Le morceau titre commence sur un tempo très lent par un improbable duo entre un synthé plombé et une trompette bouchée, dialoguant sur un champ de ruines : tout est foutu, alea jacta est, la petite Laura Palmer n'ira pas bien loin sur la route de l'épanouissement personnel. Parti pris de la simplicité extrême, le synthé pachydermique progresse sur une grille très basique, tandis que la trompette, doucement portée par le legato des cymbales, joue à la perfection des nuances piano/forte, sur une mélodie entièrement composée en mode mineur naturel. Et puis sans prévenir, une blue note, celle qui vous déchire le coeur, parce qu'elle arrive au bon moment, tandis qu'une basse introduit un peu de swing dans toute cette désolation.
Autre sommet émotionnel : "Sycomore Trees". Attention Badalamenti nous la joue All Stars : Jimmy Scott au chant, et Ron Carter à la basse ! Un bourdon, deux notes de piano lancinantes, et la voix transgenre de Jimmy Smith, qui chante une promenade et une possible rencontre "Under The Sycomore Trees". Tandis que Ron Carter à la contrebasse joue très libre, hors tempo, une musique intérieure, qui rappelle les grands moments de la "Freedom Controllated" du deuxième quintet de Miles. Musique très dépouillée, d'une densité extraordinaire, pour l'ultime rencontre entre Dale Cooper et Laura Palmer, dans le monde parallèle de la Black Lodge.
En Bref : une BO fascinante par sa capacité à coller aux images de Lynch, à tromper l'oreille en proposant une musique d'ascenseur hautement raffinée et exigeante. Histoire de patienter...