Des cellules souches pour réparer le cerveau

Publié le 14 mars 2015 par Blanchemanche
#cerveau #AVC
Les lésions cérébrales pourraient être soignées grâce à une autogreffe de cellules souches. Des essais sont attendus l’année prochaine à LausanneRéparer le cerveau. Même de nos jours, la perspective nous apparaît lointaine et nébuleuse. Comme si les dégâts occasionnés sur cet organe condamnaient le patient à garder des séquelles. Mais les récents progrès de la recherche laissent entrevoir la fin de cette fatalité. A l’occasion de la Semaine du cerveau, qui se tient partout en Suisse et dans le monde du 16 au 20 mars (lire encadré), des médecins participeront lundi à une table ronde à Lausanne afin de discuter de ces nouvelles pistes thérapeutiques. Parmi celles-ci, la médecine régénérative, qui repose sur l’utilisation de cellules souches, est porteuse d’immenses espoirs.En cas de lésion, que ce soit suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), un traumatisme crânien ou un trouble neurodégénératif tel que la maladie de Parkinson, les cellules du cerveau meurent. Les neuroscientifiques ont longtemps jugé le cerveau incapable de régénérer, à la différence d’organes tels que le foie ou les os. Il a fallu attendre 1992 et les travaux de Brent Reynolds et Samuel Weiss de l’Université de Calgary pour prouver l’existence de la neurogenèse chez l’adulte. Ce processus est le fait de cellules souches situées dans l’hippocampe et la zone sous-ventriculaire, deux régions profondes du cerveau. Ces cellules particulières sont dites pluripotentes, c’est-à-dire capables de se différencier en n’importe quel type de cellule nerveuse (neurones ou cellules de soutien telles que les astrocytes). En cas de lésion, ce sont elles qui assurent le remplacement des tissus endommagés. Le problème, c’est que cette réparation a ses limites. «Après un AVC par exemple, on observe une récupération fonctionnelle durant environ six mois, après quoi il n’y a pratiquement plus aucun progrès», explique Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Pour y remédier, la chirurgienne voudrait donner un coup de pouce au processus de neurogenèse en implantant d’autres cellules souches au niveau de la lésion. Mais comment les obtenir?L’idée lui est venue un peu par hasard. Il y a une quinzaine d’années, elle se demande si les morceaux de cortex (la surface du cerveau) qu’elle enlève lors des interventions chirurgicales ne pourraient pas servir à quelque chose. Son collègue, le neurobiologiste Jean-François Brunet, de l’Université de Lausanne, est intéressé: il compte cultiver des astrocytes humains afin d’étudier leur métabolisme. Un beau jour, surprise: il constate que l’une de ses boîtes de culture contient des cellules qui ne ressemblent pas à des astrocytes. Vérifications faites, il s’agissait de cellules progénitrices neurales, un type de cellule souche particulier.Intrigués, le biologiste et la chirurgienne se répartissent les tâches. Lui cherche à caractériser les cellules, à commencer par leur provenance. Il a ainsi prouvé qu’elles sont naturellement présentes dans le cerveau des humains et des singes, mais dans un état non progéniteur. Le milieu de culture dans lequel ont poussé les échantillons de cerveau semble les avoir «réveillées».Quant à Jocelyne Bloch, chirurgie oblige, elle a «opté pour une approche pragmatique» et réfléchi à une utilité pour ses patients. Elle a l’idée de réimplanter les cellules progénitrices obtenues dans des lésions cérébrales dans l’espoir de faciliter la neurogenèse, «une piste complètement nouvelle au milieu des années 2000», précise-t-elle. Evidemment, il n’est pas encore question de tenter l’expérience chez l’être humain, il faut d’abord passer par des modèles animaux. En collaboration avec l’Université de Fribourg, elle cultive donc des cellules progénitrices issues de singes ayant subi des lésions cérébrales. Puis elle les leur réinjecte, ce qu’on appelle une autogreffe, en espérant qu’elles colonisent et réparent la blessure. Et c’est ce qu’elle observe: les cellules réimplantées se transforment bien en neurones, et les singes font à nouveau des progrès en rééducation, alors qu’ils stagnaient depuis plusieurs mois. «Cette greffe apporte de nouveaux outils pour restimuler la réparation du cerveau», conclut Jean-François Brunet. Chez des singes atteints de la maladie de Parkinson, des progrès sont également notés.La piste est prometteuse. A quand l’essai chez l’humain? Mettre au point une nouvelle thérapie sans l’appui de l’industrie pharmaceutique n’est pas une mince affaire. Il a par exemple fallu créer un centre de production cellulaire au CHUV. Des démarches qui demandent beaucoup de temps à ce chercheur et à cette praticienne, qui poursuivent leurs activités en parallèle. Le dossier détaillant le déroulement des essais cliniques chez l’homme pourrait être déposé auprès de Swissmedic et Swissethics d’ici au mois de juin. En cas de validation, le temps de recruter les patients, les premières greffes pourraient avoir lieu «dans le courant de l’année prochaine», estime Jean-François Brunet.Fabien Goubet 14 mars 2015http://www.letemps.ch/Page/Uuid/63e30e04-c9bf-11e4-959d-74804f4bcbe7/Des_cellules_souches_pour_r%C3%A9parer_le_cerveau