Rencontre avec ROCCA – Bogota Paris et plus [Intw]

Publié le 30 mars 2015 par Hiphop4ever

ROCCA est depuis quelques semaines en France et sur Paris, afin de mettre en avant son prochain projet : un nouvel album solo après de (trop) longues années d’absences (hormis un EP en 2012). Nous avons eu l’occasion de croiser Le Chief et d’échanger avec lui. La bonne nouvelle c’est que « Bogota – Paris » est terminé et qu’il sortira en septembre. Nous l’avons écouté, disséqué et commençons à vous en parler. Quoi de mieux que de le faire avec l’intéressé : Rencontre donc avec ROCCA. Cette interview se fera en plusieurs étapes, en voici la première.

Rocca, bonjour, je te propose de démarrer cette interview avec le traditionnel « Interview blaze ».

R : Je te propose R pour rap contact – en gros quel a été ton premier contact avec le rap ?

Le premier contact: j’étais déjà rentré dans le Hip Hop par rapport à la danse, au break. Le premier contact direct avec le rap c’est à l’époque de Radio Nova quand j’écoutais les émissions de Dee Nasty avec Lionel D – c’était vraiment le premier rapport fort que j’ai eu avec le rap – bien que j’avais pu déjà écouter des morceaux – mais j’aimais la musique mais ce n’était pas (encore) mon dada.

O : comme ouverture d’esprit et/ou ouverture sur le monde ?

Forcement ouverture au monde – et c’est la curiosité qui a fait que l’homme aille jusqu’à la lune. L’ouverture est un signe d’intelligence – l’ouverture d’esprit est quelque chose que tout le monde a, mais que parfois les gens ne cultivent pas – parce qu’ils se font trop ancrés et lobotomisés par un système qui les sucent de l’intérieur et donc du coup leur esprit se referme à chaque fois. L’ouverture d’esprit est aussi un acte de rébellion – plus tu es ouvert d’esprit plus tu es au courant de choses plus tu apprends, et donc tu positionnes mieux ta vie dans ce monde …

C : comme Colombie mais encore ?

Colombie, oui, on peut dire Colombie. C’est l’origine de mes parents, de ma famille – de mon sang, de ce qu’il y a dans mon ADN : le mélange de ces trois cultures que j’ai en moi : qui nous identifie en tant que CRIOLLOS (créole) – avec du sang hispanique, indien et africain

L’autre C qui forme ROCCA : Concert ou Cœur ?

Je dirai la même chose, car quand tu fais un concert, tu donnes de toi, si le public est réactif c’est par rapport à toi, parce que tu y mets du cœur, donc je dirai que c’est la même chose : le live ça détermine très bien ta personnalité : qui tu es vraiment, et surtout ta générosité – et donc c’est du cœur.

A : pour Artiste et /ou Amour ?

On est Artiste parce qu’on sent les choses et on a le temps de faire une pause, et de pouvoir décrire un instant ce qu’on est en train de vivre, ou train de sentir et on l’exprime d’une manière – parfois, en dansant, d’autres en chantant, d’autres en composant  des notes, des partitions – mais c’est la même chose amour et l’art / l’artiste se doit de mettre de l’amour dans sa discipline : c’est très lié.

Je voudrai rappeler que tu as été sur scène le 27/02 dernier au Canal 93 (Bobigny) pour les 20 ans de l’album « Conçu pour durer » – qu’est-ce que tu as éprouvé lors de cette scène, pourquoi vous être reformé et décrit nous un peu comment tu as vécu ce concert ?

Ok : cette rencontre-là, en vérité on l’a déjà vécue avec Guégué, et tout ça, quand on s’est reformé pour l’Original à Lyon (NDLR : gros festival HH sur Lyon) et on avait fait ensuite la même à L’Elysée Montmartre – salle symbolique dans laquelle on avait commencé avec la Cliqua – donc ce n’est pas une reformation, c’est une re- réunion : on s’est réunit – c’est Kohndo qui a organisé tout cela. Il m’a appelé – j’étais en Colombie – et m’a dit « chief, est ce que tu es chaud pour ça – dis-moi» – je lui ai répondu, « oui je suis chaud, il y a qui dans la partie – il y a Daddy ? » – on a pas réussi à joindre les autres. On a donc décidé de la faire à trois, de rendre un petit hommage aux 20 ans de l’album « Conçu pour durer » – et du coup on a fait le concert.

Je pense que cela s’est super bien passé, le public était très content, et ils ont senti qu’on avait de l’amour sur scène justement, du kiff ….

