La sélection de la semaine : Le sculpteur, Emmett Till, Un amour exemplaire, Je n’ai rien oublié, Mettez des mots sur votre colère, Pandemonium, Wild River, Southern bastards, Kill la kill, Les p’tits diables, Moi non plus, Monster Hunter, Under the bl...

Par Casedepart @_NicolasAlbert

Wild River, de Roger Seiter et Vincent Wagner (Long Bec)

Pour ce premier samedi du mois d’avril, Case Départ vous propose sa belle sélection de la semaine. En vous ouvrant sa bibliothèque, le blog met en lumière de très bonnes bandes dessinées. Nous passons au crible, les albums suivants : Le magistral roman graphique de Scott McCloud : Le sculpteur, les cinq derniers jours de la vie d’Emmett Till : un album poignant d’Arnaud Floc’h sur la ségrégation aux Etats-Unis, Un amour exemplaire : les souvenirs d’enfance du romancier Daniel Pennac mis en image par Florence Cestac, quatre histoires surréalistes dans Je n’ai rien oublié, Mettez des mots sur votre colère : un photographe américain qui part à la rencontre d’enfants-travailleurs, le second volume de l’excellent manga Pandemonium, la réédition en intégrale de Wild River de Seiter & Wagner, le premier volume de Southern bastards, le premier volet du manga Kill la kill, le dix-neuvième tome des aventures des P’tits Diables, Moi non plus : un petit roman graphique sur une rupture amoureuse, deux mangas de la série Monster Hunter, Under the blue sky : un album pour public averti et Le couvent infernal : un album pour adulte. Bonnes lectures.

Le sculpteur

Attention futur chef-d’œuvre ! Scott McCloud revisite le mythe faustien dans son formidable roman graphique : Le sculpteur, mettant en scène David, un artiste au bord de l’abîme, passant un pacte avec le Diable. Sa vie en contrepartie de mains hyper-créatrices.

Si vous voulez continuer la lecture de la chronique sur Comixtrip, cliquez ici.

  • Le sculpteur
  • Auteur : Scott McCloud
  • Editeur : Rue de Sèvres
  • Prix : 25€
  • Sortie : 18 mars 2015

Emmett Till

derniers jours d’une courte vie

Symbole de la lutte pour les droits des noirs américains après un assassinat sordide et un simulacre de procès, Emmett Till était un jeune adolescent de 14 ans qui était venu rendre visite à son oncle dans le Sud des Etats-Unis. Dans le formidable Emmett Till derniers jours d’une courte vie, Arnaud Floc’h a décidé de faire découvrir aux lecteurs français cette existence brisée en plein vol. Entre racisme, ségrégation et blues dans l’Amérique des années 50, attention album choc.
Résumé de l’éditeur :
De nos jours, un homme blanc, jeune journaliste, questionne un vieux musicien noir. En fait il s’intéresse assez peu au blues : il voudrait savoir quels ont été – 60 ans plus tôt – les liens du musicien (alors âgé de treize ans), avec Emmett Till. Et le bluesman, non sans émotion, accepte de parler, et de remonter le temps…
… Quand Emmett Till, jeune adolescent noir de quatorze ans venu de Chicago passer ses vacances chez Moïse son grand-oncle, descend le 24 août 1955 du train en gare de Money dans le Mississippi, il ne sait pas encore qu’il va vivre les cinq derniers jours de sa courte vie.
Il aura eu la malchance de pénétrer dans une épicerie réservée aux Blancs et de se comporter de « manière provocante » vis-à-vis de Carolyn, épouse de l’épicier, Roy Bryant.
Mis au courant de « l’affront », Roy, accompagné de son demi-frère Milan, part dans une chasse à l’homme qui finira tragiquement. Après avoir kidnappé Emmett, ils le tortureront avant de le jeter dans l’eau de la rivière. Ils seront plus tard acquittés et se vanteront de leur « exploit » dans la presse.

Pour commémorer les 60 ans de la disparition d’une grande cruauté d’Emmett Til, Arnaud Floc’h livre un album des plus bouleversants. Sombre, sans concession, allant même jusqu’à montrer l’immontrable (son humiliation, sa torture et sa mort), il n’épargne pas son lectorat. Mais ces scènes sordides sont le gage d’un grand professionnalisme sans voyeurisme, afin de comprendre la souffrance de l’adolescent.

