Lotic – Heterocetera

Publié le 09 avril 2015 par Hartzine

C’est sans doute un des trucs les plus bizarres et les plus cool que j’ai pu écouter en ce début d’année. Lotic, c’est un type qui est né au Texas et qui vit à Berlin, dont je ne sais pas grand chose, à part qu’il est black, pédé et franchement queer – déjà, c’est séduisant. Après quelques mixtapes (dont une où il arrive à rendre intéressante cette mystérieuse chanson de Sofiane, Dingue de toi, double sic!), il a sorti fin janvier un EP tout entier chez le très cool label Tri Angle. On l’a aussi vu dans une Boiler Room à Berlin, clairement orientée sur les scènes booty, dancehall et r’n’b. Cinq morceaux entre deux et quatre minutes, c’est court et efficace, même si à dire vrai, on ne sait pas bien où on est.

Je dirais que c’est une sorte d’EP techno, hip-hop, percussion, vogue, expérimental… On y retrouve beaucoup de glitch, des stridences, un sample du Ha Dance de Master At Works, des petites nappes de synthé bouclées. Des trucs qui ressemblent à du vocal mais qui doivent sortir d’une machine ; il y a des airs à la fois de Vessel, de Jon Hopkins et de la famille Xtravaganza…

Paradoxalement, ça fait aussi penser au travail de Brian DeGraw (bEEdEEgEE) de feu Gang Gang Dance, notamment à l’album Revival Of The Shittest. On retrouve un souci du collage, de l’assemblage, et de la dérobade. Quelque chose qui se fait dans un déséquilibre maîtrisé, et qui ne s’en tient pas vraiment à la question mélodique. Il y a quelque chose d’expérimental au sens le plus noble du terme.

C’est le genre d’EP où l’on a le sentiment qu’un truc assez important se passe, mais on ne sait pas trop quoi en dire. C’est un assemblage hétéroclite et vraiment bizarre, une musique queer, même si ça fait un peu cliché. Le titre de l’EP nous plonge quand même dans le bain. Il y a un côté provocateur aussi, parce que ça joue avec des codes de ce que l’on peut connaître et reconnaître, et ça sans jamais vraiment tomber dans un schéma traditionnel. En gros, on est bien embêté pour parler de ce qu’il se passe mais il se passe un truc, un vrai truc. Quelque chose qui a à voir avec un souci qu’on a pu retrouver à la fois dans des expérimentations hip-hop, dans des expérimentations « concrètes » ou dans des choses beaucoup plus électroniques. C’est hétéroclite mais ça fonctionne, ça fonctionne même très très bien.

Il y a sans doute quelque chose de la fascination qui opère dans ces collages, assemblages, dans ces agencements un peu étranges, une manière de poser la basse, la percussion, les nappes et des bruits inattendus. Dans cette manière aussi d’appréhender le Ha Dance qui est pourtant un des morceaux les plus samplé de l’histoire de la musique, notamment par toute la scène vogue house, ou par les mecs de Fade To Mind. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment sans rappeler aussi Nguzunguzu qui, si mes souvenirs sont exacts faisaient il n’y a pas si longtemps les tournées avec Gang Gang Dance justement. Il y a vraiment peut-être quelque chose qui est en train de se passer dans toute cette scène-là, un truc qui déplace les codes et les attentes. Un truc qui fait le croisement entre une certaine scène de caves berlinoises, de club anglais, et de parties un peu secrètes à NYC. Ça fait une généalogie et une géographie vraiment bizarre, mais peut-être aussi que c’est une scène qui se dessine.  Peut-être en fait que ça fait date. En tout cas j’ai le sentiment que ça produit un récit inédit et ça, déjà, dans la production musicale, c’est toujours plus que salutaire.

Audio