D : et toi qu’est-ce que tu as ressenti ? Il y a aussi une particularité : vous avez aussi chacun présenter vos solos respectifs, à venir

Oui je pense qu’il y a une osmose qu’on ne peut pas cacher quand on est ensemble, on a grandi ensemble, en tant que professionnels, en tant qu’artistes, et donc même si cela fait longtemps qu’on ne rappe plus ensemble, il y a des automatismes qui se refont. Je pense que tout le monde a du plaisir à se revoir – et tant qu’il y a ce plaisir, je pense qu’on continuera à faire des scènes. Il y a d’ailleurs une tournée qui est sur pieds pour la rentrée en septembre et dans laquelle justement on va réunir tout ce kiff là – et partir – l’union fait la force comme on dit.

Il faut bien que La Cliqua serve à quelque chose, pas simplement à ce que les gens disent que cela sont des classiques, mais je pense que ces morceaux-là il faut les défendre en live et – d’écouter l’histoire du rap français, une partie de l’histoire du rap français en live – et tant qu’on est en osmose avec ce qu’on dit, ce qu’on a vécu, et ce qu’on est aujourd’hui – il faut en profiter !

Peux-tu nous résumer l’album Bogota Paris en quelques mots ? Un album en français, et le même album tout en espagnol, mais encore ?

L’album Bogota Paris, c’est mon savoir-faire de plus de 20 ans de travail  dans l’industrie de la musique, mais surtout dans le voyage musical, dans mon voyage musical. Alors cet album est aussi là pour « consolider » mes deux publics et c’est pour cela qu’il y a deux versions. En France, j’ai plus de 10 ans de rap français, avec des classiques, en tous les cas que les gens jugent comme des classiques et en Amérique Latine, j’ai aussi plus de 10 ans de rap « hispanophone » – pleins de classique du rap latino.

Cet album est un pont pour unir  mes deux publics sur un même album – sur un même projet – afin de pouvoir moi-même cette fois enfin pouvoir chanter les mêmes chansons de ce nouveau répertoire aussi bien dans un pays francophone qu’hispanophone.

C’est le premier point – en second point, Bogota Paris est avant tout un voyage musical – tu décolles en avion, tu rentres dans un univers très rap, d’aujourd’hui, donc dans un univers qui te faire dire « ce mec d’emblée c’est un MC » ; c’est un kickeur – je te fais rentrer direct dans mon monde « à moi », du kickage sur toutes sortes de sons qui me plaisent.

Je peux aussi bien partir d’un son qu’a fait Demolisha – Dj super jamaïcain avec des sonorités anglo-saxones, de Londres, des communautés, des ghettos jamaïcains, avec Lyricson qui met sa vibe, sur un morceau super Trap de Kobé, ou sur un morceau plus à l’ancienne avec Daddy – d’un coup tu tombes sur un morceau avec « La Lune » qui est une sorte de synthèse de ce que tu peux écouter dans le Hip Hop Mon Royaume, ou Comme une Sarbacane qui est sur un feeling  Soul et qui me colle à la peau, mais je te l’ai remanié avec un peu de trap, un peu de musique d’aujourd’hui – et puis à un moment donné quand je t’ai donné le dosage de rap que tu avais besoin d’écouter, pour t’apercevoir que le Chief est toujours là.

A un moment donné, on commence à passer aux choses plus sérieuses – qui sont justement, la fusion de rythmes afro-latins, indigènes, créoles, caribéens, Hip Hop, reggae, salsa, tous les genres musicaux qui sont une partie de ma culture musicale, qui font aussi mon identité musicale, et tu vois ce voyage musical qui j’ai dans ma carrière, c’est justement cette recherche envers la musique : à créer un nouveau son. C’est pour cela que je n’ai pas travaillé avec des gens qui ont une patte de production marquée : si je veux sonner à la Pharrel et bien on prend Pharrel, etc … cet album-là voulait sonner à la ROCCA.

Je suis producteur de sons : la majorité des sons de l’album – même s’il y a Pashenga mon frère, Kobé et Demolisha sur un son, les autres sons sont de moi et tous les arrangements sont aussi de moi : les cuivres, les musiciens qui ont pu travailler avec moi – ce sont mes featuring à moi, les gens que j’ai voulu incorporer dedans pour m’apporter la pâte musicale que je voulais créer. Je veux que les gens quand ils écoutent un son, m^me si cela sonne plus trap, fusion, direct quand tu entends les premières notes les gens se disent ca c’est du ROCCA – et c’est donc pourquoi cet album-là est un voyage musical – une réunion de ces deux capitales dans lesquelles je vis le plus ces dernières années.

Rentrons ensemble dans le projet avec quelques morceaux choisis, dont le premier est à ce jour déjà disponible.