Pour conter cette existence éphémère, il met en scène un journaliste spécialiste de musique (qui souhaite surtout en connaître plus sur cette affaire) et l’un des fils de Moïse (un cousin d’Emmett). Alors que le jeune adolescent incarnait la joie de vivre, la bonne humeur, sa fin tragique tranche avec ce côté humain et très affable. Naïf, il ne connaissait pas les difficultés des noirs du Sud ; il arrivait de Chicago au Nord des Etats-Unis, plus prompt à l’égalité entre les hommes (en apparence).

Même si le récit de l’auteur de La vallée des papillons (Futuropolis, 2012) est d’une noirceur et d’une grande violence, qui ne laisse pas indifférent, il laisse une porte ouverte à quelque chose de plus lumineux et optimiste dans un dénouement final inattendu. Les récitatifs et les voix-off sont d’une belle intelligence, donnant du corps à l’histoire.

De musique et de blues, il en est peu question mais plutôt de questions en suspens sur le racisme, la ségrégation : Comment une jeune nation ayant une constitution démocratique depuis 1787 a-t-elle pu dériver comme cela jusqu’à l’extrême ? De 1619 et l’arrivée des premiers esclaves à 1883 et les lois de ségrégation, appelées Jim Crow Laws.

Le trait semi-réaliste d’Arnaud Floc’h est d’une grande sobriété afin de ne pas interférer dans le propos du récit.

Pour comprendre au mieux cette période et contextualiser l’album soutenu par Amnesty International, un dossier de cinq pages est adossé au récit. Signé Chantal Lévy, il propose des photos, l’histoire d’Emmett Till, un repère chronologique et une bibliographie.

Emmett Till : reste son sourire, sa faconde. Un symbole fort de ces années de plomb américain. La même année que Rosa Parks et les débuts de la lutte de Martin Luther King.

  • Emmett Till, derniers jours d’une courte vie
  • Auteur : Arnaud Floc’h
  • Editeur : Sarbacane
  • Prix : 19.50€
  • Sortie : 01 avril 2015

Un amour exemplaire

Florence Cestac, grande auteure de bande dessinée, s’associe au talentueux écrivain Daniel Pennac pour présenter leur album, Un amour exemplaire, une histoire d’enfance du romancier dans la région niçoise.
Résumé de l’éditeur :
Quand il était gosse, Daniel Pennac passait ses vacances à La Colle-sur-Loup, sur la Côte d’Azur. Soleil, figuiers et grande treille sous laquelle on joue à la pétanque. C’est là qu’avec son frère Bernard il fait la rencontre de Jean et Germaine : lui, grand chauve façon héron ; elle, maigre, rose et rieuse. Toujours de bonne humeur, ils intriguent avec leur joie de vivre. Pas d’enfants, pas de boulot, Jean et Germaine vivent un amour sans intermédiaire, un amour sédentaire, un amour exemplaire !

Publié par Dargaud, le formidable récit de Daniel Pennac plonge le lecteur dans la région niçoise des années 50. Ami de Florence Cestac, il lui raconte cette fabuleuse histoire d’amour atypique de Germaine et Jean Bozignac et réussit le tour de force de nous y intéresser. Il faut dire que ses deux personnages sont de plus fantasques, à la lisière de la société de l’époque, véritables baba-cool dans l’esprit avant l’heure, ils ne travaillaient pas et passaient leurs journées dans une petite maison près de Saint-Paul de Vence, remplie d’ouvrages en édition originale. Lettrés, ils étaient aussi de vrais épicuriens.

Et le petit Daniel, âgé d’une dizaine d’années, les aimait, adorait écouter leurs histoires farfelues. Ces personnes attachantes avait adopté le futur romancier comme le fils qu’ils n’avaient jamais eu. Ils ne s’encombraient de rien, étaient libres et profitaient au maximum de leur vie. Et c’est ce qui plaisait au petit garçon.

Entre réalité et digressions romanesques, le talentueux romancier livre un album optimiste, touchant et sensible sur des anti-héros simples et d’une grande humanité. Ancien cancre comme il le raconte dans l’excellent Chagrin d’école (Prix Renaudot 2007) et ex-enseignant, il débute l’écriture par la formidable saga des Malaussène en 1985. Dans son parcours d’écrivain, il croise Tardi avec lequel il propose La débauche (Futuropolis), et qui illustrera notamment Le sens de la houppelande (Futuropolis) ou encore Manu Larcenet qui enfera autant avec Le journal d’un corps (Futuropolis).
Il fallait toute la rondeur et l’amour des petites gens de Florence Cestac pour dessiner merveilleusement cet album. La lauréate du Grand Prix d’Angoulême en 2000 apporte son humour à cet amour (vraiment?) exemplaire, qui dura plus de 40 ans.

