A la découverte d’Elisabeth Towns

Par Meganec

     Imaginez vous en train de vous promener tranquillement, quand soudain vous rencontrez un groupe de personnes affairé autour d’une petite boîte à thé. Certains d’entre eux la fixe incessamment, sans bouger, tandis que d’autres vérifient qu’elle est stable et ne risque pas de tomber. A première vue vous pourriez penser être tombé sur une bande de fous, peut être une quelconque secte rendant hommage à la divine boîte à thé, mais il n’en est rien ! Les gens que vous voyez sont en fait des photographes, amateurs ou confirmés, partis en expédition, à la manière d’Albert Londe et de sa Société d’Excursion des Amateurs de Photographie, pour faire des images au sténopé. Et si vous cherchiez à intégrer ce petit groupe, vous découvrirez alors un univers photographique original dans lequel Elisabeth Towns évolue depuis des années, dans le cadre de l’association Oscura.

     Qui dit association dit collectif, et c’est là un des rouages les plus plus importants de la pratique photographique d’Elisabeth Towns. Cette artiste a découvert le monde de la photographie par le biais du travail de tirage en laboratoire – ce qu’elle appelle la postproduction de la photographie – et ce notamment pour le compte de l’association Oscura. Assez rapidement, elle s’est rapprochée de ce groupe qui a pour but de relier le patrimoine bâti aux habitants qui vivent autour, et en est finalement devenue un des membres les plus actifs. Oscura se voit donc comme une association à visée sociale et son outil de médiation est le sténopé, un appareil a priori simple mais qui demande beaucoup de rigueur. Ainsi, ce collectif propose aux participants de se mobiliser pendant environ trois jours, pour apprendre à utiliser cet appareil photographique atypique, faire des images et surtout, être capable de transmettre cette pratique. Le corpus de photographies ainsi réalisé n’a donc pas un unique auteur puisque plusieurs personnes collaborent à la création d’une image. De cette façon, la notion d’auteur disparaît au sein de cette pratique participative, et Elisabeth Towns aime d’ailleurs utiliser l’expression de « signature collective » lorsqu’elle caractérise ce travail. L’auteur s’efface donc, mais l’acteur quant à lui est célébré. Parfois malmenée par le temps de pose qu’impose l’usage du sténopé – et qui fait dire à Elisabeth Towns que « l’instant décisif ne se situe pas au moment de la pose » dans cette pratique –, la personne photographiée n’est pas un simple modèle immobile mais un acteur qui agit dans la photographie.

     En parallèle de cette pratique collective, Elisabeth Towns a aussi développé un travail plus personnel. Ainsi, après une vingtaine d’années à travailler en groupe, cette artiste a ressenti le besoin de s’isoler régulièrement pour prendre le temps de s’immerger dans des lieux et les photographier au sténopé. Comme dans le cadre de l’association, la plupart des photographies réalisées sont soit des portraits, soit des paysages, en noir et blanc. La principale différence est la construction même des images qui paraissent plus travaillées, plus réfléchies, et sont bien souvent des prises de vue réalisées en pleine nature, quand l’association Oscura reste plutôt en ville. A travers cette pratique individuelle, Elisabeth Towns renverse donc un processus qui lui tient à cœur et dans lequel elle évolue encore aujourd’hui, pour finalement donner sa place à son statut d’auteur, tout en continuant d’aller vers les autres, parce que pour elle, c’est toujours l’humain qui prime.

[Les images viennent du site http://www.vuesimprenables.com/ ]


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