Les pieds noirs, histoires d'une blessure

Par Laurent Matignon

Vu ce soir sur Planète le documentaire :
Les pieds noirs, histoires d'une blessure (voir le site consacré au documentaire ici)
Etant moi même issu d'une famille pieds-noirs, du côté de ma mère, je suis particulièrement sensible à ce type de sujets. Et force est de constater que c'est la première fois que je retrouve dans un documentaire des propos cohérents avec ce que j'ai pu entendre autour de moi. C'est violent, c'est très dur, mais ça a le goût de l'authentique. Pour une fois (enfin !), les pieds-noirs ne sont pas présentés comme des ordures ayant réduit à l'esclavage les populations d'Algérie et circulant, bague en or à chaque doigt, au volant d'une décapotable.
Représentation fantasmée mais encore répandue de nos jours, particulièrement dans la fange et les franges les plus stupides de l'extrême-gauche.
A noter dans la partie trois, "les années dramatiques", plusieurs pieds-noirs indiquant avoir sombré en dépression quelques mois après avoir - définitivement - quitté l'Algérie. Résultat direct des horribles conditions de leur départ... et de leur arrivée en Métropole. Sous les huées et les quolibets, non seulement d'une partie de la population, mais aussi des autorités. Ainsi le maire PS de Marseille, cette ordure de Gaston Deferre, qui demandait aux pieds-noirs d'aller se réadapter ailleurs (lire plus bas).
Après tout, "un Français mort, c'est un Arabe libre", écrivait par ailleurs le doux et humaniste Jean-Paul Sartre. Qui était coutumier de telles phrases ordurières. Mais reste aujourd'hui adulé par des millions de personnes.
"Les années romantiques" raconte l’épopée de l’installation en Algérie. Ell décrit les conditions parfois dramatiques dans lesquelles les familles ont abordé cette terre pour en faire leur nouveau territoire :

Les Pieds-Noirs : histoires d'une blessure (1/3)
envoyé par vodeo
Ce film débute sur la chasse à l’homme du 5 juillet 1962, où, dans l’euphorie des fêtes de l’Indépendance, quelques-uns règlent leur compte avec les Européens d’Oran. Des événements qui finissent de convaincre les familles pieds noirs de fuir :

Les Pieds-Noirs : histoires d'une blessure (3/3)
envoyé par vodeo
"Les années dramatiques" retrace, après le fameux "Je vous ai compris !" de De Gaulle, le 13 mais 1958, les dernières heures des Pieds Noirs en Algérie, les drames ultimes qui vont amener à la décision du départ et à l’arrachement vers un nouvel exil :

Les Pieds-Noirs : histoires d'une blessure (2/3)
envoyé par vodeo
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Extraits de Paris-presse l'intransigeant " Dernière heure " jeudi 26 juillet 1962.
Le maire de Marseille a 150.000 habitants de trop. GASTON DEFFERRE : " Que les " pieds-noirs " aillent se réadapter ailleurs "
Il y a cent cinquante mille habitants de trop actuellement à Marseille. C'est le nombre des rapatriés d'Algérie qui pensent que le Grand Nord commence à Avignon et qui ne veulent pas quitter la ville du soleil malgré les sollicitations des autorités officielles
Cette présence massive de ces Français d'Afrique du Nord pose de graves problèmes au sénateur-maire, M. Gaston Defferre.

" Et les enfants ? Ici, pas question de les inscrire à l'école, car il n'y a déjà pas assez de place pour les petits Marseillais.
-Est-il vrai qu'il règne dans la ville de Marseille une certaine tension entre Marseillais et " pieds-noirs " ?
- " Oui, c'est vrai. Au début, le Marseillais était ému par l'arrivée de ces pauvres gens, mais bien vite les " pieds-noirs " ont voulu agir comme ils le faisaient en Algérie quand ils donnaient des coups de pieds aux fesses aux Arabes. Alors les Marseillais se sont rebiffés. "
" Mais, vous-même, regardez en ville : toutes les voitures immatriculées en Algérie sont en infraction… "
- Dans certains milieux politiques de Marseille on laisse entendre qu'aux prochaines élections, grâce aux 150.000 personnes qui sont arrivées récemment, votre siège de maire risque d'être en danger?
- " De toute façon, les élections n'auront lieu que dans trois ans et d'ici là, de l'eau peut couler sous le pont. "
" De plus, personnellement je les attends pour la bagarre. Voilà dix ans que mes ennemis politiques essaient de me faire basculer, mais il n'y a jamais eu à Marseille un maire qui ait fait autant que moi pour l'activité économique de la ville. Et ça, mes compatriotes le savent "
- Dans certains milieux de Marseille on prétend que vous avez à votre disposition une police spéciale, genre " barbouzes " est-ce exact ?
- " Non, je n'ai pas de " barbouzes " à ma disposition mais simplement des militants. Ils sont groupés en section en sous-sections. Il y en a à Marseille un peu plus de 15.000. "
" C'est la deuxième fédération de France. Et croyez-moi, ces gens savent se battre. Aux prochaines élections réunions électorales, si les " pieds-noirs " veulent nous chatouiller le bout du nez, ils verront comment mes hommes savent se châtaigner. "… Ce ne sont pas eux qui viendront, mais nous qui iront casser leurs réunions. " N'oubliez pas que j'ai avec moi une majorité de dockers et de chauffeurs de taxis ! "
-Pensez-vous que les " pieds-noirs " donnent l'impression d'être politiquement organisés ?
- " Non, pas du tout. Sinon ils auraient agi depuis longtemps. Il existe des membres des commandos Delta à Marseille, mais pour l'instant ils sont sans chefs et sans têtes de file. Ils sont donc inutilisables, du moins pour le moment. "
- Avez-vous embauché dans vos services municipaux des fonctionnaires " pieds-noirs " ?
- " Pas question que j'embauche des fonctionnaires car, depuis mon arrivée à la municipalité de Marseille, je me suis séparé déjà de 1.500 employés. "
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- Voyez-vous une solution aux problèmes des rapatriés à Marseille ?
-" Oui, qu'ils quittent Marseille en vitesse ; qu'ils essaient de se réadapter ailleurs et tout ira pour le mieux. "
Interview réalisé par Camille GILLES.