  • Un amour exemplaire
  • Scénariste : Daniel Pennac
  •  Dessinateur : Florence Cestac
  • Editeur : Dargaud
  • Prix : 14.99€
  • Sortie : 01 avril 2015

Je n’ai rien oublié

Ryan Andrews dévoile son premier roman graphique publié en France, aux éditions Delcourt, Je n’ai rien oublié. A travers quatre histoires, l’auteur américain livre des récits surréalistes, entre fantastique et horreur.

Rouge sang : Une famille de cinq personnes voient leur vie basculer le jour où s’écrasent mystérieusement des oies sauvages sur le toit de leur maison. Après la macabre découverte par les trois fils, les tuiles tachées de sang ne peuvent pas être nettoyées.

Je n’ai rien oublié : Touché par le deuil de son père, un petit garçon s’enfuit dans une forêt. Caché derrière un rocher, il observe, terrifié, une étrange créature sortir d’un tronc d’arbre.

Le tunnel : Un jeune homme se prélasse dans son bain lorsqu’un carreau de faïence tombe dans l’eau. Intrigué par la vision d’un homme minuscule dans le trou béant, il s’aventure dans ce dernier…

Sarah et la petite graine : Un couple stérile de personnes âgées se voit offrir un grossesse inattendue. La vieille dame accouche d’une énorme graine qu’elle décide de planter dans son jardin.

Les quatre histoires très différentes de Ryan Andrews sont construites comme des fables enfantines où l’horreur (léger et peu sanglant) se mêle habilement au fantastique. Les quatre courts-récits d’une belle poésie mettent en scène des personnages lambda, anti-héros dont le destin bascule à l’approche d’un événement surnaturel. Parfois muet (Je n’ai rien oublié) ou économe en écrits et dialogues (Le tunnel), ils ont bénéficié de l’art quasi cinématographique et d’un découpage élégant, soigné et rythmé de la part de l’auteur américain. Il faut dire qu’il a suivi de études d’animateur 3D et a assisté à l’atelier des Beaux-Arts de Watts, près de San Diego.

Son trait en noir et blanc parfois agrémenté de rouge est d’une grande fluidité et efficacité. Les récits Rouge sang et Sarah et la petite graine ont été nominés aux Eisner Awards en 2012 et 2013 dans la catégorie Meilleure bande dessinée numérique.

Je n’ai rien oublié : Une belle petite surprise pour un auteur américain qui gagne a être connu en France.

  • Je n’ai rien oublié
  • Auteur : Ryan Andrews
  • Editeur : Delcourt, collection Outsider
  • Prix : 16.95€
  • Sortie : 25 mars 2015

Mettez des mots sur votre colère

Un photographe parcourt les Etats-Unis pour rencontrer des enfants-travailleurs pendant quatre années et ainsi dénoncer leurs conditions de vie à l’usine. Dans Mettez des mots sur votre colère, Marc Malès réussit le pari de raconter ces existences souvent brisées.
Résumé de l’éditeur :
Début des années 1900, aux États-Unis. Owen Brady, photographe, s’est spécialisé dans la prise d’instantanés représentant des portraits d’enfants. Ils ont tous en commun le fait de venir de milieux défavorisés et d’être, malgré leur âge, obligés de gagner leur vie. Soutenu par le National Child Labour Committee, voilà plus de quatre ans qu’il parcourt le pays dans le but de dénoncer le scandale de l’exploitation de ces jeunes travailleurs. Mais ce combat, il le livre aussi pour lui-même : Owen a été l’un de ces enfants. Ces cicatrices mal refermées ont fait de lui un écorché vif, en lutte contre toutes les formes d’injustices…

Le récit poignant de Marc Malès est librement inspiré du travail de Lewis Hine, grand photographe américain qui dès 1908 parcourut les Etats-Unis pour rencontrer des enfants -travailleurs dans les usines. Travaillant pour le National Child Labor Committee USK (NCLC) pendant 10 ans, il permit aux consciences de s’éveiller aux rudes pratiques des propriétaires de ces entreprises. Pour incarner ce personnage, il lui a imaginé un alter ego Owen Brady et a modifié sa vie pour la rendre plus accrocheuse et notamment un problème psychologique plus profond, une plaie béante avec son passé. Un homme dont les excès sexuels et alcooliques, ainsi qu’une violence larvée font de ce personnage un homme ambivalent, paradoxal mais très humain. Côté pile, Owen en défenseur de l’opprimé, côté face, Owen, malade de ses surenchères. D’ailleurs, il n’épargne rien au lecteur, ni les barbaries des patrons, ni les scènes du photographe qui peuvent choquer.

