Le château de Vincennes

Publié le 13 mai 2011 par Monumental

Lorsqu'on sort d'une visite de Vincennes, deux choses vous resteront gravées à jamais : le poids de l'histoire, et l'aspect grandiose du donjon.

Le poids de l'histoire, tout d'abord. On pourrait presque croire que toute l'histoire de France s'est déroulée à Vincennes. On aurait presque raison ! Depuis le relais de chasse du XII e siècle, jusqu'à De Gaulle, qui voyait bien en ces lieux le siège du président de la Cinquième République, tous les moments importants de notre histoire sont passés, de près ou de loin, dans ces murs.

Un relais de chasse existe donc au XII e siècle. Saint-Louis en fait un palais médiéval. La légende veut que ce soit dans la forêt toute proche qu'il rende la justice sous son fameux chêne. Un chêne fut d'ailleurs planté dans le parc, rappelant cet évènement, en... 1952 !
La Guerre de Cent ans bat son plein, lorsque Jean II le Bon décide d'y batir un donjon, encore absent. Mais c'est Charles V, son fils, qui le fera. Avec son maître d'oeuvre Raymond du Temple, il construit un donjon impressionnant de 52 mètres de haut, en 8 ans seulement, de 1365 à 1373. Il est d'ailleurs le plus haut d'Europe depuis l'explosion du donjon de Coucy (dans l'Aisne), par les allemands, en 1917. Cette construction tout simplement démesurée : 52 mètres, 6 niveaux, tous voûtés en ogives. On peut se demander comment la structure peut bien tenir !


Charles V lance le chantier, alors que la population de Paris vient de se rebeller contre le pouvoir, sous la houlette d' Etienne Marcel, prévôt des marchands. Il est le premier à comprendre que la population parisienne est bien remuante et qu'il faut pouvoir en rester éloigné de temps en temps. François Ier, avec Fontainebleau et le château de Madrid (à l'opposé, à Boulogne), puis Louis XIV, à Versailles, ne font que reprendre cette idée.

La Sainte-Chapelle est lancé en 1379. Mais Charles V meurt en 1380, et c'est son fils, Charles VI qui poursuit l'oeuvre, qui ne sera réellement terminé que par Henri II. Le portail, notamment est l'un des premiers chef d'oeuvre du gothique flamboyant. S'inspirant de la Sainte-Chapelle de Saint-Louis, pour les vitraux, elle ne comporte cependant qu'un seul niveau.

Les XVI e et XVII e siècles voient les souverains régulièrement venir à Vincennes, pour chasser, bien sûr, mais aussi, pour s'y réfugier (guerres de religion, notamment).

Louis XIV, grand chasseur, a une affection particulière pour ces lieux. Il y fait des constructions importantes : le pavillon de la Reine, pour Anne d'Autriche, sa mère, et pour lui même, avec le pavillon du Roi, son reflet, dans la parc. Il y vient régulièrement jusqu'à son installation à Versailles, en 1682.


Vincennes perd alors son rôle de résidence royale, mais devient un arsenal militaire de premier plan. Napoléon adapte d'ailleurs les lieux à l'artillerie par un décret du 16 mars 1808, en arasant les tours de l'enceinte.

L'armée continue d'occuper les abords du château aujourd'hui. De Gaulle, après la guerre aurait aimé que le domaine de Vincennes (re)devienne la demeure du chef de l'état : facilité pour fuir, en cas de problème (on pense à la guerre, bien sûr, mais aussi aux évènements de 68), mais Churchill lui aurait dit qu'on ne peut gouverner sérieusement, au XX e siècle, en dehors de la capitale. De Gaulle garde donc le palais de l'Elysée, comme résidence présidentielle.

Bien lui en a pris, car nous sommes libres aujourd'hui de visiter ces lieux grandioses, même si l'armée campe toujours autour de l'enceinte médiévale. De nombreux ministères y ont toujours des locaux, comme ceux de la Défense ou de la Culture. Cette occupation ministérielle induit que beaucoup de bâtiments, pour le plupart du XIX e siècle, sont fermés au public, tout comme les deux pavillons d'époque Louis XIV.

La visite consiste donc à entrer dans le donjon et la Sainte-Chapelle. Cela peut paraître maigre, lorsque l'on a détaillé tous les bâtiments présents, mais cela n'enlève rien à la majesté du domaine.

Tous les extérieurs sont accessibles gratuitement. Et l'on voit beaucoup de gens, à l'heure du déjeuner, manger tranquillement un sandwich, sur les parterres de gazon, par une belle journée ensoleillée. Le billet comprend donc le donjon et la chapelle.

Il y a peu de temps que les niveaux supérieurs du donjon (4 à 6) et la terrasse sont accessibles. Cependant, il faut impérativement suivre la visite commentée pour y aller. Et il faut y aller, ne serait-ce que pour la vue ! A 52 mètres, la vue sur Paris est imprenable. Elle rappelle celle depuis l'Arc de Triomphe, ou celle du Panthéon.

Le donjon a subi une grande campagne de restauration durant près de 12 ans. Le résultat est fantastique ! La chapelle a également été restaurée, ce qui confère à l'ensemble une grande homogénéité. Les deux édifices de la seconde moitié du XIV e siècle sont deux exemples assez incroyables de l'art de bâtir, dans une période que l'on dit sombre, à cause de la guerre de Cent Ans. C'est pourtant, à Vincennes, un certain aboutissement. Ce donjon est une merveille. A l'intérieur, des restitutions de lambris, qui couvraient tous les murs, nous rendent l'atmosphère médiévale. Charles V avait choisi des chênes venant de Sibérie et de la Baltique pour couvrir ses murs. Ces arbres, habitués aux grands froids, étaient censés moins travailler ensuite. Une voûte possède encore ces lambris d'origine !

Sans parler des peintures murales dans la chambre de Charles V. Nous sommes dans l'intimité royale, avec des décors colorés comme on en voit peu dans les logis civils.

La Sainte-Chapelle a d'ailleurs des peintures sur ces voûtes, d'époque Henri II, avec son monogramme et celui de la Reine, Catherine de Médicis. De grands vitraux amènent une lumière éclatante, comme dans la Sainte-Chapelle, décidément indissociable.

Il faut du temps pour visiter Vincennes. D'abord parce que le lieu le mérite. Le poids de l'histoire se mesure à l'aune du temps où l'on arpente les niveaux supérieurs du donjon (occupation allemande durant la deuxième guerre mondiale, par exemple), le fossé autour, ainsi que l'un des premiers escaliers d'honneur connu !

Mais il faut du temps aussi car l'organisation du monument est étrange. En effet, la Chapelle n'ouvre que quelques minutes toutes les heures (ne rater pas l'heure !), et pour découvrir les niveaux supérieurs du donjon (immanquables, le point d'orgue), il faut suivre une visite qui ne se déroule que 2 fois par semaine pour l'instant, le mercredi et le dimanche (réservez si vous voulez vraiment y assister) ! Souhaitons que cela soit temporaire, car beaucoup seront frustrés, et ce n'est pas le sentiment que vous devez avoir en quittant Vincennes.

Malgré cela, le domaine de Vincennes est une pure merveille qu'il faut absolument connaître, lorsque l'on s'intéresse à l'architecture et à l'histoire. 800 ans vous contemple à Vincennes !

Infos, réservations : vincennes.monuments-nationaux.fr