Dans la nature indifférente

Publié le 10 mai 2015 par Christian Cottet-Emard

Pendant que l’agriculteur sillonne les champs au loin avec son tracteur tu tonds tes trois mille mètres carrés autour de la maison et tu te demandes si cela peut bien avoir un sens pour la nature


Lui et toi rudoyez un peu la nature quoique les fleurs et le foin repoussent mieux s’ils sont fauchés
Ni lui ni toi n’êtes à genoux devant la nature même si vous aimez la contempler de temps en temps pour vous raconter des histoires (surtout toi)
D’ailleurs la nature n’a pas plus d’affection particulière pour vous que pour qui que ce soit et elle ne se raconte jamais d’histoires
Elle est comme une femme qui n’aime pas être aimée de manière trop sentimentale et puis comment pourrait-elle être aimée par cette partie d’elle-même que vous êtes l’agriculteur et toi ?
Pousser la tondeuse pendant des heures ne t’amuse pas mais cela te permet de penser à tes livres en cours d’écriture et à leurs improbables ou mystérieux destinataires
À cette vie plus écrite que vécue depuis la prairie et les vallons où tu essayes de te tenir le plus possible à distance du monde illisible et de ses principaux chagrins
Rien que de très artificiel et d’assez peu écologique en somme te dis-tu en versant de l’essence dans ta tondeuse et en gardant toujours un œil sur ce qui pourrait surgir d’un buisson d’une haie des confins du cosmos ou d’une simple flaque d’eau

© Ed. Orage-Lagune-Express, 2015