Son envie d’écrire cette histoire fut décuplée en lisant des ouvrages documentaires du 19e et du début du 20e siècle où la photographie à vocation d’utilité sociale, celle qui permet de mener des combats pour faire évoluer les mentalités. Jacob Riis et les taudis new-yorkais ou encore Walker Evans et les petites gens qui ont souffert de la crise économique des années 30, voilà aussi la force de son récit, puisqu’il est extrêmement bien documenté.

En ce qui concerne la partie graphique, l’auteur d’une adaptation D’un sac de billes (avec Alain Bouton, 1992), propose une version à l’italienne de son album afin de rendre ses planches plus cinématographique. Certaines courent sur une double-page avec de grandes cases pour obtenir un effet cinémascope. Sa méthode en couleur sépia directe a été faite grâce à la technique dite de « l’huile à l’eau » et cela donne un effet rétro très réussi.

  • Mettez des mots sur votre colère
  • Auteur : Marc Malès
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 25.50€
  • Sortie : 11 mars 2015

Pandemonium

Fort de son succès critique pour son premier volume, Sho Shibamoto dévoile le second tome de l’excellente série Pandemonium. Pour ce très bel épilogue, le lecteur retrouve Zipher dans l’univers des êtres difformes rejetés par le monde des animaux saints.

Afin de vous rafraîchir la mémoire, vous pouvez relire la chronique Case Départ du premier volume, ici.

Résumé de l’éditeur, tome 2 :
À son réveil, Zipher constate qu’il est loin d’être le bienvenu au village des difformes… Il entreprend donc de s’attirer la bienveillance des habitants, en espérant qu’ils finiront par accepter de ressusciter sa bien-aimée. En vain : ils persistent à affirmer qu’aucun d’entre eux ne possède ce pouvoir… Et à part Domika, tous souhaitent le voir repartir le plus vite possible !

C’est alors que le petit Brow, fasciné par les feux d’artifice que l’étranger tire chaque soir, dérobe une fusée, causant un gigantesque incendie ! Tandis que les villageois tentent de maîtriser le feu, Zipher se jette dans les flammes et parvient à sauver l’enfant, mais au prix de graves blessures… Cet acte va-t-il enfin jouer en sa faveur ?

Publié par Ki oon, il a fallu que peu de temps pour découvrir la suite et la fin de la très belle saga Pandemonium (premier volume édité en novembre 2014). Sho Shibamoto continue dans la même excellente voie que le premier opus : émotion, quête personnelle et insensée et acceptation de l’autre ; le tout mâtiné de fantastique et d’un petit brin d’humour bienvenue.

Alors qu’il tente désespérément de faire ressusciter sa compagne, Zipher ne trouve pas de réponse. Pire, alors qu’il a sauvé le petit Brow d’un incendie et qu’il pourrait être un véritable héros, il est toujours considéré comme étranger par les hauts dignitaires du village. Certains pensent même qu’il est le coupable des flammes puisqu’il avait apporté lui-même les feux d’artifice.

Pandemonium : Un bel univers, un bon scénario et un graphisme formidable. Une réussite !

  • Pandemonium, volume 2/2
  • Auteur : Sho Shibamoto
  • Editeur : Ki Oon
  • Prix : 15€
  • Sortie : 26 mars 2015

Wild river

Parue une première fois chez Casterman, la série Wild river est rééditée par les éditions du Long bec. Signé Roger Seiter et Vincent Wagner, l’intégrale un beau western se déroulant au début du 19e siècle dans l’Ouest américain, entre trappeurs, animaux, indiens, kidnapping, secte, fleuve et nature grandiose.

