- Rousset (Bouches-du-Rhône), reportageL’annonce parait sans appel, EDF ne financera plus Nexcis, sa filiale de recherche et développement en photovoltaïque. La décision a abasourdi les salariés et les professionnels du secteur. Nexcis fermera définitivement ses portes le 31 juillet si elle ne trouve pas de repreneur.« Il y a un grand paradoxe. La semaine de l’adoption de la loi sur la transition énergétique au Sénat, notre directeur général nous apprenait la cessation d’activité », dit Stéphan Dainotti, délégué CGT du personnel. Nexcis est implanté depuis 2009 sur la zone industrielle de Rousset, à une vingtaine de kilomètres d’Aix-en-Provence. Fondée par Olivier Kerrec, ancien d’EDF, elle est détenue principalement par EDF et par EREN, une société de Pâris Moratouglou, lui-même fondateur de la société EDF Energies Nouvelles, qui est également au capital de Nexcis.77 salariés sont employés par celle-ci et plusieurs dizaines d’emplois indirects sont induits par son activité. Pour développer ses recherches, Nexcis a reçu 35 millions d’euros du groupe EDFet 25 millions d’aides publiques sous forme de crédits d’impôts et d’aides des collectivités, auxquels s’ajoutent 15 millions d’aides européennes. Forte de ces investissements, l’entreprise travaille au développement de panneaux photovoltaïques à coût réduit en couches minces à destination des centrales solaires ainsi que sur le photovoltaïque intégré à l’habitat, dit BIPV(Building integrated photovoltaics). Elle est en pointe sur son secteur.
- Le démonstrateur
Retournement de discours
Mais à la surprise générale, le 19 février dernier, les représentants du personnel ont appris de leur direction la mise en place d’un PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi). Le 2 mars, l’ensemble du personnel en était informé. Depuis, les salariés sont payés et continuent à se rendre sur leur lieu de travail mais stoppent leurs recherches. La décision leur est incompréhensible. Le BIPVqu’ils développent a été nominé en décembre 2014 au concours EDF Pulse qui distingue une trentaine d’innovations.Un mois avant l’annonce du PSE, Nexcis était présente aux Emirats Arabes Unis pour défendre ses produits dans un salon international dédié aux nouvelles énergies. « En novembre se tenait ici même un séminaire où notre directeur général, Olivier Kerrec, parlait de BIPV comme d’un produit innovant, qui avait tout un marché à prendre. Pour lui, en janvier 2015, on poserait la première pierre de la ligne industrielle », raconte Stéphan Dainotti.Du côté d’EDF le discours s’est retourné. Le 30 octobre 2014, au cours d’une conférence de presse sur ses actions en faveur de la transition énergétique, l’électricien plaçait Nexcis en haut de l’affiche. Mais sur France Inter le 11 avril 2015, le nouveau PDG d’EDF depuis le 21 novembre 2014, Jean-Bernard Lévy, déclarait que « le solaire est une énergie d’avenir à condition que les technologies trouvent leur marché. A propos de Nexcis nous avons essayé pendant plusieurs années de voir si elles étaient compétitives sur le marché et malheureusement ça ne marche pas à tous les coups ». Jointe par Reporterre, l’entreprise publique n’a pas souhaité s’exprimer.Trois quarts d’heure pour discuter d’un tract scotché
Dans leur salle de réunion, les salariés mobilisés doutent de la bonne volonté d’EDF et de leur direction. Ils témoignent d’un climat de défiance et d’une opacité dans les négociations en cours avec la direction. « Ils nous promettent des reclassements mais on n’a encore vu personne d’EDF », lance une salariée à l’assemblée.Yannick Besnard, secrétaire du comité d’entreprise, raconte la négociation du matin : « On s’est fait gronder parce que des affichettes ‘Nexcis vivra’ ont été scotchées sur les murs de la direction. Le DG dit que c’est de la dégradation. Au final on a perdu trois quarts d’heure sur ce point. » A chaque réunion de négociation les représentants des salariés ont le sentiment que les réponses manquent à leurs questions.Le temps presse et ils craignent que leur entreprise perde de la valeur par « la fuite des cerveaux ». Un chimiste et deux ouvriers spécialisés ont déjà trouvé un emploi ailleurs. « On veut bien croire ce monsieur mais il nous faut des actes », affirme Yannick Besnard face au peu d’information donnée par Michel Rubino. « On a traversé le désert et EDF nous laisse à la porte pour en sortir. En fait ils ne veulent pas prendre de risques avec l’industrialisation et veulent faire de l’argent facile avec les installations et les 17 brevets que l’on a mis au point », tranche Stéphan Dainotti.Qui peut sauver Nexcis ?
La plupart des salariés de Nexcis restent solidaires et travaillent à une solution de reprise. « On a dix personnes qui prennent des contacts dans ce sens », dit Yannick Besnard. Il affiche la motivation des salariés : « On veut continuer. On croit au produit ». Ils ne sont pas les seuls. De toute l’Europe, affluent des lettres de soutien de chercheurs du domaine. Treize chercheurs duCNRS et universitaires ont publié une tribune appelant à « sortir Nexcis de la vallée de la mort ».Elle reconnaît à Nexcis, « la mise au point d’une technologie originale de fabrication de modules, au meilleur niveau international ». A l’unanimité, le Conseil Régional de PACA a adopté une motion de soutien à Nexcis le 24 avril. Les députés Jean-David Ciot (PS) et François-Michel Lambert (EELV) ainsi que les députés européens Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) et Michèle Rivasi (EELV) se sont prononcés publiquement en faveur de Nexcis.Lire aussi : La bataille de l’Île de Sein contre EDF pour l’autonomie énergétique
Source et photos : Pierre Isnard-Dupuy pour Reporterre. Sauf photo 1er mai : © Pascale Hélène Martinez11 mai 2015 / Pierre Isnard-Dupuy (Reporterre)
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