L’agriculture bio est devenue un secteur économique à part entière

Publié le 11 mai 2015 par Blanchemanche
#agriculturebio
Le secteur de l’agriculture biologique est en pleine croissance. Mais ce développement suscite des questions quant à son uniformisation, le choix de l’exportation ou encore sa philosophie première.« Le bio fut une idée, puis une technique, c’est maintenant un secteur », annonçait Nicolas Bouzou du cabinet Astares le 16 avril dernier. C’est plein d’enthousiasme pour ces perspectives de croissance que l’économiste a présenté son étude « La transformation bio face au défi de la croissance » réalisée pour la fédération Natexbio qui regroupe les entreprises de la bio, soit 3 000 PME/TPE et 20 000 collaborateurs. [1]Nicolas Bouzou
De même que l’agriculture bio est le secteur le plus dynamique de l’agriculture, de même les produits transformés bio deviennent un des moteurs de l’industrie agro-alimentaire. Oui, l’IAA. Car « le bio n’est plus de l’artisanat, mais de l’industrie », déclarait l’économiste au risque d’écorcher des oreilles nostalgiques de passé et de philosophie.D’ailleurs, c’est dans le parc des expositions de Villepinte, zone d’activité industrielle et économique, que se déroulera du 18 au 20 octobre Natexpo« C’est un rendez-vous d’affaire, précise l’organisatrice Patricia Berthomier-Massip, de la Spas, fière de la dimension internationale que prend ce salon réservé aux professionnels et qu’elle entend ouvrir de plus en plus à l’international sur les traces de grands marchés bio comme la foire mondiale Biofach à Nuremberg en Allemagne. La surface 2013 est déjà dépassée. On doit repousser les murs avec 1600 m2 supplémentaires ! » 12 000 visiteurs français et internationaux et 600 exposants sont attendus sur 15 000 m2 pour découvrir les nombreuses innovations. Car les entreprises bio s’avèrent plus innovantes que les conventionnelles. En 2013, 42 % d’entre elles ont lancé de nouveaux produits.Le chiffre d’affaire de la transformation des produits bio [2] représente 2,86 milliards, soit 2,3 % de la production de l’industrie agro-alimentaire. Cela paraît peu, mais les indicateurs sont prometteurs de croissance. Quand le chiffre d’affaire de l’ensemble de l’IAA progressait de 2 % en 2013, celui des entreprises de l’aval de la filière bio affichait + 14 %. C’est à rapprocher de la hausse de la consommation (+ 9 % selon l’Agence Bio) dans un contexte de stagnation de la consommation des ménages (+ 0,3 %). Quant à l’emploi, s’il recule de 1 % (Insee) dans l’IAA, il a progressé de 3 % entre 2012 et 2013 chez les bio.

Perte de diversité ?

A l’inverse de bien des domaines de l’industrie française en surproduction, la demande est plus forte que l’offre. L’appareil productif des entreprises est sous-dimensionné et surtout, les surfaces bio ne progressent pas assez vite, ce qui contraint l’offre. C’est une exception dans l’économie française, remarque Nicolas Bouzou. Pour lui, même si les entreprises ont régulièrement réinvesti dans leur outil, désormais leur développement est conditionné par l’apport de nouveaux investissements et de capitaux extérieurs.Preuve que le bio est un secteur et non plus une niche, les marges nettes. Si elles restent supérieures, notamment pour les fruits et légumes, les viandes et les produits laitiers, depuis 2009 elles baissent et se rapprochent de celles des entreprises conventionnelles (2,8 % en 2013). Attirés par le succès, l’arrivée de nouveaux acteurs génère de la concurrence et accroît le pouvoir de négociation de la distribution. C’est aussi cette baisse de marge qui réduit la capacité à investir. De fait, dans les prochaines années on devrait voir de plus en plus d’entreprises se concentrer pour se renforcer, optimiser les coûts, se recapitaliser, ce qui a déjà commencé.Peut-on craindre une perte de diversité dans le tissu entrepreneurial bio ? Plus simplement dit, un paysage où il ne resterait que de très grosses entreprises, voire des géantes, avec des petites entreprises pour la vitrine artisanale, de moins en moins d’entreprises de taille moyenne, des marges au ras des pâquerettes dans un contexte de guerre commerciale ?Le secteur attire suffisamment de nouveaux entrants pour que coexistent de grandes entreprises issues de rapprochements régionaux voire transnationaux et des petites entreprises, explique Nicolas Bouzou, rassurant. Benoit Soury président de la fédération Natexpo complète : « Nous n’avons de toutes façons jamais recherché l’uniformisation, les filières restent équilibrées. Ce qui compte surtout, c’est de ne pas être en déphasage avec la production agricole. »
Benoit Soury
Pour lui, le regroupement d’entreprises devrait faciliter les négociations, notamment avec la distribution. Et d’ajouter, tel un gage de bienveillance, que les acteurs historiques sont encore très présents. « On a besoin d’avoir de bonnes relations avec nos fournisseurs, d’ailleurs, nos contractualisations vont plus loin que les textes de Bercy. »

LE ou LA bio ?

Si le bio est devenu un « vrai secteur » symbole de « ce cycle de croissance nouveau qui n’a plus rien à voir avec celui des Trente glorieuses », comme s’enthousiasme Nicolas Bouzou, on peut quand même se demander si le schéma de développement qu’il dessine est novateur. On s’interroge même lorsque pour accompagner la croissance bio, il préconise de développer les exportations à fond (7 % de la production bio). « Même loin, même en Chine, pourquoi pas ! » car« comparé à la production, le transport n’est pas le poste carbone le plus lourd », assure-t-il. Même en avion « Même en avion ! »Et on ne manquera pas de relever le choix du masculin pour parler bio alors qu’un certain nombre d’acteurs sont attachés au féminin. Au-delà du détail linguistique, cet usage témoigne que LA bio n’a pas été successivement une idée, une technique, un secteur, vision réductrice. Elle reste tout cela en même temps et bien plus, un « élément de progrès social pour l’humanité », comme disent certains agriculteurs bio, avec des objectifs d’intérêt général comme la préservation de la santé des hommes et de la terre, un projet de société.
[1] Natexbio regroupe trois syndicats professionnels : Synadiet (compléments alimentaires), Synabio (entreprises bio) et Synadis bio (distributeurs spécialisés).[2] A distinguer du marché global, 5 milliards d’€ en France tous circuits confondus et plus 10 % entre 2013 et 2014.
Lire aussi : L’agriculture bio décolle et s’installe dans les habitudes des Français
7 mai 2015 / Pascale Solana (Reporterre) http://www.reporterre.net/L-agriculture-bio-est-devenue-un