Dadaïsme

Publié le 16 avril 2015 par Aelezig

Dada, ou le dadaïsme, est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui, pendant la Première Guerre mondiale, se caractérise par une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, esthétiques et politiques. Le dadaïsme connaît une rapide diffusion internationale.

Ce mouvement met en avant un esprit mutin et caustique, un jeu avec les convenances et les conventions, son rejet de la raison et de la logique, et marque avec son extravagance notoire sa dérision des traditions et son art très engagé. Les artistes se veulent irrespectueux, extravagants en affichant un mépris total envers les " vieilleries " du passé. Ils cherchent à atteindre la plus grande liberté d'expression, en utilisant tout matériau et support possible. Ils ont pour but de provoquer et d'amener le spectateur à réfléchir sur les fondements de la société.

Hugo Ball déguisé en phallus au Cabaret Voltaire

Le déclenchement de la Première Guerre Mondiale transforme la paisible capitale de la Suisse alémanique, Zurich, en berceau d'un mouvement artistique inédit dont le nom Dada est trouvé dans des circonstances légendaires et controversées en février 1916.

Début 1916, Hugo Ball, écrivain, traducteur de littérature française et dramaturge allemand, exilé à Zurich depuis 1915, et sa compagne Emmy Hennings, poète et danseuse, fondent le Cabaret Voltaire et en annoncent l'ouverture, dans la presse zurichoise, pour le 2 février. Ils invitent les " jeunes artistes et écrivains dans le but de créer un centre de divertissement artistique, [...] à [les] rejoindre avec des suggestions et des propositions. "

Dans une lettre de janvier 1921 adressée à des artistes new yorkais, Tzara explique les circonstances de l'invention du nom : " [...] j'étais avec des amis, je cherchais dans un dictionnaire un mot approprié aux sonorités de toutes les langues, il faisait presque nuit lorsqu'une main verte déposa sa laideur sur la page du Larousse - en indiquant d'une manière précise Dada - mon choix fut fait. "

La controverse vient de Richard Huelsenbeck qui en a toujours revendiqué la paternité : " Le mot Dada a été découvert par hasard dans un dictionnaire allemand-français par Hugo Ball et moi, alors que nous cherchions un nom de théâtre pour Mme Le Roy, la chanteuse du Cabaret. ".

Au bout de six mois, en juillet 1916, les protagonistes du Cabaret Voltaire veulent créer une revue et une galerie. Mais Hugo Ball s'oppose à l'idée de faire de Dada un mouvement artistique. Les dadaïstes créent tout de même une maison d'édition et une galerie. Le mouvement dérive des spectacles spontanés des cabarets à la programmation d'événements. Il converge vers la danse, probablement grâce à Sophie Taeuber. Durant cette expérience, Huelsenbeck quitte le mouvement zurichois, l'assimilant à un petit commerce artistique, pour aller relancer Dada à Berlin.

La fontaine, de Marcel Duchamp

À Berlin, le mouvement repart à partir de quelques soirées au Un peu avant la fin de la guerre, des mouvements Dada sont créés dans les grandes villes allemandes : Berlin, Hanovre et Cologne. Les différents Café des Westens, en février 1918, par des artistes tels Huelsenbeck et Grosz. Leur posture est de se battre contre l'expressionnisme, de se présenter comme adversaires de l'art abstrait, d'aborder des sujets politiques tels la guerre - une nouveauté par rapport à l'époque zurichoise -, et d'intégrer le scandale maximum dans leur démarche. Dada prend un tour nettement offensif. Le public afflue à Berlin pour voir le phénomène et des soirées Dada s'organisent dans toute la ville. Manifestes parviennent à Paris, malgré la censure et le " bourrage de crâne " contre tout " germanisme ".

Courant 1917 et 1918, le mouvement s'internationalise. À Zurich, l'improvisation des débuts est remplacée par une programmation plus institutionnalisée. De nouvelles personnalités, comme Walter Serner, émergent, et une visite au Cabaret Voltaire reste un passage obligé pour tous ceux qui veulent participer à Dada. Ainsi Francis Picabia s'y présente, publie un numéro spécial de sa revue 391 sur Zurich, tout en réalisant, à New-York, avec Marcel Duchamp et d'autres, des événements Dada, comme le Salon des Artistes Indépendants, où est présentée (mais refusée) la Fontaine de Marcel Duchamp.

Après quatre années passées à Zurich, Tristan Tzara décide de rejoindre Paris en 1919, pour donner à l'anarchie Dada un nouvel élan. Au moins deux œuvres, qualifiées a posteriori de prédadaïstes, ont déjà sensibilisé publics et artistes parisiens à la manière Dada : et le ballet . Ces œuvres donnent des héros aux artistes : Alfred Jarry, l'auteur du premier, et Erik Satie, compositeur du second.

À Paris, de nombreuses incompréhensions apparaissent. Certains défendent une tradition qu'ils disent zurichoise et refusent toute notion d'art mais d'autres pensent que Dada porte en lui les germes d'une nouveauté. Les discussions, souvent violentes, entrainent une scission dans le mouvement Dada, le séparant d'un coté en artistes de tradition zurichoise, mouvement qui dépérira, et de l'autre coté des artistes qui se rassemblent autour de Breton et donneront le surréalisme.

Le mouvement vit au rythme des soirées et spectacles que les artistes organisent, spectacles qui cristallisent les différences de position, mais font souvent l'événement à Paris. Le public, en nombre, assiste à des pièces de théâtre jamais répétées, des concerts impossibles à jouer, grâce à quoi le public se met à crier au scandale, à envoyer tomates, œufs, et côtelettes de veau sur les interprètes...

Tête mécanique, Raoul Hausman

Selon l'historien Marc Dachy , le procès contre Maurice Barrès, en 1921, marque la décomposition véritable des dadaïstes. La Mise en accusation et jugement de Maurice Barrès pour crime contre la sûreté de l'esprit n'est pas sans déplaire à Tzara, Francis Picabia, Georges Ribemont-Dessaignes, Erik Satie, ou Clément Pansaers, qui s'opposent à l'idée d'un tribunal. Tzara n'intervient que comme témoin, laissant à Breton le soin de diriger le procès. Le procès tourne rapidement en plaisanterie, ce qui n'était pas le souhait de Breton.

Le fondateur du mouvement quitte violemment la salle, aussitôt suivi par Picabia et ses amis, au moment où Aragon commence son plaidoyer, plus contre le tribunal que contre Barrès, qui fut cependant condamné à vingt années de travaux forcés.

Les artistes Dada, après le procès, ne sont plus capables d'organiser des événements ensemble, tant les disputes entre eux sont vives et déplaisantes. Ils évoluent en différents clans mouvants : les dadaïstes (Tzara), les surréalistes (Breton, Soupault), ou les anti-dadaïstes qui sont aussi des anti-surréalistes (Picabia).

Au mois de juin suivant, en 1922, le salon Dada organisé par Tzara à Paris est dédaigné par André Breton, et Marcel Duchamp refuse tout envoi pour cette exposition. La soirée Dada du 6 juillet 1923 organisée par Tristan Tzara au théâtre Michel marque la rupture définitive entre Dadaïstes et les futurs surréalistes (André Breton, Robert Desnos, Paul Éluard et Benjamin Péret). Face aux violentes interruptions de ces derniers : Breton, d'un coup de sa canne, casse le bras de Pierre de Massot, et la police intervient. La soirée prévue le lendemain est annulée...