Résumé de l’album :
Alors jeune soldat de l’armée américaine, Robert Frazer a participé à l’expédition des capitaines Lewis et Clark entre 1804 et 1806. Pour la première fois, un corps expéditionnaire américain remontait le Missouri, traversait les Rocheuses et descendait la Columbia jusqu’au Pacifique. A son retour, comme tous ses compagnons, il est récompensé par une donation en terres et par une généreuse rémunération. Une fois démobilisé, Robert Frazer s’installe avec sa famille dans une ferme située sur les rives de l’Osage River. En août 1810, Robert quitte sa ferme pour aller chercher son jeune frère James qui arrive de l’Est. Le voyage jusqu’à Saint-Charles va lui prendre une quinzaine de jours. A son retour, la ferme a été attaquée par des guerriers Crows ralliés à la toute récente révolte du chef shawnee Tecumseh. Les Crows ont laissé deux morts sur le terrain et ont enlevé Elisabeth, la jeune épouse de Frazer, ainsi que son fils Joshua, âgé de six ans. Robert Frazer va alors se lancer à la poursuite de la bande pour récupérer sa famille. Cette quête va l’amener à refaire le parcours de l’expédition de 1804, mais en affrontant des populations indiennes en pleine révolte et beaucoup plus dangereuses.

Cette réédition reprend, dans une édition «collector», les trois albums parus entre 2008 et 2011 chez Casterman puis Cleopas, mais dans une version enrichie : mise en couleur complète du tome 3, révision de nombreuses cases par le dessinateur, épilogue en planches inédites, cahier graphique et carnet historique également inédits.

Le duo d’auteurs Seiter-Wagner a l’ habitude de travailler ensemble. Ils ont produit notamment : Mysteries (Casterman, 2006), Venise hantée (Emmanuel Proust, 2012), Sorcières (Long Bec, 2014) et L’or du Rhin (Long Bec, 2014).

Le récit dense (parfois un peu classique néanmoins) de Roger Seiter est très agréable à lire. Equilibré et très efficace, il capte facilement le lecteur, grâce à un contexte historique très bien restitué : le grand ouest américain au début du 19e siècle. Notamment, un moment particulier pour la jeune nation : le basculement d’un équilibre fragile entre les peuples indiens et les colons nouvellement installés, et ce jusqu’à un affrontement quotidien voire sanglant, comme l’explique clairement la préface de huit pages signées Nicolas Kempf (les différents peuples, les trappeurs, les fleuves et la Grande guerre des indiens).

Les multiples histoires dans l’histoire accroche le lecteur. La quête de Robert pour retrouver sa femme et son fils, mais aussi la vie dans les campements indiens, ainsi que la plongée dans la secte Babel.

La partie graphique assez réussie est confiée à Vincent Wagner. Les décors, les costumes, les grandes étendues sauvages, les lieux enneigés et les chevaux sont formidablement dessinés. Quant aux personnages, un peu raides, ils ont un certain charme qui font de Wild river un excellent album.

  • Wild river, l’intégrale
  • Scénariste : Roger Seiter
  •  Dessinateur : Vincent Wagner
  • Editeur : Long Bec
  • Prix : 25€
  • Sortie : 06 février 2015

 Southern bastards

Earl a quitté Craw County depuis la mort de son père, il y a 40 ans. Obligé de vider la maison de son oncle défunt, il y revient pour deux jours mais son séjour va se prolonger après une bagarre dans le restaurant du coin. A ce moment-là, c’est l’engrenage, la violence s’impose et Earl décide de faire la justice. Jason Aaron, associé à Jason Latour, raconte cette descente aux enfers dans Southern bastards, publié par Urban Comics.
Résumé de l’éditeur :
De retour à Craw County, Earl Tubb n’a qu’une chose en tête : vider la maison du vieil oncle Buhl et repartir au plus vite de cette petite ville d’Alabama qu’il a quittée voilà 40 ans. Il suffira d’une altercation avec quelques locaux au diner du coin pour transformer ce séjour en descente aux enfers. Un enfer taillé sur mesure par Euless Boss, coach de l’équipe de football local et ennemi juré de feu le shérif Tubb, paternel d’Earl.

Ce qui aurait pu ressembler à une simple petite histoire d’héritage-succession familial prend une tournure sanglante à partir de la vingt-cinquième page, tel un bon roman de Stephen King. Alors que Earl, vieil homme mystérieux n’avait plus remis les pieds dans sa ville natale de Craw County, il va prolonger son séjour par soif de justice. Son passé douloureux avec Bertrand, son père shérif qui le battait, ressurgit lorsqu’il se recueille sur sa tombe ou lorsqu’il pénètre dans la maison de son oncle. La partie scénaristique de Jason Aaron est formidable, la tension narrative décuple au fil des pages et happe le lecteur facilement.

