Natacha Polony : référendum de 2005, la fracture démocratique. Il y a dix ans, le projet de traité constitutionnel européen était rejeté par les Français

Publié le 24 mai 2015 par Blanchemanche
#référendum #Europe #TCE
Natacha Polony y voit la première manifestation d'une fracture entre les gagnants et les perdants de la mondialisation libérale.

Natacha Polony est chroniqueuse au Figaro. Son dernier livre, «Ce Pays qu'on Abat», est paru en 2014 aux éditions Plon.
Le 29 mai 2005, il y a dix ans tout juste, le peuple français rejetait par référendum le projet de traité constitutionnel européen au sortir d'une campagne épique. Ceux qui pendant des semaines avaient martelé qu'un non provoquerait une forme d'apocalypse s'empressèrent d'expliquer que ce vote ne changeait rien puisque aussi bien, comme le répétait l'ineffable Alain Minc, «il n'y a pas de plan B». Et pour lui donner raison, Nicolas Sarkozy, une fois élu, fit passer par vote du Congrès le traité de Lisbonne, sous-copie du projet de constitution.L'épisode mérite qu'on y revienne tant il marque un moment essentiel dans l'histoire politique et sociale française. D'abord parce qu'il constitue la première manifestation massive d'une forme de fracture entre ce qu'on a appelé «les élites» et «le peuple», et dont il vaudrait mieux parler comme les gagnants et les perdants de la mondialisation libérale et de sa manifestation la plus avancée, la technostructure européenne. Nous n'avons pas encore fini d'analyser ce que signifiait le clivage reproduit dans toutes les strates de la société française: des cadres supérieurs et des meneurs d'opinion en quasi-totalité favorables au oui quand la très grande majorité des ouvriers, employés et petites classes moyennes votaient non.Pire, cette fracture a induit une méfiance et une rancœur envers ces «élites» qui n'a fait que s'amplifier depuis. D'autant que les médias reproduisaient ce clivage. Les dirigeants, rédacteurs en chef et éditorialistes, quasi unanimes pour faire campagne en faveur du oui, et les journalistes de base, reporters, pigistes… largement pour le non. De sorte que les médias sont apparus, par un discours partisan et outrageusement antipluraliste, comme les chiens de garde de l'oligarchie technocratique, ce qui explique le surgissement d'Internet comme lieu de pensée alternative. Il faut se souvenir de l'éditorial de Serge July, le lendemain du vote, traitant les électeurs du non (une bonne partie de ses lecteurs) de xénophobes incapables de discernement… Nous le payons encore aujourd'hui par un soupçon généralisé contre les institutions au sens large et une part de la population persuadée que puisque «les médias officiels nous trompent», n'importe quelle élucubration trouvée sur Internet, devenu la voix du peuple, est une vérité alternative.
http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/05/22/31001-20150522ARTFIG00332-natacha-polony-referendum-de-2005-la-fracture-democratique.php