Grande interview de Raúl Zaffaroni pris à parti par Sergio Massa [Actu]

Publié le 04 mai 2015 par Jyj9icx6
Vendredi, en plein 1er mai, jour férié en Argentine comme ailleurs, Sergio Massa (1) a lancé officiellement sa campagne électorale pour l'élection à la présidence de la Nation en avertissant bien fort que son Argentine ne serait pas « celle de Zaffaroni ». Une petite phrase polémique qui confirme le tournant qu'il a pris il y a plusieurs mois, un tournant qui le situe de plus en plus en adversaire du développement des droits de l'Homme et de la justice sociale dans le pays. Cela a le mérite d'être clair.

Raúl Zaffaroni
Photo Página/12


Página/12 n'a pas laissé passer cette provocation sans réagir et le quotidien de gauche a publié hier dimanche une très longue interview du juriste qui s'est plié à l'exercice avec son talent, sa tempérance et sa pédagogie habituels. Contrairement aux autres membres de la Cour Suprême argentine, Raúl Zaffaroni présente la singularité d'être un pénaliste, reconnu internationalement qui plus est, et un polyglotte très ouvert sur les pratiques judiciaires de nos vieilles démocraties européennes. Une ouverture qui manque à beaucoup de décideurs argentins qui pour la plupart ont voyagé dans le monde (surtout Etats-Unis et Europe) pour le loisir sans tisser des relations professionnelles suivies dans des pays situés hors de l'Amérique latine. Il en découle une sorte d'endogamie intellectuelle qui n'aide pas les institutions du pays à croître en efficacité et en crédibilité démocratique. Raúl Zaffaroni s'exprime d'un ton modéré, rare en Argentine, en exposant des arguments logiques, de bon sens, bref c'est tout à la fois un formidable vulgarisateur de sa matière (pourtant aride et très technique) et un pacifiste, non pas un provocateur agité et polémique...
D'ailleurs, mes lecteurs le connaissent déjà un peu, c'est un ancien magistrat de la Cour suprême qui a renoncé à ses fonctions à la fin de l'année dernière à l'âge de 75 ans pour ne pas s'incruster à vie dans une institution qui a besoin de renouvellement régulier pour être authentiquement démocratique. Il répond aux questions de Martín Granovsky au moment où son ancien collègue, Ricardo Lorenzetti, un homme de droite qui revendique ses prises de position partisanes, vient de se faire réélire pour la énième fois à la tête du plus haut tribunal du pays.
Pour aller plus loin : lire l'article de Página/12 écouter l'interview de Raúl Zaffaroni sur Radio Nacional (où il est très présent) lire l'interview de Gabriela Vázquez, présidente du Conseil de la Magistrature, sur les comportements anti-démocratiques de l'opposition qui, au Sénat, empêche l'examen de la candidature de Roberto Carlés, magistrat jeune (et lui aussi très intégré dans la communauté professionnelle internationale) nommé par le Gouvernement pour occuper le siège laissé vacant par Raúl Zaffaroni à la Cour Suprême (le Congrès doit ratifier les nominations à la Cour suprême comme celle des Ambassadeurs en poste à l'étranger).
(1) Sergio Massa a lancé en fait sa candidature à la présidence il y a plus de deux ans, en se présentant aux élections législatives de mi-mandat. Ancien et éphémère Premier ministre (Jefe de Gabinete) de Cristina Kirchner, lors de son premier mandat, ex-maire remarquable et remarqué de la ville de Tigre, dans la banlieue nord et cossue de Buenos Aires, dans le Delta du Paraná, issu donc des rangs du Frente para la Victoria (formation des Kirchner), il a fondé le Frente Renovador, dont il apparaît de plus en plus qu'il n'est sans doute que le masque civilisé d'une droite autoritaire, machiste et fort hostile aux ONG des droits de l'Homme, lesquels sont surtout dirigées par des femmes. Or ce sont essentiellement ces ONG qui ont initié et qui garantissent aujourd'hui le processus de démocratisation des institutions que l'Argentine est la seule ou presque à opérer dans le sous-continent.