[Critique série] THE STRAIN – Saison 1

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Strain

Note:
Origine : États-Unis
Créateurs : Guillermo del Toro, Chuck Hogan
Réalisateurs : Guillermo del Toro, David Semel, Keith Gordon, Peter Weller, Charlotte Sieling, Guy Ferland, John Dahl, Deran Serafian, Phil Abraham.
Distribution : Corey Stoll, David Bradley, Mia Maestro, Kevin Durand, Jonathan Hyde, Richard Sammel, Sean Astin, Natalie Brown, Miguel Gomez, Pedro Miguel Arce, Stephen McHattie…
Genre : Horreur/Épouvante/Drame/Adaptation
Diffusion en France : Canal + Séries
Nombre d’épisodes : 13

Le Pitch :
Un avion atterrit, toutes lumières éteintes, à l’aéroport JFK de New York. À l’intérieur, l’épidémiologiste Ephraim Goodweather et son équipe, appelés en urgence, trouvent 206 corps et seulement 4 survivants. Alors qu’une cellule de crise est mise en place, les cadavres disparaissent subitement de la morgue, tout comme cette énorme caisse trouvée dans la soute de l’appareil. Rapidement, les survivants développent quant à eux d’étranges symptômes et la situation vire au cauchemar. C’est alors qu’un mystérieux vieil homme se rapproche de Goodweather afin de lui dévoiler un secret ancestral qui menace désormais la ville tout entière…

La Critique :
La sortie en librairie de la trilogie La Lignée, du fameux cinéaste Guillermo del Toro et de son acolyte, le romancier Chuck Hogan, appelait forcément une adaptation. Sinon au cinéma, au moins à la télévision qui fut finalement choisie pour illustrer cette déclinaison moderne d’un thème ultra éculé, à savoir le vampirisme.
Certes, del Toro s’était déjà frotté aux suceurs de sang, avec son excellent Blade 2. Très justement considéré comme l’un des faiseurs d’images les plus flamboyants de son époque, le cinéaste était logiquement attendu au tournant, surtout si on considère son désir de lui-même mettre en boite le premier épisode de cette série très prometteuse. Au final, étrangement, The Strain a divisé. Y compris les fans, qui n’ont pas toujours adhéré aux partis-pris d’un show pourtant très proche des livres qu’il illustre sur le petit écran.

Marqué par son rythme soutenu et par son immédiateté, la trilogie littéraire de La Lignée trouve dans The Strain un écho complètement pertinent. Se proposant de moderniser la figure légendaire du vampire, en plaçant notamment l’action en plein centre d’une des plus grandes villes du monde, The Strain, étant donné qu’elle est pilotée par les auteurs des bouquins, suit très fidèlement son modèle. Trop peut-être, mais au fond, c’est tout à fait logique et plutôt bienvenu compte tenu de la qualité des romans. Loin du romantisme parfois un peu alambiqué d’un Bram Stoker ou d’une Anne Rice, la saga La Lignée, tout comme la série The Strain, s’intéresse certes à ses personnages, mais privilégie néanmoins l’action et l’horreur. D’emblée assez gore, The Strain ne recule jamais quand ils s’agit de sacrifier des personnages importants et ne s’arrête jamais bien longtemps, dans un soucis d’avancer vers un dénouement qui, si il appelle forcément une saison 2, permet d’offrir à ce premier acte une conclusion tout à fait satisfaisante.
Marquée par des différences très minimes avec le premier tome, cette première saison adopte également plus ou moins la même structure et effectue donc de fréquents allers-retours dans le passé, histoire d’expliquer, via le personnage de Setrakian, cette sorte de déclinaison de Van Helsing, les origines de la créature responsable de l’épidémie vampirique qui est amenée à ravager New York. Prenant pied dans les camps de concentration nazis, ces flash backs confèrent à l’ensemble de l’œuvre une gravité tout à fait dans le ton et traduisent le remarquable dosage entre réalité historique et ajouts fictifs purement fantastiques, sans que l’aspect tragique n’en pâtisse d’une quelconque façon. En s’ancrant dans une réalité historique douloureuse, un peu à la manière de X-Men (avec l’arc narratif de Magneto), The Strain gagne une épaisseur conséquente et confère aux actes présents des vampires lancés dans la conquête du monde, des faux airs de métaphore.

