Ils nous font bien rire

Par Pseudo

Ah, la la ! On ne peut pas s'absenter de France un demi-trimestre sans rater une bonne occasion de s'amuser.

Tenez, il y a à peine un mois. Voilà que notre Manu national, ce brav' général Marchencrabe, se fait traiter de «crétin» par un authentique essayiste de gauche, Michel Onfray. Vous vous rendez compte : «crétin» ! Et l'insolent s'y prend même à deux fois. D'abord sur tweeter, le lendemain au micro d'Europe 1 : «Oui, ça s'appelle un crétin. J'ai vérifié dans le dictionnaire.» Manuel n'a pas goûté un entretien d'Onfray, ou un de ses bouquins — bouquin sans doute pas lu mais que ses conseillers, qui ont suivi l'option «Reader's Digest» à l'ENA, ont dû mettre en fiche pour lui —, ou peut-être tout bêtement les commentaires qui l'accompagnaient, bref : il est apparu à Manuel qu'Onfray préférait l'analyse juste d'un type de droite, fût-ce Alain de Benoist, à l'analyse fausse d'un porte-fanion de gauche, façon Bernard-Henri Lévy, par exemple. Vous voyez le genre ? Un mec de gauche dire ça ! Manu pouvait pas laisser passer — un général Marchencrabe ne laisse rien passer, qu'on se le dise ! Alors il l'a dit : ces ratiocinations, c'était forcément la marque d'un intellectuel en « perte de repères». Fureur du ratiocineur !

C'est un fait, Manuel n'a pas le feeling avec les intellectuels de gauche — en tout cas, ceux qui prennent leurs distances avec les impostures de la néo-bourgeoisie «socialiste». Son passage au ministère de l'Intérieur, peut-être... De la sécurité publique, on glisse si vite à la police des mœurs, et de celle-ci à la police de la parole, comment s'arrêter en si bon chemin ? Surtout si l'on a de nature le verbe autoritaire, l'humeur bileuse, voire belliqueuse, et les joues cramoisies sous l'effet d'un perpétuel courroux. Et les coups de menton qui vont avec — un menton carré, de général Marchencrabe.

En tout cas, voilà qu'un autre de ces insoumis, le démographe et sociologue Emmanuel Todd, tout juste sorti son essai assassin sur les manifestations du 11 janvier, traite à son tour sur BFM-TV notre petit autocrate aux bras courts de «bête», après que celui-ci eut tenu à dire tout le mal qu'il pensait de l'ouvrage dans une tribune du Monde. «Soit il n'a pas lu mon livre, soit il est vraiment bête, les deux ne s'excluent d'ailleurs pas», a grincé l'essayiste. Pire, ce pauvre Manu s'entêtant à riposter à la riposte, pour bien clouer le bec du mal-pensant, il s'est tout bonnement fait comparer à Pétain : «L'optimisme de Manuel Valls est l'optimisme de la Révolution nationale et du maréchal Pétain» ! Une montée aux honneurs que notre brav' général Marchencrabe n'a pas dû apprécier à sa juste valeur...

Lui en Pétain ! Quel mauvais quart d'heure cette petite peste de Marion Maréchal-Le Pen, en pouffant sur son pupitre de l'Assemblée nationale, va bien encore lui inventer lors des questions au gouvernement ? Sa main gauche en tremble déjà de colère.

C'est dur, mais c'est ainsi. Et peut-être même bien mérité. Car peut-être qu'un chef de gouvernement, qui n'a guère le temps de lire des essais avec toute la concentration nécessaire, ni d'écrire, avec la même concentration et un lourd travail de préparation, des tribunes sociologiques dans des quotidiens de renom, ne se trouve pas tout à fait dans son rôle à vouloir établir un catéchisme pour les intellectuels de son pays, comme Moïse avait établi pour son peuple les Tables de la Loi. D'autant que Moïse, lui, gravait tout cela sous la dictée de Dieu.

Enfin, nous aurons bien ri quand même.

(Illustrations, de haut en bas : Manuel Valls, photo Lionel Bonaventure/AFP ; Michel Onfray, photo BALTEL/SIPA ; Emmanuel Todd, photo BALTEL/SIPA)