l'oppression du pouvoir

Publié le 23 mars 2015 par Montaigu

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Ma fille Colombe, source permanente d’inspiration,  est rentrée un soir de l’école totalement catastrophée.

Elle avait vécue une histoire traumatisante avec sa prof de maths. Très perfectionniste, Colombe discutait du résultat d’un exercice avec sa voisine qui, à sa demande,  vérifiait les calculs à l’aide de sa calculette au moment où la prof faisait son entrée dans la salle de classe.

Elle s’est jetée sur ma fille l’accusant d’avoir triché et l’a obligé à écrire devant tous ses copains le mot suivant : " je n’ai pas fait mon travail et je recopiais les exercices à faire auprès d’une camarade qui, elle, avait fait le sien".  Et de plus, la "prof"  a  soigneusement omis de vérifier si Colombe avait ou non fait son boulot, ce qui était, me semble-t-il, le point indispensable. Mon  cœur de mère a saigné évidemment. 

Ma chère tête brune a fait l’expérience de ce qu’il est commun d’appeler un abus de pouvoir.

Malheureusement pour elle, ce n’est que le début d’une longue histoire. 

Il y a deux grandes notions autour de ce thème général du pouvoir, pourrait-on dire.

Le niveau 1  : la capacité à faire pour soi, les possibilités, les moyens nécessaires pour réaliser quelque chose.  A priori, pour marcher, il faut disposer de ses jambes, pour être médecin ou boulanger, il faut avoir les diplômes et autres CAP " pour pouvoir ». 

Le niveau 2 : la capacité à faire faire, à obtenir d’une ou plusieurs personnes qu’elles se comportent comme on le souhaite. On rentre là dans la notion du " pouvoir " et son corollaire la relation de pouvoir. Ainsi Pierre, patron de  Paul,  peut lui demander de faire ce que ce dernier ne ferait pas  de bonne grâce.

Donc il y a le pouvoir pour soi et celui  sur, et pour les autres.  Et différentes manières de l’acquérir pour l’exercer : la force ( la guerre, la loi, le règlement), la persuasion, la séduction, le charisme, l’influence, la  manipulation et l’argent,  eh oui !

S’ajoute une vision du pouvoir : pour le bien commun ou pour soi. 

Nous évoluons en permanence dès notre plus jeune âge dans des environnements où nous sommes soumis à des formes de pouvoir.

Le premier est la famille. Les parents exercent une autorité sur leurs enfants et leur demandent ce que normalement  ils ne feraient sans doute pas : se coucher à une heure raisonnable, ranger leur chambre, faire leur devoirs etc. Ils emploient tous moyens destinés à obtenir satisfaction : la fessée, la persuasion, les cajoleries etc. Tant qu’ils sont petits, ces chérubins obtempèrent. Une fois ado, ils contestent la légitimité d’un pouvoir qu’ils jugent forcément abusifs. Parmi la fratrie certains ou certaines s’arrogent parfois un pouvoir sur les autres et qui, contestable, sera sûrement contesté. Notons juste en passant que dans un  temps pas si lointain, la loi du pater familias s’appliquait à tout le monde, épouses comprises. 

Ensuite, c’est l’école  Le prof règne sur la classe, enfin il essaie car il arrive qu’il soit totalement dépassé. Néanmoins quelques uns ou beaucoup d’entre eux  (voir plus haut), abusent de leur position sans modération, sans grande imagination non plus, brandissant à tour de bras l’arme de la punition et des heures de colle. Ensuite la cour de récré est le théâtre d’autres pouvoirs des uns sur les autres.

Au fur et à mesure, la liste s’allonge.

Puis devenus grands (enfin on l’espère) et chargés de cette mission tutélaire de gagner notre vie, nous sommes confrontés au monde économique et à l’entreprise en particulier, haut lieu de pouvoir. Le salarié est lié à son employeur par un contrat de travail qui définit un lien  de subordination, excluant toute forme de relations égales. Contre un salaire, il est corvéable à merci.  Ledit salarié est inclus dans une organisation hiérarchique, il a un chef, qui lui même a un chef, comme une chaîne ininterrompue du plus bas au plus élevé. On s’imagine ensuite que le PDG est peinard. Certes il dispose d’un bureau spacieux, bénéficie d’égards liés à sa position, gagne peut-être beaucoup mieux sa vie, mais il est confronté  à d’autres pouvoirs que sont son conseil d’administration représentant les actionnaires de la boîte qu’il dirige. Et même s’il s’agit de sa propre entreprise, il y a toujours la réalité d’un marché, de concurrents, de banquiers qui financent, de clients, etc.

Dans ce monde d’adultes, liés par des relations entre adultes, les choses ne sont pas si différentes d’une cour de récré entre bambins déchaînés ou d’un prof abusant de sa situation. Qui ne s’est jamais colleté avec un petit chef, doté d’un ego démesuré, distribuant punitions, colles et fessées. Ou subi un patron pervers qui malgré un sourire désarmant, le dézingue violemment lors d’une session d’évaluation. Sans compter les fayots en tout genre qui savonne la planche pour se concilier les bonnes grâces de son manager.

Toutes ces histoires font le bonheur des experts du management qui pondent régulièrement des résumés  de leurs conseils avisés. 

Je ne m’égare pas. Non !

Tout ça pour dire qu’une de nos grands préoccupations est de jongler avec le pouvoir et plus communément avec ce que l’on considère comme un abus : le fait de ne pas pouvoir exercer sa volonté. Je veux mais je ne peux pas. Putain ! C’est injuste et dégueulasse.

Pourquoi?

  • En raison de soi-même. On ne dispose pas des capacités, moyens ou aptitudes indispensables. On est stoppé par la santé, l’âge, les connaissances, les qualités, l’absence d’argent, de réseaux etc. Mais  les causes de cet empêchement peuvent être liées à des choix, à des décisions, à une stratégie, à la peur,  à un manque d’énergie ou de confiance en soi qui nous bloquent. Au fond on ne veut pas vraiment. On limite ou on  freine son pouvoir de faire à son insu.  On joue le rôle de notre propre ennemi. Le nœud est alors d’identifier sa part de responsabilité. Pas facile !
  • En raison des cadres différents auxquels nous sommes confrontés. Des terrains de jeux dans lesquels les matchs se disputent  avec leurs lois, règlements, traditions, procédés et procédures. Avec des comportements objectifs et aussi subjectifs : la manipulation, la corruption ainsi que le pouvoir d’autrui, auxquels on ne résiste pas. Le banquier qui coupe les crédits, l’éditeur qui ne veut pas éditer un bouquin, l’examen raté ou la pervenche qui enlève la voiture en oubliant consciencieusement de respecter les 15 minutes réglementaires. Il n’y a pas d’autres moyens que s’incliner.  

En conclusion, comme semble le dire  Marc Aurèle (si c’est bien lui !) : Mon Dieu, donne moi le courage de changer les choses que je peux changer, la sérénité d’accepter celles que je ne peux pas changer et la sagesse de distinguer entre les deux.