Nuit Blanche (Avt-P)

Par Ashtraygirl

Vu le 18/10/11 (Avt-P)

(+++)

Cette année, malgré une assez bonne cuvée, j'attendais encore de trouver LE film français qui m'enthousiasme pleinement. C'est aujourd'hui chose faite avec Nuit Blanche, le dernier-né de Frédéric Jardin. De prime abord, à la lecture du pitch, on pourrait se dire que le scénario fait dans le très léger, et le très déjà-vu. Un a-priori qui pourrait nous tenir éloignés d'un film qui vaut le détour, à plus d'un titre.

Deux flics ripoux dérobent un sac de cocaïne à des trafiquants lors d'une opération sauvage qui tourne au carton. Problème: l'un d'eux est reconnu, et son fils est enlevé en représaille. L'ultimatum: procéder à l'échange de l'otage contre la came. Le lieu de l'échange a été fixé dans une boîte de nuit gigantesque, tenue par des mafieux. Mais quand l'IGS s'en mêle, l'affaire se corse singulièrement, et la partie va s'avérer très serrée. En clair, la nuit promet d'être longue... très longue.

Frédéric Jardin a choisi de traiter son chassé-croisé de flics ripoux et de trafiquants de drogue suivant le mode du huis-clos, procédé qu'il affectionne. A ceci près qu'il s'en réapproprie les codes, en les détournant légèrement. Ainsi, le huis-clos, ici, tient d'avantage à l'unité de lieu et de temps (l'action se déroule quasi exclusivement dans une boîte de nuit... pendant une nuit) qu'au nombre restreint de ses protagonistes. Car il s'agit ici d'un huis clos surpeuplé, blindé de figurants, parmi lesquels une poignée d'acteurs se livrent un combat insoupçonnable, dans un contraste frappant entre l'urgence désespérée animant l'(anti) héros et le divertissement débridé auquel s'adonnent les clubbers.

Le rythme est soutenu, le tempo haletant, le tout filmé caméra à l'épaule pour coller à l'action. Les plans sont électriques, quasi hypnotiques, le montage nerveux, et la tension, elle, ne se relâche jamais, à aucun moment. Le scénario ne cherche pas la complexité absurde, préférant une concision béton. Exempt de fioritures, il ne verse ni dans la pseudo noirceur, ni dans la violence gratuite, privilégiant un réalisme nuancé qui se joue des caricatures.

Le casting, notamment, participe à la réussite implacable du film. A contre-emploi ou non, tous brillent, à commencer par Serge Riaboukine, irrésistible en patron de discothèque qui donne dans la poudreuse et dans l'humour approximatif. Joey Starr confirme qu'il excelle d'avantage à l'écran qu'à l'écoute, phénoménal dans ce rôle de dealer pince-sans-rire, à qui l'on doit la meilleure boutade du film d'ailleurs (j'en ris encore, c'est dire!) tandis que Julien Boisselier décline les gammes de l'attitude glaciale et borderline avec brio. Birol Ünel, quant à lui, évoque un peu un ersatz de Lagerfeld qui aurait opté pour le grand-banditisme au lieu de la mode et Lizzie Brocheré apporte une touche de féminité péchue dans ce casting bourré de testostérone. Enfin, Laurent Stocker, bien que trop peu à l'écran à mon goût, épate dans ce rôle en décélage total par rapport à ses précédentes interprétations, loin de l'image de tendre-timide qu'on lui connaissait dans Ensemble, c'est tout, par exemple...

Mais celui qui focalise les regards, qui capte l'attention, qui bouffe l'écran, clairement, c'est Tomer Sisley. Irréprochable, de bout en bout. Héroïque, et pourtant loin de l'image de golden boy fighter véhiculée par Largo Winch, il encaisse, stoïque, courageux, et surtout désespéré. Trait d'union entre les divers protagonistes de cette affaire, son personnage concentre toute la tension, tous les enjeux du film. Il a mis un point d'honneur à faire de ce type un héros simple, un mec lambda faillible, qui lutte jusqu'au bout du bout pour sauver ce qui lui est le plus cher. Et c'est précisément cette facette du personnage qui créé l'empathie: sa vulnérabilité, loin des clichés des gros bras tenant le haut de l'affiche d'autres films d'action désincarnés.

Parfaitement calibré, sans le moindre temps mort, Nuit Blanche est l'un des meilleurs thrillers français qu'il m'ait été donné de voir. Une vraie belle surprise, sublimée par une rencontre épatante avec Frédéric Jardin et Tomer Sisley après la projection. Je vous conseille ce film à 200% (en salles le 16 novembre prochain).