Ce n’est alors pas vraiment une surprise de constater que, dans un premier temps, le professeur Setrakian, incarné avec toute la justesse qui caractérise ses performances (dans Game of Thrones notamment, ou encore Broadchurch), par David Bradley, s’impose comme le personnage le plus intéressant de la série. Eph, le héros presque désigné d’office, avec ses problèmes de couple et son caractère torturé, apparaît plus conventionnel, même si il sait peu à peu s’imposer. Il est bon de saluer en cela le travail du toujours excellent Corey Stoll, ici chevelu, après avoir affiché son crane d’œuf dans des séries comme House of Cards (on l’a vu depuis dans la saison 4 de Homeland).
Dévoilant ses cartes petit à petit, The Strain repose en partie sur une poignée de très bons personnages. Setrakian donc, le sage qui sait tout, lancé dans une ultime mission, à la fois universelle et très personnelle, Eph Goodweather, le scientifique, ou encore Vasily Fet, l’imposant dératiseur, incarné par l’impressionnant Kevin Durand. Un protagoniste déterminant, qui sait prendre de plus en plus de place au fur et à mesure des épisodes, bien aidé par le charisme d’un acteur de premier plan, malheureusement souvent relégué à des rôles de gros bourrin bas du front. La série a même la bonne idée de développer un peu plus (par rapport aux livres) le personnage féminin principal, incarné par Mia Maestro, sans trop en faire. Finalement, comme souvent malheureusement, c’est le personnage du fils, ce gamin qui se met toujours dans les pires embrouilles et qui au final, ralenti la rythmique, qui s’avère être l’un des plus faibles du lot, même si au fond, sa contribution joue aussi dans la qualité de l’ensemble.

Offrant une déclinaison originale et brutale du vampirisme, The Strain fait prévaloir un désir d’en mettre plein la vue, et orchestre des affrontements gores. Le fonctionnement des vampires, bien loin de ceux imaginés par Bram Stoker, contribuant à rendre le show très spectaculaire et saignant, même si on pourra peut-être déplorer certains partis-pris esthétiques, aussi étranges que dénotant d’une volonté toujours plus marquée de se démarquer.
Visuellement parlant tout du moins, car tout compte fait, The Strain se calque sur un modèle d’intrigue aussi convenu qu’efficace. Doués pour faire monter la pression, tout en prenant soin de proposer dans chaque épisode une suite d’événements permettant à la fois de faire progresser l’histoire et d’imposer un sens du spectacle maîtrisé et correctement canalisé, del Toro et Hogan orchestrent une invasion à grande échelle, tout en étant probablement conscients, que ce n’est pas avec son scénario que la série va se démarquer. Du coup, The Strain gagne ses galons dans sa propension à immerger le spectateur dans une histoire classique, mais prenante et tendue comme il se doit. La dramaturgie plutôt primaire étant clairement sublimée par des dialogues souvent inspirés et par des rebondissements toujours correctement intégrés.

La saison 1 de The Strain ne s’égare pas. Le premier épisode, signé Guillermo del Toro, donne le ton et impose la patte visuelle d’un artiste certes assez sage, mais suffisamment appliqué et concerné, pour accrocher puissamment son auditoire (un premier épisode qui n’est pas sans rappeler Mimic). Un peu à la manière de Martin Scorsese avec Boardwalk Empire ou de David Fincher avec House of Cards, del Toro donne le La. Du sang, des vampires tentaculaires, un jusqu’au-boutisme visuel, du spectacle et le moins de mièvrerie possible. Pas de doute, The Strain a réussi son pari et pour l’instant, n’opte jamais pour la mélancolie parfois plombante de shows plus contemplatifs comme The Walking Dead. À l’instar des vampires fous-furieux qui hantent les rues de la Grosse Pompe, The Strain, outre ses petites imperfections, s’avère vive et énergique. Elle construit sa propre mythologie et gagne sa légitimité. Reste maintenant à voir si la série saura gérer le tournant très sombre des tomes suivants…

@ Gilles Rolland

Crédits photos : FX / Canal + Séries