Retour à la Source feat Lyricson – morceau que tu as joué en live à Bobigny – cela a fait mouche – tu t’en doutais ?

ROCCA : je ne savais pas quel single lâcher en premier donc souvent je teste sur scène des sons inédits et je vois les réactions de la foule. Sur scène ça ne ment pas : si ça ne marche pas c’est que c’est pas ça donc c’est le meilleur test. Et quand le j’ai lâché sur scène ce soir là, j’ai tout de suite vu les réactions évidentes de la foule et j’ai tout de suite dit OK c’est celui la qu’on va lâcher en premier. Du gros son patate, une sorte de boompab revisité avec du gros son jamaïquain actuel et du gros dup avec la puissance de frappe de Lyricson au refrain sur une énorme prod de Demolisha Dj. En plus ce son déboussole encore plus les auditeurs car c’est une autre vibe complètement différente au reste de l’album et c’est ce que je veux faire, un voyage de saveurs musicales différentes mais très cohérentes entre elles.

Rocca, parlons maintenant du morceau « A l’ancienne » – feat Daddy Lord C – là aussi on a pris une grosse claque : avec le retour de la Squadra  – qu’est qu’on dit alors ROCCA – « bénit soit le rap à l’ancienne »  / « rester vrai même dans le succès … »  morceau égo-trip mais pas que …

ROCCA : c’est une  prod de Pachanga (mon frère) et je me pose avec mon frère d’arme aussi Daddy, histoire de pouvoir faire un gros big up a toutes cette époque de l’âge d’or du hip hop comme on dit. Dj Nelson est venu aussi placer des gros scratches.

C’est un son de La Squadra de La Cliqua typique version 2015 – ou ça parle de flow, de rue, de politique, de société avec malice et expérience. Du gros son la squadra ,le duo historique qui revient et je voulais dans cet album avoir les deux écoles qui m’ont forgé, celle de la Cliqua et plus loin dans l’album vous découvrirez mon autre école, qui cette fois ci j’ai créé moi-même, celle de TRES CORONAS en feat avec  P.N.O, mon acolyte historique du hip hop latino. ça faisait longtemps qu on avait Dad et moi envie de faire un track ensemble et puis en plus je pense que ça risque de faire kiffer les anciens comme les nouveaux …

Le public n’a pas encore pu écouter le premier morceau : Bogota – Paris : mais on peut leur décrire un peu : un morceau d’intro qui tape haut et fort, sur une prod très lourde – super énervée, avec toi au mic, assez technique, assez énervé, rapide, beaucoup de messages distillés très vite tu devrais le sortir comme prochain extrait – un morceau qu’on se remets plusieurs fois de suite – c’est ça ?

Merci, c’est exactement ce que je voulais faire sur cet intro, c’est une prod de Kobébeats, et le concept c’est partir direct sur le terre-terre de Paris et du rap actuel, on commence un  voyage musical dans cet album  avec le son le plus actuel et les flow les plus techniques aussi, c’est un décollage immédiat ,et cet intro n a justement rien à voir avec la suite de l’album, c’est un track pour vous confondre jejejejejeje, Je me suis toujours positionné avec des albums à l’avant-garde et je n’aime pas refaire les même sons, j’aime innover mes flow et faire évoluer mes styles. J’adore le boombap et j’adore la trap, j’adore la nouvelles productions musicales du Hip Hop actuel. Aujourd’hui la prod dans le rap est à son apogée.

Pour finir avec un dernier morceau (avant d’en analyser d’autres avec toi plus tard) tu lâches le morceau « outro » tu résumes assez bien l’album : peux-tu nous expliquer le morceau ?

Et bien c’est justement la suite de l’intro. Il faut la prendre plus calme cette fois-ci, on va la prendre plus cool et revenir à la base ,j’ai toujours aimé les freestyles et les accapelas. En plus je fais le travail bien mâché pour que les gens qui ne me connaissent pas à l’écoute de mon album puissent comprendre mon concept et mon univers musical, l’outro est très explicite ,elle dit exactement ce qui va venir dans l’album, une fusion de tous ce que j’aime ,un album pimenté et bien condimenté avec des saveurs outre atlantique mais aussi et surtout du vrai Hip Hop ! c’est un texte explicatif cette outro, comme une notice avant de consommer ton plat musical jejejejeje…

As tu une anecdote sur cet album à nous livrer ?

