomber dans le pathos. Une très très belle adaptation.
Histoire d'une vie de Aharon Appelfeld, traduction Valérie Zenatti, adaptation Jean-Luc Vincent et Bernard Levy, mise en scène Bernard Levy. Avec Thierry Bosc et les voix de Zohar Wexler, Emmanuelle Grangé, Bernard Weisbrot et Robert Hatisi. Au Théâtre 71 à Malakoff, mardi et vendredi à 20h30, mercredi, jeudi et samedi à 19h30 et dimanche à 16h, jusqu'au 19 mars 2015. Réservations au 01 55 48 91 00. Durée : 1h15