Il faut dire que son paternel était un dur à cuire, faisant régner l’ordre dans la petite ville. Ancien joueur de foot américain comme par la suite son fils, il fit les beaux jours de l’équipe locale des Rebs. Le lecteur découvre au fur et à mesure, avec parcimonie, quelques éléments de l’enfance d’Earl et les relations qu’il entretenait avec ce père si dur avec lui.

Le récit quasi authentique de Jason Aaron ne verse jamais dans le sordide ni le sanglant mais plutôt dans une violence larvée, exacerbée par l’inaction du nouveau shérif et la mainmise d’Euless Boss, le coach de l’équipe, cinq fois championne du comté. Accompagné d’hommes de main pas très intelligents, son fils Esaw fait la pluie et le beau temps sur la petite cité, entre pots de vin, intimidations et bagarres.

Alors que le lecteur pourrait croire que Earl est une sorte de chevalier blanc, prêt à défendre la veuve et l’orphelin, l’histoire de l’auteur de Scalped est moins manichéenne qu’elle pourrait le laisser croire ; le vieil homme ayant des failles et n’arrivant pas à maîtriser ses pulsions de violence. Jason Aaron en fait un héros, très loin des standards de comics américains. Pour alléger le récit, le scénariste met en place des personnages secondaires attachants tel que Tad, l’adolescent attardé.

La ville de Craw County est aussi un personnage à part entière. Jason Aaron rêvait depuis quelques années de raconter une histoire se situant dans son Alabama natale, après les excellents albums (X-men ou Wolverine). En créant une ville du fin fond de nulle part, il installe une ambiance crasseuse, une cité repliée sur elle-même, sentant la consanguinité, gangrenée par quelques habitants crétins et mal dans leur peau.

En ce qui concerne la partie graphique, le trait vif et anguleux de Jason Latour participe à l’atmosphère de violence décuplée et par l’ambiance autarcique du village. Ce confinement conjugué aux bagarres imposent un rythme paradoxal ; à savoir lent et parfois hyper rapide. Les scènes du passé sont traitées en bichromie rouge et noire, ce qui renforce la dramaturgie et l’intensité de l’histoire.

Les éditions Urban comics proposent un prix de lancement à 10€ et le deuxième volume arrive très vite (en juin) : une très bonne nouvelle.

  • Southern bastars, volume 1 : Ici repose un homme
  • Scénariste : Jason Aaron
  •  Dessinateur : Jason Latour
  • Editeur : Urban Comics, collection Indies
  • Prix : 10€
  • Sortie : 20 mars 2015

Kill la kill

Kill la kill est une série animée japonaise diffusée depuis 2013 sur MBS et en France en téléchargement légale et en streaming. Les éditions Kana dévoilent le premier volume qui en découle, signé Ryo Akizuki, le Studio Trigger et Kazuki Nakashima.

Résumé de l’éditeur :
L’académie Honnōji, un lycée dans lequel règne la peur et la terreur. Celui ci est gouverné par le redoutable conseil des élèves, qui ont la particularité d’utiliser des uniformes Goku. Ces derniers leurs permettent d’être plus fort que n’importe qui, et d’écraser quiconque se dresse sur leur route.
Ryūko Matoi est une fille qui transporte avec elle une moitié de ciseaux géant, et recherche le possesseur de l’autre moitié qui s’avère être l’assassin de son père.
Dans le but de trouver le meurtrier, Ryūko rentre dans l’académie Honnōji pour y défier Satsuki Kiryūin, la présidente du conseil des élèves…

De la folie, des bagarres et beaucoup d’humour, tels sont les ingrédients de Kill la kill. Accrocheur ce manga se lit facilement. Succès télévisuel, les japonais ont eu une bonne idée de l’adapter en dessin, même s’il n’y a pas de différence entre le dessin animé et le manga. Pour cela, ils ont demandé à Kazuki Nakashima, le créateur original et les studios Trigger, de superviser le projet.
La trame est classique et des plus simples : des élèves sont accueillis à l’Académie Honnôji afin de devenir de vrais super-héros dotés de capacités physiques et intellectuelles supérieures à la moyenne. Pour les aider dans cette tache, ils se voient confier des uniformes Goku qui leur délivrent une force incroyable. C’est au nombre d’étoiles sur leur col que l’on devine leur pouvoir.

Entre Ira Gamagôri, président de la section disciplinaire, très strict et Satsuki Kiryuin, la présidente du conseil des élèves, la vie des apprentis est délicate. Et au milieu de ces futurs héros, arrive Ryuko qui tente de percer le mystère de la mort de son père : Satsuki connaîtrait des éléments de ce secret. Armée de son Scissor Blade (la moitié), elle vient défier la présidente sur ses terres.