Cet album c’est en vérité le fils de mon prochain album EL FENIX. J’étais parti en vérité sur EL FENIX mais quand je l’ai fait écouter à mon entourage ils m’ont dits que c’était peut-être trop complexe et conceptuel pour un public non averti. Du coup pour pas être encore une fois incompris – j’ai fait BOGOTA PARIS, un album qui voyage sur mes 20 ans de carrières musicales et qui vous prépare à comprendre la fusion des rythmes que je vis et qui m’entourent. C’est du coup un voyage en musique qui va de paris a la Colombie mais aussi vers les Etats unis ou j’ai vécu à New York pendant presque 9 années de ma vie – Bogota Paris c’est vraiment moi.

Revenons un peu sur la Cliqua avec quelques questions « flash »:

Meilleur souvenir ? Le premier voyage à New York avec toute LA CLIQUA au complet pour le concert de la Zulu Nation en 96.

Pire souvenir ? Quand on s’est séparé car on était des vrais potos mais il y a eu trop de parasites à l’époque autour qui ont brouillé ces amitiés.

Une anecdote ? Il y en a trop !!!

Question des internautes et pas que ?

Olivier C : Qu’est ce qui a manqué à La Cliqua pour exploser comme les groupes tels que NTM ou IAM ?

Je pense qu’il nous a manqué un vrai manager qui n’essaie pas d’être plus important que ses artistes et qui sache canaliser toutes les énergies de chacun pour faire avancer le groupe comme une union, un tank de guerre. Car dans un groupe si tout le monde reste à sa place la machine avance et devient indestructible. NTM et IAM à la fin c’est que deux MCs, nous on était à la base 5 MCS. C’est difficile à canaliser ce genre d’énergie tu sais …

Junior Bon Bagay : à quand un concert de Tres Coronas en France ?

Avec  Tres Coronas ont a déjà joué deux fois en France a Paris,en  2009 au Zénith dans  le Festival Hip Hop Citoyens, et en 2010 au New Morning. Mais là je pense que nous sommes chacun dans nos projets solos donc je ne sais pas.

KOHNDO : Quel est ton plus beau souvenir de concert ?

Avec La Cliqua je crois à L’Elysée Montmartre en 96 et celui avec Mobb Deep. Et avec Tres Coronas celui à l’aréna de Santiago au Chili devant plus de 10 mil personnes en furie – Il y a une vidéo qui tourne de ce concert sur Youtube. Et pour ma part en solo je pense surtout à mon concert de l’an dernier à La Paz en Bolivie. Il y avait ce soir là quelque chose de mystique dans la salle, une énergie ancestrale et céleste.

KOHNDO   : Aurais-tu préféré être un joueur de salsa ou de Hip Hop Au final et surtout – si je fais un groupe de Soul, accepterais-tu de prendre les percus ?

Ces dernières années j’arrive à enfin marier mes deux amours : le Hip Hop et la salsa, et plus j’évolue plus je sens que je vais fusionner ça de manière plus radicale afin d’élargir mon répertoire avec une musique qui sera plus en osmose avec ce que je vis actuellement. Kohndo tu peux compter sur moi pour tes prochains enregistrements, ramènes les congas et timbales et on attaque ça direct jejejejejeje.

Pour finir quelques questions plus «courtes /impulsives». Si tu ne devais garder qu’un seul morceau de toi cela serait lequel ? et pourquoi ?

LA VIDA LOCA, c’est le track que j’ai composé pour le film la vida loca de Chrisitan Poveda. Ce son c’est vraiment moi et le style de musique et compositions que je vais continuer à faire. C’est la fusion parfaite de ce que je veux écouter.

Un coup de cœur  ? Je redécouvre Paris .

Un coup de gueule ? La montée du racisme en France et le communautarisme.

Un message pour nos lecteurs ? Ne soyez pas des moutons, la musique s’écoute avec les oreilles, pas avec les yeux. Par les yeux les plus gros mensonges et l’illusion passent beaucoup mieux – ne vous faites pas avoir.

Un message d’espoir ? L’amour

Que signifie pour toi HipHop4ever ? Une manière de vivre

Un livre de chevet ? « Feuilles d’herbes » de Walt Whitman

Un album de chevet ? Comedia de Hector Lavoe

Ton album de rap  préféré ? Ill Matic de Nas ,

Ton artiste préféré et pourquoi ? Je ne sais pas. C’est dur ta question … Cheo Feliciano ou Fela Kuti…Ismael Rivera ou Mayito Rivera… Je ne sais pas…

Le traditionnel mot de la fin ? Musica, Musique, Music.

A noter qu’une interview vidéo est en cours de montage ainsi que quelques surprises à venir/ Stay tuned.

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Rencontre avec Kohndo

Photos de Live (C) Photograff.fr

Photo tryptique (C) Dany/HipHop4ever.fr

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