Adelante

Publié le 18 mai 2015 par Mentalo @lafillementalo

Pour mes cinq ans, un garçon dont j’ai oublié le nom m’a baissé la culotte, dans la cour de récréation. Je n’ai pas bougé. L’institutrice non plus.

Le jour de mes dix ans, les pommiers étaient en fleur, au fond du jardin. Les amis remplissaient la maison, nous ferions un jeu de piste. A la fin de l’après-midi, je n’en ai pas cru mes yeux lorsque le camion s’arrêta devant la maison et livra les meubles de ma nouvelle chambre, vue sur le jardin et les pommiers.

Je ne me rappelle plus de mes quinze ans.

Pour mes vingt ans, j’obtins une note de 13/20 en histoire de la littérature allemande.

Le jour de mes vingt-cinq ans, je portais un ensemble pantalon en lin rouge, dans le restaurant italien où j’avais réuni quelques amis.

Sur les photos de mes trente ans, en robe rose et blanche devant le massif d’iris du jardin de mes parents, je tiens mon fils nouveau-né devant moi, cachant mes rondeurs de jeune mère.  J’ai acheté des chaussures roses à talons démentiels.

Mes trente-cinq ans furent aussi les quarante de mon frère aîné. Il fait chaud, et nous emmenons nos enfants voir les têtards dans les étangs de notre enfance. Mais la petite grenouille verte n’y est plus.

J’ai longtemps réfléchi à ce que je voulais faire du jour de mes quarante ans. Il me surprit, en équilibre sur le bout des orteils, sur un fil invisible tissé patiemment tout au long de ces années. Quand on y regarde bien, mes aimés me donnent la main et m’empêchent de tomber. Je n’ai pas peur. J’ai décidé d’en faire un jour ordinaire.

Adelante!