Permis de parler

Publié le 30 mai 2008 par Malesherbes
Parmi les mesures prévues dans le cadre de la réforme des institutions figure la possibilité offerte au Président de notre République de s’exprimer devant le Congrès. Une telle disposition menace notre démocratie. Je distingue deux raisons pour lesquelles doit être rejetée.
La première, c’est parce qu’elle s’appliquera à l’actuel Président. J’ai entendu il y a quelque temps Sylvie Pierre-Brossolette, du Point, soutenir que cela n’avait pas d’importance, notre Président s’exprimant déjà tant et partout. Eh bien si, cela a de l’importance, car cet homme a montré qu’il excellait dans l’usage du verbe.
Il a su séduire une majorité de Français par des propos que sa conduite a constamment démentis depuis. Pour ne pas alourdir la lecture de ce texte, j’ai rejeté en annexe un lien vers le discours prononcé par le candidat Sarkozy le 10 avril 2007 à Tours ainsi qu’un extrait éloquent du même discours. Comparez sa profession de foi avec sa conduite et ses actions, et jugez impartialement.
Ce séducteur (ou baratineur, je vous laisse le choix du terme) a aussi été capable d’attirer à lui plusieurs hommes de gauche, tâche relativement aisée grâce à l’attrait que le pouvoir exerce sur certains. Et peu nombreux sont ceux qui remarquent la totale incohérence d’un dirigeant qui commence par promouvoir les heures supplémentaires par divers allègements de charges et d’impôts, qui se glorifie ensuite des résultats avec des chiffres manifestement sans réalité, pour finalement supprimer ces mêmes heures supplémentaires en laissant chaque entreprise, en fait chaque patron, décider de la durée hebdomadaire du travail.
Enfin ce n’est pas parce que le plus personnage de l’État n’hésite pas à tenter d’imposer la rétroactivité d’une la loi, en violation d’une décision du Conseil Constitutionnel, plus haute autorité juridique du pays, qu’il faut lui complaire en modifiant la Constitution selon ses voeux.
La seconde raison, c’est qu’une Constitution n’est pas taillée sur mesure pour une personne (même si c’est ce qui fut fait en 1958) mais est le fondement de la vie politique d’un pays. Si elle peut nécessiter des ajustements, elle ne saurait contrevenir au fondement de la démocratie, la séparation des pouvoirs. L’Assemblée nationale peut renverser le gouvernement et, réciproquement, le Président peut dissoudre l’Assemblée. Mais, comme il n’est pas responsable devant elle, il n’a aucune raison de s’adresser au Congrès, paré de tout le prestige de sa fonction. Son fidèle premier ministre suffira pour transmettre son message.
Annexe :
http://sites.univ-provence.fr/veronis/Discours2007/
transcript.php?n=Sarkozy&p=2007-04-10
Être Président de la République tel que je le conçois, c'est une ascèse, c'est l'oubli de soi, de son bonheur personnel, de ses sentiments, de ses intérêts pour ne plus avoir en tête que le bonheur des Français, le prestige de la France, la grandeur de l'État et le bien commun.
Il ne faut pas être candidat à la Présidence de la République française si l'on ne veut rien donner de soi-même, si l'on ne veut rien sacrifier, si l'on ne cherche que son bonheur et la réussite sociale.
Il ne faut pas être candidat à la Présidence de la République si l'on n'est pas prêt à s'imposer davantage de devoirs que les autres. Parce qu'un Président de la République c'est quelqu'un qui n'a pas plus de droits, plus de privilèges et moins de devoirs. Mais quelqu'un qui au contraire a moins de droits, moins de privilèges que quiconque et plus de devoirs.
Il ne faut pas être candidat à la Présidence de la République si l'on ne se sent pas capable de donner l'exemple et de s'imposer à soi-même les sacrifices que l'on demande aux autres.