Le trait de Ryo Akizuki mélange les dessins classiques et les petites figures kawaï. C’est surprenant et ça file à 100 à l’heure. Pour les amateurs du genre.

  • Kill la kill, volume 1
  • Auteur : Ryo Akisuki
  •  Supervision : Studio Trigger et Kazuki Nakashima
  • Editeur : Kana
  • Prix : 6.85€
  • Sortie : 20 mars 2015

Les p’tits diables

Après le premier tome de Grippy (série spin-off, Soleil, 2014), Les p’tits diables sont de retour avec Master frère ! leur dix-neuvième album, publié par Soleil. Pour conter leurs aventures amusantes, Olivier Dutto, leur créateur, est toujours aux manettes.
Résumé de l’éditeur :
Les rapports entre frères et sœurs, un vrai casse-tête que cette série très attachante dépeint de façon hilarante. Une série dont les filles, les garçons, les parents et même les chats… sont fans !!!

Comme dans les volumes précédents, les bêtises et les idioties des P’tits diables font mouche. Composés de gags en une planche, les mini-récits d’Olivier Dutto démontrent comment il est difficile de cohabiter entre frère et sœur. Ajouter à cela, Grippy, un chat un peu cabotin et l’on obtient une famille à la folie-douce.

Olivier Dutto sait parfaitement mouvoir ses personnages préférés puisqu’ils ont fêté leurs dix ans en 2014. Dix années et déjà 19 tomes ! Une très belle entreprise pour celui qui devint élève de l’atelier de création de Didier Tarquin, qu’il rejoindra en 1998 dans l’atelier d’auteurs Gottferdom, qui publie Lanfeust Mag. Il y croisera de nombreux dessinateurs de l’univers du garçon roux aux pouvoirs surpuissants comme Arleston ou Latil.

  • Les P’tits diables, tome 19 : Master frère !
  • Auteur : Olivier Dutto
  • Editeur : Soleil, collection Jeunesse
  • Prix : 10.50€
  • Sortie : 25 mars 2015

Moi non plus

Emilie Plateau, jeune auteure de bande dessinée, vient de rompre avec sa compagne. Son quotidien après cette délicate rupture, elle le raconte dans Moi non plus, un album sensible d’une grande justesse, publié par Misma.

Résumé de l’éditeur :
Se faire larguer c’est déjà pas facile, alors se faire larguer par une perverse narcissique… Là c’est une autre histoire. Il va en falloir à Émilie, des paquets de mouchoirs, des cigarettes, des visites chez le psy, des nuits à errer sur internet, des vidéos de chatons mignons et des vrais amis pour remonter la pente et se libérer de cette relation toxique…
Moi non plus n’est pas le récit d’une séparation amoureuse mais plutôt celui de l’après-rupture. Comment faire face à l’annonce douloureuse d’un « je te quitte » et se relever d’une relation néfaste ? C’est tout le propos du livre d’Émilie Plateau qui sous forme de journal de bord nous raconte les différentes étapes de sa reconstruction.

Il en faut du courage pour raconter un moment si intime dans sa vie ! Et du courage, du recul et de l’auto-dérision, Emilie Plateau en a beaucoup. Elle le prouve dans Moi non plus, un récit délicat, sensible, parfois d’une grande tristesse mais toujours avec une grande pudeur.

L’auteure que nous avions découvert dans un Dopututto Max avec des récits sur les repas dominicaux familiaux, qui nous avaient beaucoup plu, met ici en scène des petits instants simples et de belle émotion. Tensions avec son ex, attirance-répulsion, main tendue, volonté de revenir, tout y passe. Tout le monde se reconnaîtra dans ses situations, tant elles sont décrites avec justesse. Si la situation de départ est sombre, elle distille des moments plus optimistes, grâce à un trait intimiste en noir et blanc.

  • Moi non plus
  • Auteure : Emilie Plateau
  • Editeur : Misma
  • Prix : 12€
  • Sortie : 19 mars 2015

Et pour quelques pages de plus…

Pour compléter notre sélection de la semaine, Case Départ vous conseille aussi les albums suivants :

Monster Hunter

En ce début d’année, les éditions Pika mettent à l’honneur l’univers Monster Hunter, la très belle saga de jeu vidéo. Entre rééditions et nouveautés, les mangas de Ryûta Fuse déferlent en France.

