Taxi Téhéran, film manifeste

Publié le 19 avril 2015 par Unionstreet

Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion…

Artiste multi-récompensé mais censuré dans son pays d’origine, l’iranien Jafar Panahi revient dans les salles auréolé d’un Ours d’Or pour son nouveau film Taxi Téhéran. Petit chéri des festivals, il collectionne les récompenses dont l’Ours d’Argent du meilleur scénario en 2013, le Grand Prix du Jury à la Berlinale de 2006,  le Prix du Jury d’Un Certain Regard en 2003 ou encore le Lion d’Or en 2000. Des récompenses méritées, même si l‘Ours d’Or paraît être un acte politique saluant le courage d’un réalisateur dont le parcours est semé d’embûches. Emprisonné l’année où il est jury à Cannes, il est depuis relâché mais le gouvernement lui interdira de quitter le territoire et de pratiquer son métier. Mais le courage est celui de défier le gouvernement et de continuer de réaliser des films en cachette (Ceci n’est pas un film) et de les faire circuler dans les festivals du monde entier (ce film avait quitter l’Iran dans une clé USB cachée dans un gâteau). Mais Taxi Téhéran marque une rupture totale dans la forme de la contestation.

Terminé les films clandestins tournés dans son appartement. Taxi Téhéran est tourné dans une voiture, à visage découvert, au nez et à la barbe de l’Etat. Mise en abîme jouissive où le réalisateur s’amuse à brouiller les pistes de la fiction et du documentaire, son film est une charge drôle et plaisante, intelligente où l’entraide et le dialogue font rempart à la censure. La scène d’introduction, l’une des plus réussie, est une plongée dans Téhéran, une vision de l’Iran de l’intérieur comme il est rarement possible d’en voir. La deuxième scène la plus forte est celle de la fin, qui renvoi directement au vécu et à la filmographie du réalisateur. Un final qui rappelle que le film a peut être été vu premièrement par l’Etat lui même surveillant Panahi. Entre temps s’invitent l’absurde, la poésie, la résistance. L’horreur aussi quand la nièce du réalisateur intègre la censure iranienne dans son futur processus de réalisatrice. Il faut de plus reconnaître le courage de ces acteurs, osant jouer avec un réalisateur interdit, se mettant en danger pour jouer dans un film libre et frais.

Quelques esprits chagrins critiqueront le manque de gravité où le nombrilisme de Jafar Panahi, d’autres adoreront critiquer ce film non critiquable de part son courage et sa volonté formelle à faire vivre l’Art quel qu’en soit le prix. Pourtant, loin de n’être qu’un film politique fauché, Taxi Téhéran est en réalité une oeuvre ingénieuse, un objet cinématographique rare et précieux qui, grâce à son accessibilité devrait être vu par nombre de spectateurs dans les trente pays où il a été, par chance, distribué.

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