Crise à Radio France : les enjeux pour le classique

Publié le 31 mars 2015 par Nicolas Bourry @nicolasjarsky

Mais que se passe-t-il à Radio France ? La maison (ronde) ne tourne pas rond et approche des deux semaines de grève.

Le président Mathieu Gallet est au cœur de la tourmente. Le dirigeant se voit traîner dans la boue suite à un scandale relatif aux frais de rénovation de son bureau. Il est sifflé quand il s’invite à une assemblée générale des salariés. Un nouveau scandale le frappe avec la révélation du salaire de son conseiller en communication. La ministre de la Culture et le Premier ministre ne cachent plus leur agacement. La curée est tellement générale qu’on entend maintenant certains salariés défendre le président, expliquant qu’il s’agit de problèmes de fond et non de personnes. Les grèves et les crises à Radio France ne sont pas nouvelles. Mais là il s’agit d’un profond malaise.

La Cour des Comptes mandatée par le gouvernement va remettre un rapport dans lequel on parle de la fusion des orchestres et des rédactions. Quelles sont les vrais enjeux de cette crise pour la musique classique à Radio France ? 

  • France Musique

Dans un contexte de restriction budgétaire la question du maintien de l’ensemble des stations de Radio France fait partie du débat. Mouv’ entame une nouvelle vie à grands renforts de marketing et a un an pour faire ses preuves. Le président lui-même a déclaré qu’il était hors de question de toucher à Fip. Mais qu’en est-il de France Musique ? La station classique et jazz pourrait-elle faire partie du convoi de départ ? On a pu le lire ici ou là. Une migration sur Internet, soi-disant l’avenir de la radio mais en réalité la mort d’une station avouons-le, a aussi été évoqué. On a pu lire dans Le Monde une tribune d’un collectif prestigieux d’artistes en appelle à l’intervention de la ministre pour défendre France Musique.

Les réformes, très bien. Mais ne touchons pas à France Musique. Quelle autre station propose de découvrir la musique contemporaine, le grand répertoire, les opérettes, le lyrique, les jeunes talents… La voix inimitable de Dominique Boutel, les histoires de Benoît Duteurtre, le savoir vivant de Frédéric Lodéon, les fous rire d’Emilie Munera et Rodolphe Bruneau-Boulmier, l’excellente matinale de Vincent Josse… tous ces programmes sont une mine d’or inépuisable.

  • Les orchestres

Le nerf de la guerre concernant les réformes dans la musique à Radio France c’est l’existence de deux formations jugées redondantes par certains.

D’un côté l’Orchestre National de France, premier orchestre permanent de France, créé en 1934 et comptant 120 musiciens. Dirigé un temps par Lorin Maazel et plus récemment par Kurt Mazur, il est aujourd’hui dirigé par Daniele Gatti. Doté d’un important volet de médiation culturelle, notamment envers les plus jeunes, l’Orchestre National de France est en résidence au Théâtre des Champs-Elysées, propriété de la Caisse des Dépôts, nous y reviendrons.

De l’autre l’Orchestre Philharmonique de Radio-France, créé en 1937 et qui compte 141 musiciens. La véritable « renaissance » de cet orchestre semble se situer dans les années 1970 sous l’impulsion de Gilbert Amy et Pierre Boulez pour en faire un ensemble plus souple que les formations traditionnelles, un orchestre à géométrie variable.

Disons-le de manière triviale : l’Orchestre National de France a une image plus vieillotte que l’Orchestre Philharmonique. Dans les pistes, Mathieu Gallet avait évoqué l’idée de « céder » le National au Théâtre des Champs-Elysées, donc à la Caisse des Dépôts, mais cette dernière a montré une forte frilosité à ce projet. Du coup, nouvelle idée, cette fois portée par la Cour des Comptes : la fusion des deux orchestres. Sur le papier pourquoi pas. Mais alors dans les faits, nous avons du mal à imaginer comment cela pourrait se dérouler…

  • Maîtrise et chœur 

La musique à Radio France c’est aussi un chœur professionnel permanent et une maîtrise (choeur d’enfants). Mais là silence radio si l’on peut dire. A priori la maîtrise n’a pas à s’inquiéter. Sa dimension pédagogique, son antenne à Bobigny, son coût peu élevé la mettent hors de danger. On n’entend pas parler du choeur et de sa place dans la future feuille de route. A suivre donc.

Des propres mots de Mathieu Gallet, les formations musicales à Radio France représentent 60 millions de dépenses pour 2 millions de recettes. Forcément cela pose des questions au-delà du fait que l’excellence culturelle ne se calcule pas de manière comptable. 

La grève et la grogne sont donc loin d’être terminées…

Dernier concert que nous sommes allés voir ? Souvenez-vous c’était à Radio France justement !