Résumé de l’éditeur (Mosnter Hunter Epic) :
Depuis tout petit, Yamato s’entraîne pour devenir chasseur de monstres. Son rêve : égaler Kuja, son idole de jeunesse. Accompagné de Mui, son amie d’enfance, et de Prof, l’ancien camarade de Kuja, il quitte son village natal de Yukumo à la recherche de quêtes à accomplir. Cependant, il ne tarde pas à découvrir que le métier de chasseur est bien plus difficile qu’il ne l’avait imaginé…

En ce début du mois de mars, les éditions Pika rééditent les deux premiers volumes de Monster Hunter Orage de Hiro Mashima et proposent des nouveautés dans cet univers : Monster Hunter Epic (toujours en cours au Japon) et Monster Hunter Episodes (série complète en 3 tomes), toutes les deux signées Ryûta Fuse, ainsi que Monster Hunter Illustrations 2 (un artbook de 400 pages).

Pour Monster Hunter Epic, la trame scénaristique est simple (trop?) : Yamato se rêve en chasseur de monstres comme peuvent l’être Shiki et Raiga dans l’univers de la saga. Au niveau graphique c’est très bon et d’une extrême efficacité.

Résumé de l’éditeur (Monster Hunter Episodes) :
Retrouvez l’univers de Monster Hunter à travers cinq aventures épiques ! Les chasseurs devront apprendre que les qualités humaines et la bravoure sont parfois plus importantes encore que l’aptitude au combat pour affronter les terribles monstres et réaliser les quêtes de Monster Hunter !

  • Monster Hunter Epic
  • Auteur : Ryûta Fuse
  • Editeur : Pika
  • Prix : 7.20€
  • Sortie : 04 mars 2015

Under the blue sky

(pour un public averti)

Les éditions Taifu comics dévoilent Under the blue sky, un recueil d’histoires d’amour et de romance entre hommes, signé Aki Aoi.

Résumé de l’éditeur :
Kôhei Takagi est un jeune lycéen de Tokyo qui arrive sur une petite île, où il va rapidement se lier d’amitié avec un de ses camarades de classe, Yûta Hoshino. Peu à peu, entre ciel bleu et chant des cigales, leur relation va s’approfondir…

Publié au Japon par Enterbrain en 2014, Under the blue sky (Kimi yoseru blue en version originale) est un recueil de trois histoires indépendantes et qui forment donc un seul manga. Taifu Comics, dans son label Boy’s love, propose donc ce titre en français.

Les trois mini-récits d’Aki Aoi mettent en scène de très belles romances entre hommes ou jeunes hommes dont la première, qui donne le titre à l’ouvrage, court sur une centaine de pages. Quant à la deuxième, elle fait intervenir du fantastique. Douceur et légèreté sont au programme de ce manga. Les hommes y vivent des romances simples et belles, parfois agrémentées de tension dans leur couple. En somme, des histoires d’amour des plus banales. Une belle réussite pour ce petit manga qui n’a de projet que de faire passer un bon moment à ses lecteurs.

  • Under the blue sky
  • Auteur : Aki Aoi
  • Editeur : Taifu Comics
  • Prix : 8.99€
  • Sortie : 26 mars 2015

Le couvent infernal

(album pour adultes)

Les éditions Dynamite, spécialiste dans la bande dessinée pour adultes, proposent le nouvel album de Noé et Barreiro, Le couvent infernal.

Résumé de l’éditeur :
À l’automne 1851, dans le cloître des Marianitas déchaussées, banlieue de la ville de León, une mystérieuse porte cadenassée est découverte dans les sous-sols. En dépit des avertissements du Necronomicon, une nonne imprudente ouvre cette porte, de laquelle s’échappe Belzébuth. La luxure et la dépravation s′emparent progressivement du couvent.
Publié dans le Kiss Comix français, l’histoire Le couvent infernal était encore inédite en album. Le récit de Ricardo Barreiro se situe dans la ville espagnol de Léon, dans un couvent reclus de l’ordre des carmélites. Là, les nonnes sont perverses, prennent du bon temps seule ou vouent un culte à la magie noire. Le scénariste agrémente son histoire de fantastique, comme lorsqu’il y introduit Belzébuth. Le trait réaliste et efficace de Noé donne des planches qui sont imaginées comme de petites peintures.

  • Le couvent infernal
  • Scénariste : Ricardo Barreiro
  •  Dessinateur : Noé
  • Editeur : Dynamite
  • Prix : 16.50€
  • Sortie : 19 mars 2015