Paul Watson à La Rochelle : "J’ai toujours été raisonnable"

Publié le 19 mars 2015 par Blanchemanche

Paul Watson, le traqueur de chasseurs de baleines recherché par Interpol, a été accueilli par des applaudissements, mercredi sur le Vieux Port. À 64 ans, le justicier des mers est toujours aussi engagé



Le fondateur de Sea Shepherd, hier à bord de « Columbus », à La Rochelle.© PASCAL COUILLAUDPirate écolo, justiciers des mers, prisonnier de l'océan, éco-terroriste…Paul Watson ne manque pas de surnoms, plus ou moins romantiques. Mais le célèbre défenseur des océans, celui qui fait trembler les baleiniers japonais et les braconniers du monde entier, indésirables dans de nombreux pays et menacé par un mandat d'arrêt international d'Interpol, ce taiseux aux cheveux aussi blanc que la banquise a soudain un regard doux d'enfant quand il passe devant "L'Hermione". "Les canons, ce sont des vrais ?"Invité mercredi soir par la fondation Léa Nature à donner une conférence sur la protection de la biodiversité, le fondateur de Sea Shepherd, qui défend la faune et la flore de la planète par des méthodes expéditives, a étéaccueilli par l'équipage de "Columbus", le bateau du navigateur rochelais Jean-Yves Terlain, ambassadeur de l'association."Sud Ouest". Étiez-vous déjà monté à bord de « Columbus » ?Paul Watson. Oui. Je connais son histoire, Jean-Yves Terlain me l'a racontée (1). J'ai traversé l'Atlantique à son bord quand j'ai quitté l'Allemagne précipitamment [en 2012, à la suite du mandat d'arrêt émis par le Costa Rica].Comment avez-vous vécu cette fuite ?J'ai d'abord passé dix-sept mois sur les mers, de l'Antarctique au Pacifique sud. Je suis rentré aux États-Unis en octobre 2013. Sept mois plus tard, je suis venu en France, où je me suis marié (2) et où je vis aujourd'hui.Où en sont vos rapports avec la justice ?Nous venons de gagner un procès contre une compagnie maltaise [en 2010, l'association avait relâché 800 thons rouges braconnés au large de la Libye]. L'an dernier, la Cour internationale de justice a condamné le Japon pour sa chasse à la baleine.Actuellement, nous essayons de faire enlever mon nom de la notice rouge d'Interpol. C'est incroyable, on essaye de protéger l'océan et on se retrouve recherché au même rang que des criminels de guerre.Le large ne vous manque pas ?Je suis sur l'océan ! (il sourit, alors que "Columbus" passe entre les tours du Vieux Port).Comment occupez-vous vos journées sur la terre ferme ?Je coordonne les opérations de Sea Shepherd, je réponds aux interviews, j'écris beaucoup. Je prépare d'ailleurs un livre sur les campagnes de l'association.Paul Watson est menacé par un mandat d'arrêt international d'Interpol. Ici, en mai 2012 à Berlin.© PHOTO AFP ODD ANDERSENDans quelles campagnes, les navires de Sea Shepherd sont-ils engagés actuellement ?Deux bateaux, le "Bob Barker" et le "Sam Simon", comptant une trentaine de membres d'équipage chacun, ont engagé une traque de braconniers de légine. Ils sont partis de l'Antarctique et sont aujourd'hui au large de la Namibie, après 92 jours de traque. C'est la plus longue poursuite de braconniers de l'histoire ! Ils ont réussi à confisquer 72 kilomètres de filets illégaux et à gâcher tous les profits pour la saison des braconniers. Le « Sam Simon » a délivré des preuves à Interpol et un bateau a été arrêté hier [mardi] en Thaïlande.Ailleurs, le "Jairo Mora Sandoval " est à Cap Vert pour protéger les tortues caouannes. Le "Martin Sheen" est en mer de Cortez pour étudier les vaquitas, les plus petits dauphins au monde. Le "Steve Irwin", le plus grand navire de la flotte, est actuellement en Australie pour être remis en état et préparer la prochaine campagne de défense des baleines en Antarctique.Enfin, la construction d'un nouveau bateau a débuté au Vietnam, financée grâce à la loterie néerlandaise. Il sera plus rapide que les baleiniers.Votre exil a-t-il fait évoluer votre réflexion sur la stratégie de Sea Shepherd et ses actions musclées ?Ce que j'appelle l'agressivité non violente reste à ce jour le meilleur moyen de défendre la biodiversité de l'océan. Mais je rappelle que la règle de Sea Shepherd a toujours été de ne blesser personne. En quarante ans d'activité, ça n'est jamais arrivé."La construction d'un nouveau bateau a débuté au Vietnam, financée grâce à la loterie néerlandaise. Il sera plus rapide que les baleiniers", annonce Paul Watson. Il était ce mercredi à La Rochelle.© PHOTO PASCAL COUILLAUDÀ l'inverse, la réaction de ceux que vous traquer n'est pas tendre…C'est parfois très violent. En général, ils s'en sortent toujours bien, car ils ont l'appui des gouvernements. Quand j'ai été tabassé par les chasseurs de bébés phoques [en 1977], le ministre canadien de la Pêche les avait défendus. Celui qui essaie de protéger des animaux est considéré comme un criminel, mais pas ceux qui le frappent.Avec l'âge, pensez-vous devenir plus raisonnable ?Je suis raisonnable ! Je l'ai toujours été. Au fond, je suis même plutôt conservateur. Ce sont mes ennemis qui ne sont pas raisonnables. Le Sea Shepherd grandit de manière constante, nous avons de plus en plus de soutiens et l'opinion publique favorable, mais j'aurais préféré qu'il ne soit pas nécessaire d'en arriver là.(1) « Columbus » est l'ancien 60 pieds « UAP », avec lequel Jean-Yves Terlain a pris le départ du Vendée Globe en 1989 et du BOC Challenge en 1987, avant de porter les couleurs du WWF.(2) Il a épousé le 14 février dernier Yana Rusinovich, ambassadrice de l'association Galgos Éthique Europe, qui dénonce le sort des lévriers espagnols.Publié le 19/03/2015  par Frédéric Zabalzahttp://www.sudouest.fr/2015/03/19/j-ai-toujours-ete-raisonnable-1863883-1391.php